LIBRE OPINION

L’État-succursale, création de l’«overclass»

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Un portrait des prédateurs qui pillent les nations






Certains désignent par le terme « overclass » la minorité d’individus qui se situent actuellement au-dessus des autres et, notamment, d’anciennes élites nationales. L’overclass est une engeance foncièrement supranationale : son projet est mondial, tant dans ses finalités que dans ses moyens. Elle est un réseau quasi exclusivement occidental. Elle gravite en hauts lieux, est présente dans les grandes occasions politiques ou économiques (comme le G20 ou le forum de Davos), voire mondaines. Elle rassemble de grands noms de la banque et de la finance, des abonnés des forums internationaux, des responsables de think tanks, des membres de certaines organisations non gouvernementales ou de grands cabinets d’avocats, quelques empereurs médiatiques et, bien sûr, des dirigeants politiques.


 

Elle déploie le gros de son influence pour favoriser l’accumulation de la richesse, notamment par la défense d’une spéculation boursière sans entrave. Pour elle, les droits et devoirs collectifs sont à encadrer, voire à dissoudre. Ses membres sont en fait beaucoup plus portés sur leurs droits que sur leurs devoirs, bien qu’ils s’en cachent en revêtant très souvent le masque de la philanthropie.


 

Comme pour toute élite, la reproduction sociale est essentielle à sa survie, ayant à se renouveler tant et aussi longtemps que les êtres humains seront mortels. L’overclass a donc établi un système de promotion sociale à l’échelle mondiale. Ainsi, elle est à la fois nouvelle et ancienne, le produit d’un monde économique émancipé du politique et du national et le résultat d’une transformation des élites nationales qui s’y sont fondues.


 

Elle a aussi son idéologie officielle, servant à la nécessaire construction de l’opinion. Tout un discours est mobilisé pour transformer la société par le haut, par et pour ses intérêts. Ses idéaux font rayonner le culte de l’enrichissement individuel comme la manière d’enrichir tout le monde, ainsi que l’émancipation totale de l’individu, lequel devrait être affranchi au maximum du collectif. Le tout est enrobé de messianisme, car la mondialisation mènera à l’unité du genre humain, à la fin des conflits et à la prospérité universelle. Parce que l’overclass souhaite construire un monde dépassionné et neutre au chapitre des valeurs et vertus publiques, son projet fait de l’efficience, élément purement contractuel et prétendument rationnel, le seul critère d’organisation envisageable.


 

Mais son rêve de mondialisation, celui d’un monde d’abondance sans frontières, d’un accès facile au bonheur matériel, d’un vaste univers de possibilités, de village global, elle est la seule, en fait, à pouvoir le vivre, dans sa communauté coupée de la réalité des autres. Elle est la seule à pouvoir véritablement aller de Genève à San Francisco comme on traverserait la rue. Elle vit dans des quartiers résidentiels sécuritaires, ou sécurisés, loin des milieux populaires désindustrialisés où la misère causée par ses actions se fait sentir.


 

Elle travaille dans les grands centres, loin des usines que ses transactions actionnariales ont les moyens de fermer en un après-midi. Ses enfants fréquentent des écoles protégées de la délinquance. Le no fault est son principe, alors qu’elle a la capacité, par ses réseaux, de faire appel au contribuable pour rattraper ses erreurs de gestion économique. Les paradis fiscaux qui embarrassent parfois ses membres ne sont pas une aberration, mais l’aboutissement philosophique logique de sa mondialisation, la fortune n’ayant pas à s’arrêter là où une frontière se dresse, mais devant pouvoir s’expatrier sans difficulté sous des cieux plus cléments.


 

La crise de confiance des peuples à l’égard des élites est aujourd’hui totale. […]


 

Pour que les intérêts de l’overclass puissent avancer sans cesse, il lui faut transformer le politique en aménageant l’État-succursale. Entièrement tourné vers l’accueil d’un capital mobile, celui-ci a pour mission de lui fournir un environnement optimal. Au contraire de l’État minimal souhaité par les libertariens ou les anarchistes, l’État-succursale intervient énergiquement, mais en faveur d’une minorité. Si l’État-succursale est actif quand beaucoup souhaiteraient qu’il s’efface, et végète quand on voudrait le voir bouger, c’est qu’il a une activité à deux vitesses : l’impuissance consentie pour l’encadrement économique, et la servilité pour la gestion des « vraies affaires ». Pour contrer toute dissidence, l’État-succursale a en outre ses outils de distraction et de censure : courroies de transmission idéologiques, hégémonie du politiquement correct et endormissement des consciences par le spectacle, quel qu’il soit.


 

Le Québec, déjà fragilisé par son statut d’État incomplet, n’a pas échappé à la nouvelle donne. Dans un contexte où le client a remplacé le citoyen, l’élection a changé sa vocation, n’étant plus qu’un processus d’estampillage de la certification démocratique. Quand le politique devient technique, quand une seule direction peut être empruntée, le choix d’un gouvernement n’est plus le fruit d’un affrontement entre des visions différentes de la collectivité. Les campagnes ne sont guère plus qu’un long entretien d’embauche où les candidats montrent leur conformité avec une description de tâches très précise, qui ne comprend certainement pas la définition de grandes orientations démocratiques.






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Simon-Pierre Savard-Tremblay179 articles

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Simon-Pierre Savard-Tremblay est sociologue de formation et enseigne dans cette discipline à l'Université Laval. Blogueur au Journal de Montréal et chroniqueur au journal La Vie agricole, à Radio VM et à CIBL, il est aussi président de Génération nationale, un organisme de réflexion sur l'État-nation. Il est l'auteur de Le souverainisme de province (Boréal, 2014) et de L'État succursale. La démission politique du Québec (VLB Éditeur, 2016).





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