L'Europe en deux - Fin d'un rêve

Crise du capitalisme - novembre décembre 2011



C'est clair comme de l'eau de roche: au cours des derniers jours, les dirigeants des nations membres de l'Union européenne (UE) ont emprunté la voie qui débouche sur la division du continent en deux blocs. Un qui incline au libre-échangisme, l'autre à davantage de fédéralisation. Ceci annonce cela: une période d'affrontements politiques à l'intensité impossible à prédire.
En 48 heures et seulement 48 heures, on a observé la publication d'un nombre imposant d'articles et analyses consacrés au divorce possible entre les 17 pays qui partagent l'euro et les 10 qui n'en sont pas. Histoire d'illustrer l'humeur maussade qui plane actuellement de l'autre côté de l'Atlantique, on a retenu quatre titres. «L'éclatement de l'Europe est un risque réel» et «L'Europe finira-t-elle comme l'Union soviétique?» dans le quotidien Le Monde. «Two-speed Europe, or two Europes?» dans The Economist et «Support for Euro Risk Splitting European Union» dans le New York Times.
Peut-être que ces titres sont un tantinet alarmistes. Par contre, une chose est sûre, ils font écho à la précipitation avec laquelle les champions des deux camps se réorganisent afin d'accomplir un remodelage des influences respectives à chacun, et du coup de cette ambition européenne née des décombres de deux guerres mondiales avec comme slogan: «Plus jamais ça!» Exemple par excellence de cette précipitation qui peine à cacher son lot d'anxiétés, les 10 qui n'ont pas adopté l'euro se sont réunis à deux reprises, et dans la discrétion, au cours des cinq derniers jours dans le but de construire un front commun qui ne dit pas encore son nom sous la direction des Britanniques.
À lire les propos formulés par ces derniers, on a l'impression que la crainte s'est installé à demeure au 10, Downing Street. Prenons Nick Clegg, vice-premier ministre du Royaume-Uni. Il vient de lancer une mise en garde voulant que les 10 ont convenu de se battre afin de protéger leurs intérêts. Il a également souligné que la taxe sur les transactions financières que Merkel et Sarkozy ont promis d'imposer aurait un impact si disproportionné sur la City de Londres qu'une contre-offensive, dont la nature reste à déterminer, s'ensuivrait. Ils craignent aussi et surtout que dans la foulée de la construction d'un condominium franco-allemand, la France soit en mesure de réimposer sa vision d'une Europe plus politique que libre-échangiste ou britannique.
Il n'a pas échappé à Clegg, comme à Dave Cameron et leurs homologues des 10, qu'à la faveur des décisions prises lors du dernier sommet de la zone euro, avant celui du G20, la marginalisation de la Commission de Bruxelles ainsi que de la présidence de l'Union actuellement entre les mains des Polonais, s'était accentuée au profit du couple franco-allemand. Il ne leur a pas échappé non plus que Nicolas Sarkozy a enfoncé le clou sans faire dans la dentelle.
Qu'a-t-il martelé? Qu'en accueillant les nations des Balkans, l'Union pourrait fort bien compter 32 ou 34 nations, mais qu'au sein de ce groupe il y aura un noyau dur fédéral, qu'on devine mené par Paris-Berlin, et tendant pour plus d'intégration politique et tous les autres. Son intervention a ceci de fascinant qu'elle consacre la victoire, 20 ans plus tard, de la théorisation allemande du concept de noyau dur. Qui en fut le principal auteur? Wolfgang Schäuble, alors qu'il était conseiller du chancelier Helmut Kohl. Et que fait-il aujourd'hui? Il est ministre des Finances.
Cela étant, reste à espérer que tous ces bouleversements ne vont pas aiguiser encore davantage la fibre nationaliste, et donc les menaces qui lui sont inhérentes.


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