[->10573]Marie-Andrée Chouinard rapporte, dans [Le Devoir du 30 novembre->10573], les
compromis — qui ne relèvent pas des accommodements raisonnables, concept
juridique — , sur les plans religieux ou culturel, négociés à la pièce dans
des institutions scolaires et de soins. Ces compromis, apparemment, font
l'affaire de toutes les parties et ne lèsent personne, tout en évitant de
multiplier les recours aux tribunaux et, par conséquent, des jugements qui,
éventuellement, contribueraient à compliquer la loi et donc à multiplier
les plaintes et les avocasseries.
À la lecture, on se rend compte que si cette manière de traiter le
problème avait été pratiquée plus souvent, on ne se retrouverait pas, par
exemple, avec les conséquences d'un jugement qui légalise le port du kirpan
véritable, sujet qui a contribué, à tort ou à raison, à soulever
l'indignation de plusieurs et les a fermés à tout compromis ou
accommodement sur le plan religieux.
Une société laïque, pour se prémunir contre tout excès religieux dans la
sphère publique, doit-elle absolument transformer la prudence en refus
absolu de tout signe d'appartenance religieuse même lorsqu'il ne trouble
pas la paix publique? Je l'ai cru longtemps, mais je commence à en douter.
N'amplifie-t-on pas ainsi les motifs de frustration, de rancoeur et le
durcissement des attitudes? Transformer bêtement un principe en règle
d'action sans référence au contexte et à la situation mène à en ruiner les
bienfaits escomptés. Comme le disait ironiquement Talleyrand:
«Appuyez-vous solidement sur vos principes, ils finiront bien par céder».
Par ailleurs, d'une part, on trouve aberrant un système politique qui, à
cause des chartes des droits, s'est transformé en gouvernement par les
juges. D'autre part, en se braquant contre tout libre compromis entre
parties dialoguant de bonne foi, on augmente chaque fois l'intrusion du
juridique dans le champ politique, dans l'espace public et même dans
l'espace privé.
Dans la réalité, les Québécois ne sont ni intolérants, au contraire de ce
que Bouchard et Taylor semblent laisser entendre chaque fois qu'ils le
peuvent, ni complaisants, ce que leur reprochent ceux qui croient le Québec
menacé par ce qu'ils voient surtout comme une invasion musulmane
intégriste, réflexe provenant, à mon avis, de la conjugaison de deux
facteurs.
Le premier provient sûrement de ce qu'on appelle la guerre au terrorisme
depuis le 11 septembre 2001, prétexte que s'est donné l'establishment
militaire, industriel, financier (et en partie politique) usaméricain pour
déstructurer les États et les sociétés du Moyen-Orient et du Caucase afin
de faire main basse sur les plus grandes réserves gazières et pétrolières
de la planète. Cette manipulation de l'opinion occidentale a réussi à
justifier, chez le citoyen ordinaire peu et mal renseigné par les médias de
masse, une méfiance parfois hystérique du monde musulman. Je n'élaborerai
pas là-dessus; il existe suffisamment de sources crédibles et à la portée
de tous.
Le second facteur, propre au Québec d'origine canadienne-française, réside
dans l'amertume et la hargne (compréhensibles) d'une partie de la
population contre ce qu'a été le cléricalisme catholique au Québec pendant
au moins 120 ans. Par défaut, on se venge par procuration sur d'autres
religions. Comme toujours dans ces cas, on frappe sur des faibles: les
forts pourraient se défendre...
On ne règlera pas un problème québécois actuel, si tant est qu'il en
constitue vraiment un, en se laissant manipuler par une perception imposée
par la stratégie démoniaque du complexe usaméricain mentionné ou par un
désir subconscient de vengeance mal orienté.
Pour le moment, le Québec n'est menacé ni par la religion musulmane ni par
les immigrants mais accessoirement par l'impéritie de son propre
gouvernement quant à la quasi-absence d'une véritable politique
d'intégration, sérieusement par son ignorance involontaire quant aux
intentions réelles de l'Empire voisin et très sérieusement par sa cécité
quant à la nécessité de l'indépendance. Comparée à ces dangers, la menace
religieuse paraît ce qu'elle est: une diversion programmée qui conforte des
chacals et un exutoire à nos propres refoulements.
Raymond Poulin
-- Envoi via le site Vigile.net (http://www.vigile.net/) --
L'immigration et la question religieuse
On ne règlera pas un problème québécois actuel, si tant est qu'il en constitue vraiment un, en se laissant manipuler par une perception imposée par la stratégie démoniaque du complexe usaméricain mentionné ou par un désir subconscient de vengeance mal orienté.
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2 commentaires
Raymond Poulin Répondre
1 décembre 2007Cher monsieur Bergeron,
J'ai déjà mentionné, dans d'autres articles, le rôle positif de l'Église au Québec, qui ne doit certainement pas être occulté. En revanche, son rôle négatif, qui n'a pas été qu'un incident de parcours, ne doit pas davantage l'être. Dans n'importe quel domaine, il n'existe rien de pire, à mon humble avis, que de camoufler la poussière sous le tapis, ce qui amène souvent un retour du refoulé.
Jacques Bergeron Répondre
1 décembre 2007Comme vous le dites si bien, il ne faut pas abandonner nos décisions aux gouvernements,ni à leurs cours de justice lorsque nous pouvons régler ces choses d'une façon plus simple.C'est dans ce sens que votre serviteur écrivait à Louis Bernard lorsqu'il suggérait que les «lois et la charte des droits et libertés du Québec» contiennent tous les éléments et toutes les réponses aux accommodements raisonnables, pour peu qu'on utilise ces outils démocratiques. Mais,faut-il encore posséder les capacités d'agir, ce que Jean Charest et son gouvernement ne semblent pas posséder.D'ailleurs, j'ai la conviction que si on avait suivi la suggestion ( sans prétention,croyez-moi) de votre serviteur lorsqu'il suggérait dans son mémoire remis à la Commission de Montréal siégeant sur l'avenir du Québec,le 8 février 1995,que l'on permette l'enseignement des religions par des «ministres issus des différentes religions,dont les études seraient reconnues par l'État,cours de religion donnés «après les heures de cours» dans des locaux «prêtés ou loués» aux différentes groupes religieux par les commissions scolaires, on aurait eu beaucoup moins de demandes d'accommodements religieux provenant des différentes religions,mais surtout demandés par les très petits groupes minoritaires de quelques religions.À moins que nos concitoyennes et nos concitoyens croient que l'État du Québec, pays «laïque», est un pays sans Dieu,cette proposition était(et est toujours) certainement recevable et applicable aujourd'hui, comme elle l'était hier. Ceci dit, vous ne m'en voudrez pas de n'être pas d'accord avec votre affirmation, que nous aurions souffert pendant « des années» sous l'emprise de la
religion «catholique. Au contraire, je crois, que malgré ses faiblesses, et celles surtout de sa «haute hiérarchie»,sans la présence de l'Église catholique dans l'enseignement nous incitant à conserver notre langue et notre culture,je dirais malgré «ses» intérêts,nous ne serions pas ici à «oeuvrer» à la recherche de l'indépendance du Québec de langue française, puisque nous nous serions déjà «assimilés» ou «fondus» ,comme nos frères dans le tout «anglo-saxon» de l'Amérique du nord,
pour le plus grand plaisir des Anglais et de leur volonté de faire de ce continent un espace public à leur image, pour les plus grands «maux» de l'univers!J'ajouterai qu'il n'est pas nécessaire d'attaquer la religion qui nous a vu naître, puisqu'elle fut apportée par nos ancêtres venus de France,pour défendre nos opinions dans l'État laïque dans lequel nous vivons, et dans lequel nous souhaitons continuer à vivre, dans le respect des croyants qui, comme nous, recherchent à faire du Québec un pays indépendant de langue «française» en terre des Amériques, un pays capable d'accueillir en son sein les gens de toutes les ethnies et de toutes les religions,sans oublier ceux et celles qui n'en n'ont pas.Se culpabiliser et culpabiliser ses concitoyennes et ses concitoyens,n'est pas le meilleur service que l'on peut se rendre et que l'on peut leur rendre.