L'information en déroute

Médias et politique

Chaque jour, je constate que les journaux sont de plus en plus minces. Les journalistes du Journal de Montréal continuent de faire le trottoir, victimes d'un lock-out qui aura bientôt un an, et ceux de La Presse sont menacés de mise à pied définitive à compter du 1er décembre prochain à moins d'accepter des conditions de travail nettement moins intéressantes que celles qu'ils connaissent maintenant. La récession fait sournoisement ses ravages et les journaux existants ont du mal à remplir leurs pages de publicité. Pourtant, nous vivons une période où l'information est plus essentielle que jamais.
La démocratie est bafouée ici même. Nous ne sommes même pas sûrs que les élections que nos politiciens multiplient à volonté servent vraiment notre intérêt et pas seulement celui de ceux qui en abusent. Les valeurs que nous nous sommes données sont régulièrement remises en question. La corruption s'est installée à plusieurs niveaux de nos administrations et nous n'arrivons pas à faire entendre raison à notre gouvernement, qui refuse de mettre sur pied une commission d'enquête afin que nous puissions faire le ménage qui s'impose dans nos institutions.
Attention, je ne dis pas qu'on manque de nouvelles. On en a même plus qu'on en souhaite souvent. Les chaînes de télévision qui sont consacrées aux nouvelles nous en servent 24 heures sur 24. Elles sont toutes servies à la même sauce, sans saveur particulière, et surtout, sans accompagnement. Souvent, elles servent à faire du remplissage entre les plages publicitaires. Elles ne sont jamais accompagnées d'une analyse solide. Jamais. On ne vous dira jamais pourquoi la révolte a eu lieu. On vous dira seulement qu'il y a eu 200 morts. Point à la ligne.
La nouvelle, le fait froid, ne manque pas. Il m'arrive même de penser qu'il y en a trop. Ce qui manque, c'est l'information. L'information et la nouvelle, ce n'est pas tout à fait la même chose, me semble-t-il. Je fais partie de ceux qui veulent savoir POURQUOI la révolte a eu lieu et COMMENT ils vont s'en sortir. QUI pourra contenir le mouvement si nécessaire et surtout COMMENT on envisage la suite des choses. Ce qui nous a menés là et comment on entend faire le suivi.
Je m'attendais, par exemple, à ce que les journalistes de l'émission Enquête de Radio-Canada continuent à fouiller les dossiers de corruption qu'ils avaient découverts, ou à ce que l'équipe de TVA, qui ne voulait pas être en reste, soulève aussi les tapis pour savoir enfin ce que certains balayaient dessous depuis des années. Rien de tout cela n'a eu lieu. Chacun a repris son train-train. Quelqu'un quelque part a dû décider qu'on ne pouvait pas faire deux émissions de suite sur le même sujet. En information comme ailleurs, paraît-il, il ne suffit pas d'être pertinent, il faut faire de la variété pour ce pauvre public qui aime tant les choses faciles.
La nouvelle quotidienne
Les élections municipales ont eu lieu le 1er novembre dernier et depuis, un silence de plomb s'est abattu sur le monde municipal. Les journalistes ont tourné le dos aux dossiers chauds qui nous avaient donné l'envie de reprendre nos choses en main et ils ont retrouvé la routine. Jean Charest peut dormir tranquille, c'est lui qui a raison. Les citoyens n'ont pas de mémoire et les journalistes courent toujours après la dernière nouvelle, celle qui va faire la manchette aujourd'hui et qui sera morte demain matin. La roue tourne. Elle ne s'arrête jamais.
J'ai pensé pendant un moment que la police allait tenir une conférence de presse pour nous expliquer comment elle entendait procéder pour faire toute la lumière sur les accusations de corruption qui traînaient dans le paysage. Niet. Rien. La police est totalement secrète. Elle pourrait tout au plus nous expliquer qu'elle ne peut rien dire, car ça nuirait à l'enquête.
Depuis le 1er novembre, les diversions n'ont pas manqué. La nouvelle a repris toute la place. Le gouvernement a même pu compter sur la PPP pour nous aider à changer de sujet de conversation... La PPP (c'est-à-dire la Petite Pandémie Providentielle) avec ses files d'attente, ses ratés, ses changements d'horaire, sa pénurie de vaccins, ses injustices et ses quelques morts, a permis au plus ennuyant des ministres du gouvernement d'occuper autant de temps d'antenne qu'une rock star. Les journaux en ont fait une vedette. Même avec ce mauvais acteur, le fameux vaccin est devenu le numéro un du palmarès. La corruption a pris sagement son trou. C'est à peine si les passe-droits réservés aux «happy few» de l'Hôpital juif de Montréal ou à Claude Dubois et sa famille ont soulevé l'indignation.
Ce qui fait qu'on est de moins en moins surpris quand un drame tourne au comique, comme il est arrivé à l'ADQ cette semaine. Ce parti semble avoir l'art de se couper les jambes lui-même. Il se peut que l'ADQ ne survive pas. Ça n'empêchera pas la prochaine nouvelle de venir prendre toute la place bien avant qu'on ait eu le temps de comprendre ce qui s'est passé à l'ADQ... Le cimetière des nouvelles est plein.


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé

-->