L'axe du mal canadien, c'est le Québec

Et les médias anglophones se chargent de l'expliquer.

Tribune libre

Parmi toutes les tentatives de banalisation pour étouffer les dérives xénophobes d'une partie, sinon de la majorité, de la population du Canada anglais à l'endroit des francophones, la plus insidieuse est celle du journal The Gazette. Il conclut que ce genre de papier manchette décrivant six millions de personnes francophones à la recherche de pureté ethnique et publié en première page du journal de référence serait tout à fait normal car le Canada subit régulièrement ce genre d'attaque de la part des Américains. Voilà comment les canadiens anglais justifieraient entre autres leurs élans à caractère raciste, ils en sont eux-mêmes victimes. Nous avoisinons le niveau zéro de l'intelligence.
Contrairement à ce qu'en pensent les éditorialistes de la Gazette il ne s'agit pas d'un événement comparable à la montée des tensions entre deux pays qui se répercuteraient dans l'opinion publique, comme c'est le cas par exemple entre les Etats-Unis et la France depuis la guerre en Irak. La dynamique est totalement différente et la gravité des accusations n'a pas de commune mesure. Il faut poser la question : quels pays sont accusés publiquement de nettoyage ethnique actuellement? La réponse devrait nous faire comprendre la nature extrême de cette accusation. Nous n'en sommes plus aux cocasses mangeurs de cuisses de grenouilles mais à une charge médiatique et politique qui va au-delà d'une volonté d'infériorisation d'une minorité, pour devenir carrément un exercice de diabolisation. L'axe du mal canadien, c'est le Québec. Et les médias anglophones se chargent de l'expliquer.
En moins d'un mois, nous assistons à la mise en en place d'un argumentaire d'une logique implacable qui explique à la population canadienne anglaise comment le mal, un concept typiquement américain, se manifeste au Québec.
Un intellectuel supposé de haut niveau qui aspire à devenir Premier ministre du Canada déclare que, parmi les responsabilités les plus importantes qu'il aura à assumer, l'empêchement d'une guerre civile provoquée par les Québécois francophones sera importante. Une telle ineptie n'apparaît pas spontanément, elle existe au préalable. Monsieur Ignatieff ne l'a donc pas inventée, en reprenant à son compte cette idée. Il confirme que ce genre de dérive xénophobe se retrouve au plus haut niveau de l'intelligentsia canadienne anglaise. Nous sommes loin d'une catégorie de citoyens mal informés.
Mais qui dit guerre civile dit terrorisme, c'est logique. La combinaison d'une opinion publique québécoise plutôt pacifiste et une manifestation en faveur de la paix au Moyen-Orient auront suffi pour lui valoir le titre de [Québecistan->1510]. L'imaginaire canadien, anglais avec l'aide des médias, poursuit une construction idéologique qui se rapproche dangereusement des propos haineux. Québec, terre propice au terrorisme, l'idée est maintenant implantée.
Le délire continue
Pour bien s'assurer que le terroriste québécois ne deviendra pas un résistant faisant une guerre civile pour l'indépendance de son pays, il faut trouver autre chose. En fait, c'est une volonté de nettoyage ethnique qui motive les 6 millions de francophones - ils veulent purifier la race.
C'est une évolution intensive de la pensée du ROC où chaque idée s'imbrique l'une à autre pour devenir un cadre explicatif d'une logique imparable qui, une fois bien intégrée, deviendra le canal par lequel passera la compréhension du Québec. Ce n'est ni un complot ni volontaire, il s'agit d'une dérive inéluctable liée à la volonté du Québec de se définir.
Mais tout n'est pas perdu, la magnanimité du Canada anglais est sans limite et il y a une façon d'extirper le mal qui intoxique le Québec. Qui mieux qu'une francophone québécoise, pas pure laine, représentante de la grandeur du Canada, pour nous dire en anglais quel est le chemin vers la lumière. Il suffit tout simplement de s'intéresser à notre partenaire pour constater à quel point il est lumineux, comparé au reste du monde, exception faite des Etats-Unis et de l'Angleterre, bien sûr.
Les propos tenus par la Gouverneure Générale correspondent exactement à l'idée que les Canadiens anglais se font d'eux-mêmes par rapport aux francophones et évacuent par la même occasion les questionnements sur cette rhétorique haineuse grandissante au sein de toutes les couches de la société canadienne.
Il faudra bien en arriver à la conclusion que peu importe les explications que nous nous inventons pour diminuer l'importance de cette évolution de la pensée chez les anglophones, c'est dans le plus pur esprit munichois que nous le faisons.


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