L'Office peut... peu. Nous, peut-on tout?

Anglicisation du Québec


La campagne de sensibilisation que vient de lancer l'Office québécois de la langue française (OQLF) pour amener les entreprises à se conformer à la Charte de la langue me rappelle étrangement celle que j'ai vue, il y a quelques années, au Chili.
Pour inciter les analphabètes à lire, le gouvernement de ce pays n'avait rien trouvé de mieux que d'installer des panneaux routiers sur lesquels on pouvait lire (!): «Apprenez à lire!»
Quand l'OQLF espère atteindre les anglophones unilingues en passant par les médias francophones, sa logique est aussi douteuse. L'intention de sa démarche pour tenter d'éliminer ou même de réduire le nombre de bannières unilingues qui fleurissent au Québec est louable, mais on peut douter de son efficacité.
Pour ma part, il y a longtemps que je ne compte plus sur un organisme gouvernemental pour régler l'épineux problème du respect du français chez nous. Je reste convaincu que la solution revient à chacun de nous.
Il n'y a pas longtemps, un écrivain (bien connu) s'est plaint à mon ami Victor-Lévy Beaulieu de voir que le tailleur, dont il était un fidèle client depuis sept ans, n'avait pas été foutu d'apprendre un seul mot de français.
On peut certes se sentir outré par l'attitude du tailleur du boulevard Saint-Laurent, mais comme m'a fait justement remarquer Victor-Lévy: «Ce n'est pas le tailleur qui est à blâmer ici, mais plutôt celui qui, devant une telle avanie, continue à être son client! Pourquoi ne s'est-il pas trouvé un autre tailleur qui parle français?»
A-t-on déjà vu un commerçant rester indifférent devant une clientèle qui rapetisse et un chiffre d'affaires qui s'effondre? Or, nous avons tous le pouvoir de faire baisser le chiffre d'affaires des récalcitrants en allant dépenser nos sous chez ceux qui nous respectent et parlent notre langue.
Permettez-moi de vous dire de quelle manière je tente d'apporter ma modeste contribution pour que le français garde sa place au Québec. Depuis un certain temps, j'ai adopté une pratique qui, si elle était imitée, porterait sûrement ses fruits. Le procédé est des plus simples. Il part du postulat que l'appât du gain ne laisse jamais un commerçant indifférent.
Ainsi, lorsque je fais l'acquisition d'un article d'une certaine importance (téléviseur, enregistreur numérique, etc.), je l'achète impérativement dans un magasin qui a une enseigne française. Par la suite, je fais une photocopie de ma facture acquittée et je l'expédie par la poste à la direction de Best Buy, Future Shop, et à d'autres, accompagnée d'une petite note (bilingue) qui se lit comme suit: «Si vous aviez eu une bannière française sur la devanture de votre magasin, j'aurais été heureux d'acheter cet article chez vous.»
On prétextera sans doute que ce n'est qu'une goutte d'eau, mais si tous ceux qui ont à coeur de voir la langue française survivre chez nous agissaient comme moi, j'ai la prétention de croire qu'on n'aurait pas besoin d'attendre très longtemps pour que le visage du commerce devienne tel qu'il devrait être.
La lutte pour la protection et la sauvegarde du français doit être permanente, et son succès dépend de chacun de nous! C'est aussi une exaltante occasion pour user de son imagination.
Voilà des années que j'utilise aussi une méthode apprise de mon confrère journaliste feu Arthur Prévost. Lorsque, dans un magasin, une personne me dit: «Sorry, I don't speak French!», je lui réplique aussitôt: «Don't just be sorry, learn it!» (Ne vous désolez pas, apprenez-le!) ou encore, en quittant le magasin je dis poliment: «I'll be back when you have learned how to speak French!» (Je reviendrai quand vous aurez appris à parler français.)
Et quand au restaurant, il m'arrive d'être servi par un employé unilingue anglais, à la place du pourboire, je lui laisse une petite note rédigée uniquement en anglais cette fois, sur laquelle on peut lire (encore une idée d'Arthur Prévost): «Par respect pour vous, je ne vous laisse pas de pourboire. Les billets que je possède sont bilingues. Je ne voudrais pas que les mots français qui s'y trouvent vous offensent!»
Ne baissons surtout pas les bras! Battons-nous!
Se battre pour une cause juste, n'est-ce pas déjà une victoire?
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Alain Stanké - Éditeur et auteur


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