Madeleine Parent, 1918-2012

L'engagement et la persévérance

Nos disparus - 2012


Andrée Lévesque - Spécialiste en histoire des femmes - Une grande dame nous a quittés. Elle était entrée dans la légende depuis des décennies. Organisatrice syndicale, féministe, humaniste, Madeleine Parent ne nous a pas vraiment quittés. Je ne me résigne pas à écrire qu'elle est partie, encore moins éteinte: elle vivra dans toutes les causes, parmi tous les groupes de travailleuses et de travailleurs, d'immigrants, d'autochtones qu'elle a appuyés durant une longue vie.
Madeleine Parent est née à Montréal en 1918 en face du parc La Fontaine. Ses parents l'envoyèrent dans les meilleures écoles et, après l'obtention d'un baccalauréat à l'Université McGill, elle se lance dans l'organisation syndicale, inspirée par une autre grande dame, Léa Roback. Elle fait ses armes dans l'industrie du textile à Saint-Henri et dans Hochelaga avant de se tourner vers l'organisation de l'usine de Dominion Textile à Valleyfield. Les conditions de travail, les salaires étaient pitoyables. La grève de 100 jours qu'elle y mène en 1946 se solde par la reconnaissance du syndicat des Ouvriers unis des textiles d'Amérique, non sans que le premier ministre Maurice Duplessis eût déclaré la grève «illégale».
L'année suivante, Madeleine Parent mène une grève à Lachute à la suite de laquelle Maurice Duplessis lui intentera, ainsi que les organisateurs Kent Rowley et à Azélus Beaucage, un procès pour sédition. Le célèbre procès de Madeleine se soldera par un non-lieu en 1957, ce sera le plus long procès dans les annales judiciaires du Québec.
L'héroïne de Valleyfield sera pendant des années la bête noire de Maurice Duplessis. À la suite d'autres grèves dans l'industrie textile en 1952, Madeleine Parent et Kent Rowley fondent leur propre syndicat, indépendant de toute affiliation américaine. Désormais l'épouse de Kent Rowley, elle poursuit ses activités syndicales en Ontario où Madeleine et Kent deviennent un couple mythique.
Près de la politique
Madeleine a toujours suivi de près la scène politique, prenant parti pour le Oui aux référendums et adhérant au Parti québécois après son retour au Québec en 1983. Elle a lutté contre les accords de libre-échange et participe au Sommet de Québec en 2001 et siège à son Tribunal populaire ou Tribunal des sages. On se souviendra longtemps d'elle, marchant plusieurs kilomètres, portant une bannière par cette chaude journée du 21 avril 2001.
Féministe, elle est membre fondatrice du Comité d'action pour le statut de la femme (NAC) à Ottawa où elle représente le Québec entre 1972 et 1983. Elle se fait connaître pour sa défense des droits des femmes autochtones et pour son combat pour les salaires égaux pour travail de même valeur. Elle fut membre active de la Fédération des femmes du Québec et participe à la Marche du Pain et des Roses de 1995 et à la Marche contre la pauvreté et la violence faite aux femmes en 2000.
Madeleine était un exemple de discipline, de volonté et de persévérance. Elle n'a cessé de protester contre les compressions dans les services sociaux, elle s'est portée à la défense des droits des travailleuses et des travailleurs immigrants, en particulier pour les femmes sud-asiatiques. Elle suivait de près la scène internationale et était membre de la Voix des Femmes. Toujours prête à dénoncer l'influence américaine au Canada, elle a dénoncé l'ALENA et s'est prononcée contre la première guerre du Golfe en 1991 comme contre la deuxième en 2002 quand, déjà fragile, elle est descendue dans la rue pour réclamer la paix au Moyen-Orient.
Ce serait un cliché de dire qu'elle est et demeurera une inspiration, mais oui, elle ne va pas cesser d'inspirer toutes celles et tous ceux qui luttent pour la justice sociale, bravant les forces du pouvoir, prêts à assumer les conséquences de leurs actions.
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Andrée Lévesque - Spécialiste en histoire des femmes


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