L'échec de Meech, le triomphe du statu quo

MEECH - 20 ans plus tard...



C'était il y a 20 ans: mort de l'accord du lac Meech, arrivée de Jean Chrétien à la tête du Parti libéral du Canada, démission de Lucien Bouchard du gouvernement Mulroney et formation de l'embryon du Bloc québécois, élection du premier député du Bloc québécois (Gilles Duceppe, mais le Bloc ne sera officiellement créé qu'en 1991)...
Même si on n'est pas très porté sur les anniversaires politiques, difficile de passer à côté de l'été 1990. Cette période, c'est plus que quelques événements, c'est une époque en soi.

L'accord constitutionnel du lac Meech, mort il y a 20 ans, aurait pu aussi entraîner la mort du Canada tel qu'on le connaissait. Et si, en fait, c'était exactement le contraire qui s'est passé? Et si la mort de Meech avait plutôt provoqué une chaîne d'événements qui allait consacrer le statu quo?
L'avortement de ce compromis, trop généreux envers le Québec pour les uns, trop timide au contraire pour les autres, a, il est vrai, ébranlé sérieusement le pays. Il a, notamment, provoqué une naissance: celle du Bloc québécois, mené par Lucien Bouchard.
Chez les fédéralistes québécois, on craignait d'ailleurs les effets dévastateurs de la mort de Meech au Québec, où les souverainistes exploiteraient avec raison le rejet de cet accord.
Des libéraux fédéraux, proches de Paul Martin à l'époque, disent avoir tenté de convaincre Jean Chrétien d'appuyer finalement Meech vers la fin de la course à la direction du PLC.
«On avait dit à Chrétien: cette course est finie, tu as les appuis voulus pour gagner contre Paul (Martin), laisse passer Meech, maintenant!»
On connaît la suite: Jean Chrétien est devenu chef du PLC le jour même de la mort de Meech, écrivant ainsi la première page d'un chapitre tumultueux dans les relations entre Québec et le reste du pays. Entre Lucien Bouchard et Jean Chrétien aussi.
Ce chapitre culminera, cinq ans plus tard, avec le référendum de 1995, un véritable traumatisme pour les fédéralistes.
Octobre 1995 marque donc l'apothéose de l'ère post-Meech mais, depuis, le mercure du thermomètre constitutionnel n'a fait que redescendre.
Au Québec, Meech reste, pour ceux qui ont connu cette époque, soit un traumatisme, soit un stimulant, selon leurs allégeances et leur lecture de l'histoire. Comme cela arrive si souvent en politique, nous sommes toutefois ici davantage dans les symboles que dans la substance. Faites le test (sans googler!): quelles étaient les cinq conditions de l'accord du lac Meech?
Maintenant, faites le test avec les moins de 30 ans. Le lac quoi?
Au Canada anglais, Meech est surtout un mauvais souvenir, quelque chose de désagréable que l'on cherche à oublier, comme les anciennes soirées trop arrosées et les flirts douteux juste avant que les lumières s'allument dans le bar.
On n'en parle plus, d'ailleurs, même en ce 20e anniversaire.
Il faut dire que le mouvement souverainiste au Québec a perdu de sa vigueur depuis quelques années.
Il faut dire aussi, autre élément-clé pour comprendre l'indifférence du ROC, que bien des Canadiens ont conclu, à tort ou à raison, que la fameuse loi sur la «clarté» adoptée par le gouvernement Chrétien en 2000 avait réglé définitivement le dossier en rendant impossible une déclaration d'indépendance du Québec. Dans les faits, la loi, comme le renvoi de la Cour suprême, confirme le droit du Québec à déclarer son indépendance, mais seulement s'il respecte plusieurs conditions. Qu'à cela ne tienne, le Québec ne fait plus peur au reste du Canada.
Une des illustrations les plus spectaculaires du changement de sentiments du ROC à l'égard du Québec depuis l'époque mélodramatique de Meech réside dans... l'absence de réaction palpable du Canada à la reconnaissance de la nation québécoise aux Communes, en 2006.
En 1990, le pays tout entier faisait des boutons en entendant l'expression «société distincte». Aujourd'hui, il bâille d'ennui lorsqu'on lui dit que les Québécois forment une nation.
Après 20 ans, l'effet Meech s'évapore. Ici, parce qu'il ne soulève plus la même indignation. Ailleurs au pays, parce qu'on ne craint plus la réaction du Québec.
Et puis avec le Bloc installé à demeure à Ottawa depuis deux décennies (et apparemment pour longtemps encore), le régime canadien est devenu beaucoup moins rébarbatif pour les nationalistes.
Le Bloc québécois, né de l'indignation post-Meech, est devenu, 20 ans plus tard, le symbole d'un statu quo acceptable et apparemment immuable.
vincent.marissal@lapresse.ca


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