Le Québec et ses lieux de mémoire

L'histoire, « comme fondement d'une nation »

« Des guerres, il n'y a pas de peuples qui n'en ont pas connu »

Coalition pour l’histoire

Le Mouvement national des Québécoises et Québécois (MNQ) réfléchira aujourd'hui sur le besoin pour le Québec de se munir d'une politique de la commémoration. Selon la présidente du MNQ, Chantal Trottier, notre histoire, avec ses périodes souvent mal assumées, mérite plus que des festivités et doit être réhabilitée pour éviter la disparition de nos repères collectifs.
En grande pompe, Québec a fêté son 400e anniversaire, Gaspé a célébré ses 475 ans, puis Trois-Rivières a soufflé sur ses 375 bougies. Ensuite, ce fut au tour du 250e de la bataille des plaines d'Abraham, avec le débat passionné que sa commémoration a suscité.
Depuis quelques années, les Québécois ont-ils vraiment traité leur histoire avec la désinvolture qu'on leur a si souvent reprochée? «Je pense qu'on a voulu des événements festifs, mais on a oublié qu'ils devaient être reliés à l'histoire du Québec», déplore Chantal Trottier, présidente du Mouvement national des Québécoises et Québécois (MNQ). «Il faut d'abord connaître les lieux importants et trouver des moyens pour commémorer, [...] et donner un sens continu à l'histoire, pas seulement événementiel», ajoute-t-elle en considérant que les dernières célébrations n'avaient pas de «liens entre elles». «C'étaient des événements isolés», évoque-t-elle en soulignant le lien étroit qui unit pourtant les divers événements fêtés, une fois placés dans leur contexte historique.
Pour le MNQ, mandaté par le gouvernement du Québec pour coordonner les activités de la Fête nationale, il apparaissait naturel de placer la deuxième édition de son colloque «Quelque chose comme un grand peuple» sous le signe de notre rapport à l'histoire. Sous le thème «Le Québec et ses lieux de mémoire», l'identité québécoise demeurera un enjeu central, comme lors de la première édition développée autour de la question du nationalisme. Cet événement tentera de démontrer «comment l'histoire est là comme fondement d'une nation».
«Pour nous, les lieux de mémoire sont les repères collectifs», précise Chantal Trottier, qui insiste aussi sur l'importance de se «remémorer les grands événements, mais aussi les grands personnages» qui ont peuplé notre histoire.
Des périodes mal assumées
«Il y a beaucoup d'intérêt au Québec pour l'histoire [...], mais il y a beaucoup de parties de notre histoire qu'on connaît mal et qu'on assume mal», constate la présidente du MNQ. À son avis, on ne doit pas seulement valoriser les réussites du passé. «Parfois, on a l'impression, dans le discours public, que notre histoire a commencé en 1960 avec la Révolution tranquille.» Une dérive dangereuse, car revisiter les époques sombres ou difficiles de notre histoire s'avère tout aussi nécessaire pour comprendre nos origines. «[Les périodes dont on a] honte, on préférerait ne pas en parler», s'indigne Chantal Trottier. Or elle considère que ce sont «les périodes difficiles de notre histoire qui nous ont fait évoluer comme peuple».
Elle prend pour exemple le chapitre du XXe siècle que l'on nomme aujourd'hui «La Grande Noirceur», durant lequel Maurice Duplessis a régné à la tête du gouvernement. «Cette période de l'histoire du Québec, on l'a évacuée. Quand on essaie d'en traiter, c'est [perçu] comme si on voulait réhabiliter Duplessis.»
D'ailleurs, l'historienne Lucia Ferretti fera aujourd'hui une conférence sur le rôle national de l'Église au Québec, lors du colloque. Chantal Trottier justifie ce sujet par l'importance de se «rappeler notre passé catholique qu'on assume mal».
«Au lieu de se sentir coupable, il faudrait être fier d'avoir passé au travers de ces épreuves et [constater] que ça nous a amené une certaine maturité comme peuple.»
Tout enseigner
L'instauration du contesté programme «Histoire et éducation à la citoyenneté» dans les écoles secondaires a provoqué le «déclic» qui a incité le MNQ à investir ce champ et à se pencher sur la délicate question de l'interprétation de notre passé. La présidente du MNQ se joint aux voix qui ont vivement critiqué la nouvelle façon d'aborder l'histoire dans nos écoles. «On essaie de passer par-dessus des événements qui ont divisé», considère-t-elle, évoquant la Conquête et la rébellion des Patriotes comme des tournants décisifs peu abordés dans le nouveau programme. «Si on veut faire de l'éducation, c'est nécessaire [d'établir] des repères», insiste Chantal Trottier, qui s'insurge contre cette démarche qui ne cherche qu'à «voir seulement les bons côtés».
Ce malaise à assumer les moments les moins glorieux de notre passé affligerait la solidité de notre identité québécoise. D'après Mme Trottier, ce refoulement affecterait même la perception des nouveaux arrivants. «Si on a honte de notre histoire, les immigrants auront de la difficulté à s'intégrer au peuple québécois.» Question d'alléger le fardeau du sentiment de culpabilité collectif, elle rappelle que, «des guerres, il n'y a pas de peuples qui n'en ont pas connu». Et elle souligne une fois de plus que même les épreuves les plus douloureuses sont à l'origine des grandes réalisations de notre culture. La rébellion de 1837, sur laquelle «on passe très vite» dans le programme «Histoire et d'éducation à la citoyenneté», a amené, à ses yeux, des «revendications très positives en ce qui concerne la démocratie».
Que les épisodes soient som-bres ou lumineux, déchirants ou satisfaisants, «si on connaît mieux notre histoire, on peut faire des choix plus éclairés comme citoyen», conclut la présidente
du MNQ.
Collaborateur du Devoir
- Quelque chose comme un grand peuple se déroulera aujourd'hui, le samedi 19 octobre, au Centre d'interprétation de la place Royale à Québec. On peut s'inscrire sur place dès 8h30.
***
Étienne Plamondon-Emond


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé

-->