Une langue malade de ses scribes

L'oral et l'écrit doivent faire bon ménage

Réflexions sur un article de Jean-Benoît Nadeau

Tribune libre

J’ai lu avec beaucoup d’intérêt l’article de Jean-Benoît Nadeau publié dans Le Devoir du 26 janvier sous le titre La langue française est-elle malade de ses scribes?, et je n’ai pu m’empêcher de constater qu’au 21ième siècle nous vivons encore la querelle des anciens et des modernes.

Pour corroborer son argumentaire, l’auteur s’inspire du livre d’Alain Borer, De quel amour blessée : réflexions sur la langue française. D’entrée de jeu, je vous propose un extrait de l’article de M Nadeau : « Depuis longtemps, je crois que l’une des principales maladies de la langue française, en tant que langue internationale, est justement le crédit que l’on accorde à ses plus mauvais avocats qui prêchent l’antienne du génie, de la pureté, de l’universalité de la langue au mépris de l’usage, du plus grand nombre et de leur époque. Ce livre d’Alain Borer est une métastase de cette tumeur qui ronge la langue française au coeur… Son insistance à dire et à redire que l’on ne parle le français que si l’on se conforme à l’écrit et son rejet de toute oralité est bien la preuve que Borer n’aime pas que la langue vive libre du carcan qu’il veut lui mettre. »

À mon sens, nous assistons là un discours usé qui remet en opposition, et cela depuis des siècles, les puristes à outrance de la langue et les tenants inconditionnels d’une langue « vive ». Comme dans tout phénomène sociologique, la langue doit évoluer tout en gardant bien présentes ses racines. C’est ainsi que j’enseignais à mes élèves ce que j’appelais le « français international », à savoir un français compris par tous les parlants francophones de la planète.

En réalité, n’est-ce pas pour que nous puissions communiquer que la langue existe ? Et pour ce faire, l’oral et l’écrit doivent faire « bon ménage ». Sinon nous assisterons à un divorce linguistique fatal et à une « batardisation » du langage. Je terminerai par cet extrait de Jean-Benoît Nadeau qui souligne, à juste titre, l’importance de garder le juste milieu : « J’ai beaucoup écrit là-dessus par le passé, mais le purisme, en soi, est légitime. Sauf quand il se drape dans le manteau du chauvinisme le plus primaire ».

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Henri Marineau2030 articles

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Né dans le quartier Limoilou de Québec en 1947, Henri Marineau fait ses études classiques à l’Externat Classique Saint-Jean-Eudes entre 1959 et 1968. Il s’inscrit par la suite en linguistique à l’Université Laval où il obtient son baccalauréat et son diplôme de l’École Normale Supérieure en 1972. Cette année-là, il entre au Collège des Jésuites de Québec à titre de professeur de français et participe activement à la mise sur pied du Collège Saint-Charles-Garnier en 1984. Depuis lors, en plus de ses charges d’enseignement, M. Marineau occupe divers postes de responsabilités au sein de l’équipe du Collège Saint-Charles-Garnier entre autres, ceux de responsables des élèves, de directeur des services pédagogiques et de directeur général. Après une carrière de trente-et-un ans dans le monde de l’éducation, M. Marineau prend sa retraite en juin 2003. À partir de ce moment-là, il arpente la route des écritures qui le conduira sur des chemins aussi variés que la biographie, le roman, la satire, le théâtre, le conte, la poésie et la chronique. Pour en connaître davantage sur ses écrits, vous pouvez consulter son site personnel au www.henrimarineau.com





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1 commentaire

  • Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre

    27 janvier 2015

    "... à savoir un français compris par tous les parlants francophones de la planète."
    Les terriens qui partagent notre langue sont-ils des "parlants francophones"?
    Fûssent-ils des "parlants", c'est bien le français qu'ils parleront, plutôt que le "francophone"... ces locuteurs.
    Bien sûr, " la langue doit évoluer tout en gardant bien présentes ses racines. " Mais doit-elle vraiment évoluer au mépris même de son nom, que l'ouverture à l'autre voudrait bien effacer? Le mot "français" devient tabou dans notre propre bouche. Bientôt on n'enseignera plus le français mais le francophone, la littérature francophone. On ne parlera plus le français mais le francophone... on écoute de la musique francophone, dans une ville francophone et ses journaux francophones: plus rien n'est en français! Mais on parle, on parle, on est de grands parlants francophones... Et l'on critique l'anglomanie des Français, leur snobisme d'une langue seconde qu'ils sont incapables de prononcer, or peur eux, les francophones, ce sont tous les gens des anciennes colonies. Eux, ils sont demeurés bien Français, et non francophones.