Guide "Découvrir le Canada"

L'identité sous la loupe

L'idée fédérale

Les guides de citoyenneté élaborés sur le mode défensif auront beau rappeler fièrement les valeurs propres au Canada, ils ne changeront rien aux écarts observés sur le terrain ni n'effaceront la confusion autour de l'identité nationale.
La question n'est pas de savoir s'il faut louanger le Canada d'avoir osé inscrire noir sur blanc, dans son guide d'étude Découvrir le Canada, que le multiculturalisme et la diversité n'autorisent pas «les pratiques culturelles barbares qui tolèrent la violence conjugale, les meurtres d'honneur, la mutilation sexuelle des femmes ou d'autres actes de violence fondés sur le sexe». Il faut plutôt comprendre ce qui l'a contraint à le faire.
En Occident, la question de l'identité nationale anime les peuples et les gouvernements -- la France réfléchit à la possibilité de bannir la burqa. Si le Canada ressent le besoin de rappeler certaines évidences en les nommant aussi crûment, c'est qu'il craint que son multiculturalisme de tolérance, qui pourrait mener au repli identitaire, ne conduise à des abus, à des incompréhensions graves qui peuvent elles-mêmes conduire à des crimes.
Qu'on ne se leurre pas: ce petit guide destiné aux 250 000 candidats qui chaque année présentent une demande de citoyenneté canadienne aura peu d'impact réel dans la vie de ceux et celles qui prêteront le serment final, n'en déplaise à Hérouxville! Sans balises additionnelles sur le terrain, l'énoncé n'aura été qu'un feuillet à apprendre par coeur avant l'examen, ni plus, ni moins.
Mais il suscite un certain intérêt dans la population, qui est curieuse, ou inquiète, des choix éditoriaux traduits dans le document. Impossible, par exemple, de ne pas y remarquer une surabondante promotion des Forces canadiennes, avec un appel ouvert à l'enrôlement, ou une insistance sur la monarchie.
Il faut saluer la vision choisie de notre histoire, plus «réelle», qui nomme certains conflits et s'excuse de l'assimilation d'enfants autochtones dans des pensionnats fédéraux, de l'internement d'Ukrainiens dans des camps de travail au cours de la Première Guerre mondiale, du refus d'accepter des immigrants juifs tentant de fuir l'Allemagne nazie en 1939, des torts causés aux Canadiens d'origine japonaise pendant la Seconde Guerre mondiale.
Mais tout cela, y compris la manière de présenter mollement l'histoire distincte du Québec au sein du Canada, ne demeure que symbole. Tout au plus symptôme d'une ère où les identités nationales sont en totale refabrication: le défi de la diversité appelle les administrations à pratiquer, sur le mode défensif, quelques mises au point.
Pendant que cette rhétorique politique s'exprime au Canada, le Québec n'a toujours pas défini, comme il le devrait, la laïcité dont il se réclame. Les conclusions de la commission Bouchard-Taylor proposaient d'avoir le courage de faire ce débat et d'élaborer cette définition. Québec, optant pour le louvoiement, n'a pas -- encore -- eu cette audace. Il vient de mettre au rancart son projet de loi 16 sur la diversité culturelle.
Les règles du jeu, lorsqu'elles sont imprécises, donnent lieu à toutes les interprétations, des plus loufoques aux plus intolérables. De manière étonnante, l'école pour filles Marguerite-De Lajemmerais, de la Commission scolaire de Montréal, a intégré le voile islamique à son uniforme officiel. L'école publique deviendrait donc le fournisseur du symbole religieux? Cela n'a aucun sens!
Ces égarements naissent d'une confusion politique. Ils créent en prime une confusion sociale. Nul guide de la citoyenneté, si audacieux soit-il, ne prendra le pas sur les lois et les règlements. Contrairement aux guides d'étude, que l'on peut oublier sitôt qu'on les a lus, ceux-là permettront de mieux fixer le cadre de l'identité.


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