De l'indépendance du Kosovo, qui devait être proclamée dimanche 17 février, on pourrait dire ce que disait Churchill à propos de la démocratie : c'est la pire des solutions, à l'exception de toutes les autres. L'Union européenne, qui tiendra le nouvel Etat sur les fonts baptismaux, le sait bien. Elle s'apprête à envoyer dans l'ancienne province de Serbie la plus importante mission qu'elle ait jamais décidée dans le cadre de sa politique de sécurité et de défense. Quelque 2 000 policiers, juges, douaniers vont s'ajouter aux 15 000 soldats de la KFOR pour "surveiller" l'indépendance du Kosovo.
Certes, les albanophones, qui représentent 90 % des deux millions d'habitants du Kosovo, sont favorables, dans leur écrasante majorité, à une indépendance qui apparaît comme l'issue logique de la guerre de 1999. Ils estiment même avoir fait preuve d'une longue patience après des années de résistance passive contre l'oppression serbe exacerbée à la suite de l'arrivée au pouvoir à Belgrade de Slobodan Milosevic, à la fin des années 1980, et après dix ans de tutelle onusienne. Mais l'indépendance, soutenue aussi par les Etats-Unis, suscite de fortes oppositions. De la part des Serbes, d'abord. Ceux-ci considèrent le Kosovo, où se trouve le Champ des Merles, haut lieu de leur défaite contre les Ottomans en 1389, comme le berceau de leur nation. Des Russes aussi, qui se sentent floués par les Occidentaux. De certains pays de l'UE, qui craignent, par contagion, de voir leurs minorités revendiquer les mêmes droits que les Kosovars.
L'Europe se présente encore une fois dans les Balkans en ordre dispersé. A la différence des années 1990 cependant, quand la Yougoslavie s'est effondrée, elle ne se déchirera pas. Elle est décidée à sauver les apparences. Même si certains parmi les vingt-sept membres de l'UE ne reconnaîtront pas le nouvel Etat, aucun ne s'est opposé à la mission au Kosovo.
Il n'en demeure pas moins que l'Europe joue à contre-emploi. Fondée sur le dépassement des nationalismes, elle donne l'impression de récompenser le nationalisme kosovar. Au nom de quoi refusera-t-elle l'autodétermination des Serbes de la région de Mitrovica, au nord du Kosovo, voire celle des Serbes de la Republika Srpska en Bosnie-Herzégovine ? Au nom de la raison d'Etat ?
Loin d'être comme chacun l'espère le dernier soubresaut de la dissolution de la Yougoslavie, l'indépendance du Kosovo ne serait alors qu'un nouvel épisode de l'instabilité balkanique. Pour conjurer ce danger, l'UE devra s'investir, plus encore qu'elle ne le fait actuellement, dans toute la région. Et en particulier en Serbie, qui doit pouvoir croire en son avenir européen. Cette politique coûtera cher en ressources matérielles et humaines. Les Européens doivent en être conscients.
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