L’électoralisme de Pierre Curzi

Examinons aussi les motivations de Pierre Curzi

Tribune libre

Plusieurs Vigiliens se sont intéressés à ce qui a pu conduire Mme Marois à présenter la Loi 204 comme elle l’a fait. Elle-même s’est expliqué et a reconnu une erreur de jugement. De tous les démissionnaires, Pierre Curzi est sans doute celui qui y est allé le plus fort. Selon lui, en entrevue aux Francs-tireurs, Pauline Marois aurait su ou deviné qu’il y aurait opposition à son projet de Loi 204, et elle aurait agi d’autorité pour clore le bec aux râleurs; de plus, elle aurait péché par électoralisme pour prendre les comtés de la ville de Québec aux prochaines élections. Les divergences des versions de Curzi et de Mme Marois sautent aux yeux, mais le focus est bien rarement mis sur les motifs de Curzi. Celui-ci prétend avoir défendu les droits fondamentaux des opposants à la loi 204 de recourir aux tribunaux, et vilipende au passage l’électoralisme de Mme Marois. Plusieurs croient au moins en bonne partie la version de Curzi. Je ne veux certes pas jeter de doutes dans leur esprit, mais je crois qu’il faut aller un peu plus loin dans l’analyse, et sonder les nobles motifs de Curzi.
Je veux bien croire qu’il n’en pouvait plus de supporter cet autoritarisme et cet électoralisme. Mais quand je vois qu’à partir de cet épisode malheureux d’aréna, il va jusqu’à proposer la proportionnelle comme remède à notre démocratie malade, je m’interroge. Partout où elle st utilisée, la proportionnelle a abouti à la dictature des minorités, elle va contribuer entre autres à diminuer encore et bien davantage le poids politique des régions du Québec, mais il se lance là-dedans tête baissée et y va d'une lettre ouverte dans La Presse. Voilà un remède bien pire que la maladie. Nous avons au Québec des problèmes bien plus urgents à discuter que ça, l’indépendance par exemple. Ce débat sera utile une fois le Québec indépendant, mais il nous fait perdre temps et énergie en attendant. Toutefois, la question se pose, est-ce vraiment pour guérir la démocratie malade au Québec qu’il a démissionné ?
Je ne prétends pas sonder les reins et les cœurs, mais permettez-moi un autre coup d’œil sur les raisons de cette démission. Pierre Curzi voulait prendre la place de Mme Marois, et son score au congrès (plus de 90 % d’appui, du jamais vu au PQ) l’en éloignait pour longtemps, sinon à jamais. Il aurait alors profité du premier faux pas de Mme Marois pour lui donner un croc-en jambe. Il y avait des façons d’éviter les démissions et tout ce qui a suivi. Jean-François Lisée en a montré une, d’autres sont imaginables, comme par exemple rester dans le parti et voter tout simplement contre la loi 204. Mais l’occasion était trop belle. Poser en grand défenseur des libertés fondamentales lui plaisait sans doute, devenir le pharmacien de notre démocratie malade est un rôle intéressant pour notre ancien comédien. Et il y va de condition pour faire un retour au PQ. Il ne se gêne pas pour faire du départ de Mme Marois la condition de son retour au PQ. Il n’y fera pas long feu s’il n’en est pas le chef. Examinons maintenant son accusation d’électoralisme contre Mme Marois, c’est grave ça, l’électoralisme.
Selon La Toupie (http://www.toupie.org/Dictionnaire/Electoralisme.htm), « L'électoralisme désigne l'attitude, le discours, les méthodes d'un homme, d'un parti ou d'une autorité politique ayant pour seul objectif de recueillir le maximum de suffrages ou de remporter une élection. » Rappelons tout d’abord qu’il y a tout lieu de craindre qu’il ait monté toute cette histoire pour chasser Mme Marois du pouvoir et déclencher ainsi une course à la chefferie de laquelle il sortirait gagnant. Or, selon la définition plus haut, l’électoralisme désigne l’attitude, le discours, les méthodes d’un homme (…) ayant pour seul objectif de recueillir le maximum de suffrages (…); nul besoin de limiter l’électoralisme à la victoire aux élections provinciales. Pour remplacer sa chef, Pierre Curzi veut déclencher une course à la chefferie et la gagner. L’attitude vis-à-vis sa chef, son discours, tout ce que nous voyons faire à Pierre Curzi depuis sa démission relèverait donc de l’électoralisme, et d’un électoralisme de bas étage puisque ce qu’il veut, c’est d’être élu chef du PQ. Il aura beau se draper comme il le fait de grands principes pour une histoire d’aréna, comme le rappelait Mme Pierrette St-Onge, il a oublié bien vite les victimes de ce genre de lois spéciales. Et faire tout ce plat devient alors suspect, disproportionné. Ce n’est pas moi qui dis qu’il est plus facile de voir la paille dans l’œil du voisin que la poutre dans le sien, mais on pourrait aisément conclure que cette démission et ce qui l’entoure vient illustrer ce vieil adage, Curzi ayant bien vu la paille dans l’œil de Mme Marois.
D’ailleurs, qu’il ait tort ou raison dans sa lecture du comportement de Mme Marois ne fait pas bonne mine à cette dernière : ou elle a commis l’erreur de jugement qu’elle avoue, ou son comportement était dicté par de l’électoralisme et de l’autoritarisme. Elle prête flanc à de dures critiques dans un cas comme dans l’autre. Mais avant de le lui reprocher, Pierre Curzi pourrait faire un examen de conscience à propos de ses propres motifs. Peut-être lui aussi avait-il des raisons plus ou moins avouables d’agir comme il l’a fait. Et ses admirateurs m’en excuseront, mais je ne vais pas nécessairement prendre tous ses propos pour argent comptant. Dans ma perspective, Pierre Curzi n'est certainement pas auréolé de la pureté démocratique. Et il est très mal venu d'accuser Mme Marois d'électoralisme.
Louis Champagne, ing.


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6 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    4 octobre 2011

    Monsieur Champagne,
    Dès mon réveil ce matin, l'envie de relire les Maximes de La Rochefoucauld me trottait dans la tête, question de replonger quelques instants dans l'ivresse de ma jeunesse. J'avoue qu'en lisant votre texte et les commentaires adroitement endiablés que vos propos ont suscités, cette envie est devenue irrésistible. Je vous remercie.

  • Pierre Cloutier Répondre

    4 octobre 2011

    Message à BC-BG
    [1] Après avoir été successivement un traitre, un espion à la solde du fédéral, un enragé, un misogyne, un macho, un démolisseur, voilà que je suis un goujat.
    [2] Vous n'arrêtez pas de m'attaquer personnellement mais cela me passe comme l'eau sur le dos d'un canard.
    [3] Pensez-vous sincèrement que cela va m'empêcher de continuer une seule seconde d'écrire ce que j'ai à dire?
    [4] J'ai 42 ans de pratique du droit derrière la cravate et j'ai la couenne dure. Je peux passer en mode de contre-attaque si vous voulez.
    [5] En passant, la chambre des régions, c'est votre Pauline préférée qui en a parlé la dernière fois pour dire qu'elle était d'accord avec l'idée. Pas moi. Vous lisez tout croche.
    [6] Y a un dicton qui dit à peu près ceci : il y a beaucoup de gens idiots sur cette terre, mais il faut éviter de leur dire pour ne pas perdre le plaisir de tirer profit de leurs conneries.
    Pierre Cloutier

  • Archives de Vigile Répondre

    4 octobre 2011

    Me Cloutier,
    je me tords de rire quand je vous vois essayer de créer le mythe d'un Pierre Cloutier qui ne se salit pas les mains avec ce que vous appelez "la petite politique provinciale de merde". C'est plus fort que vous: le scatologique vous attire. Comme quand vous avez parlé de "diarrhée verbale" à propos de la prose de Luc Archambault. Vous en êtes resté au stade anal.
    "Ce n’est pas une question d’hommes ou de femmes politiques" dites-vous péremptoirement. Les dernières élections fédérales du 2 mai vous contredisent péremptoirement: les Québécois ont voté pour l'homme Jack Layton.
    Parlant de "niveau" où vous ne descendez pas, essayez d'écrire des textes et des commentaires de haut niveau où vous respectez les personnes qui pensent autrement que vous et vous aurez un peu de crédibilité. Je n'ai pas du tout aimé votre façon de traiter cavalièrement Pierrette St-Onge.
    Vous étiez plus crédible quand vous parliez de Coventree, de Lucien Bouchard ou de l'espionnage de René Lévesque par la GRC. Espérons que vous allez revenir à ce haut niveau. J'espère que votre féministe de femme ne vous donne pas trop de fil à retordre et que vous ne vous vengez pas sur Pauline Marois de toutes les féministes qui vous ont fait souffrir.
    On s'en contrefout de votre chambre des régions et des plats que vous voulez mettre sur une table qui ne peut exister que si le Parti québécois prend le pouvoir, ce contre quoi vous travaillez systématiquement depuis des mois. Et le plus drôle c'est que vous dites que de vouloir nuire au Parti québécois c'est faire de la politique de haut niveau. Laissez-moi rire.
    Robert Barberis-Gervais, 4 octobre 2011

  • Pierre Cloutier Répondre

    4 octobre 2011

    [1] On s'en contrefout du projet de loi 204.
    [2] Pierre Curzi a le droit d'être ce qu'il est et de faire ce qu'il veut. Cela ne nous intéresse pas plus que l'ambition de Pauline Marois de devenir la première première ministre de la province de Québec.
    [3] Ce n'est pas une question d'hommes ou de femmes politiques. C'est une question de programme politique et la personne qui aura le courage minimal de mettre une proposition d'indépendance sur la table lors de la prochaine élection aura mon vote.
    [4] La petite politique provinciale de merde ne m'intéresse absolument pas et les commérages concernant les vedettes politiques encore moins.
    [5] C'est un niveau où je ne descends pas.
    Pierre Cloutier

  • Michel Pagé Répondre

    4 octobre 2011

    Puis-je vous suggérer des propos plus constructifs, http://www.vigile.net/Resilience-et-conscience-nationale
    Bien votre

  • Archives de Vigile Répondre

    4 octobre 2011


    M. Champagne
    L'idée de soumettre les trois démissionnaires à une analyse de leurs motivations est excellente. En effet, comme je me suis adonné à l'étude des comportements et des motivations de Pauline Marois dans l'affaire de la loi 204, il n'est que juste d'appliquer la même discipline aux démissionnaires.
    M.Champagne, vous le faites ici pour Pierre Curzi et vous le faites bien.
    Il faut remercier Pierrette St-Onge qui est méprisée par le penseur à numéros de nous avoir mis sur la piste. Pierrette St-Onge mérite le respect: je l'invite à ne pas se décourager et à ne pas se laisser impressionner et intimider par la goujaterie.
    Je partage votre opposition à la proportionnelle et à toute la diversion qui est faite sur la démocratie au Québec sauf l'idée d'un référendum d'initiative populaire uniquement appliquée à l'indépendance.
    De même les références à une chambre des régions me paraissent prématurées et inopportunes. Si on pense qu'on va rétablir la confiance dans les acteurs politiques en proposant une chambre des régions, on se trompe lamentablement avec ce genre d'idées qui arrivent comme des cheveux sur la soupe et qui ne touchent personne sauf les étudiants en science politique ou certains avocats qui ont une idée géniale à la seconde.
    M. Champagne, sur votre lancée, poursuivons votre analyse des motivations.
    Dans le cas de Louise Beaudoin, c'est simple: elle est une grande amie de Denis de Belleval et elle est contre le retour des Nordiques à Québec. Ses analyses sur la guerre politique relèvent de l'angélisme.
    Dans le cas de Lisette Lapointe, elle a été frustrée (avec raison) des méthodes qui ont été utilisées pour mettre la proposition de Crémazie sur une voie d'évitement, vous savez cette proposition qui demandait la création immédiatement après le congrès d'avril 2011 d'un comité opérationnel pour préparer l'indépendance.
    Donnons-leur le bénéfice du doute quant à la question de principe des droits sacrés du citoyen Denis de Belleval à vouloir contrecarrer les projets Labeaume-Péladeau ou Québec-Québécor en se servant des tribunaux pour mettre en échec la volonté démocratique de la majorité des gens de la grande région de Québec, volonté qui s'exprime à travers leur maire. Si Denis de Belleval a des droits, que fait-on des droits de la majorité des gens de Québec qui veulent un amphithéâtre et un club de hockey de la ligue nationale!
    Sur la soi-disant question de principe, rappelons que des citoyens qui habitent le long du chemin du P'tit train du Nord ont perdu leur droit de poursuite par la loi 90 de décembre 2004 sur les véhicules hors route (motoneiges et VTT) et que personne n'en a fait un plat.
    Dans toute cette histoire, celui qui a été le plus honnête est sans aucun doute Jean-Martin Aussant.
    Robert Barberis-Gervais, 4 octobre 2011