Ils avaient faim. Leurs joues se creusaient, leurs ventres gonflaient. C’est à peine s’ils tenaient debout sur leurs jambes, luttant contre le vertige et le désespoir.
Puis, une table fut dressée, recouverte d’une nappe blanche. Des plats furent apportés, aussi appétissants les uns que les autres. Il y avait du chaud. Il y avait du froid. À boire et à manger.
Ils n’en croyaient pas leurs yeux. C’était ce dont ils avaient rêvé des jours durant. C’était un banquet de rois. Un véritable festin.
Mais alors qu’ils prenaient place autour de la longue table et s’apprêtaient à assouvir leur faim, quelques réticences furent exprimées : des murmures, des chuchotements qui se muèrent en cris, en hurlements : Ainsi, certains estimaient que les mets étaient trop salés, d’autres trop sucrés, d’autres trop gras ; quelques-uns firent valoir qu’ils étaient végétariens. Parmi les végétariens, une poignée s’autorisait à manger du poisson et des œufs tandis que la plupart s’y refusait. Beaucoup désapprouvèrent le choix des recettes à base d’abats. Des voix se firent entendre pour que ce soit retiré le porc de la table. D’autres réclamèrent un sort égal au bœuf. Il fut aussi question des ustensiles qui ne convenaient pas à tous. La pertinence d’offrir de l’alcool fut débattue de même que le choix des desserts.
Pendant ces palabres, des convives au bord de l’épuisement perdirent connaissance. Il fut alors évoqué la part des plats qu’il fallait céder à ceux qui les avaient affamés, de même qu’à ceux qui avaient été invités par ceux qui les avaient affamés. Il y eut un premier mort puis un deuxième. Mais il restait à trancher l’épineuse question du partage. Les plats chauds refroidissaient. Les plats froids tiédissaient. Ceux qui les avaient affamés riaient dans leur barbe. On s’inquiétait de savoir s’ils auraient à manger alors qu’ils n’auraient rien pu avaler tant ils étaient gavés. Eux, tombaient comme des mouches, les uns après les autres, la tête dans leur assiette vide.
Ils n’étaient plus que deux ou trois, un filet de voix pour se faire entendre. Ils ne se rendirent pas même compte que la table était desservie et que les côtelettes, les homards, les gratins, les gâteaux avaient été abandonnés aux chiens de leurs maîtres.
L'assiette vide
Tribune libre
Caroline Moreno476 articles
Château de banlieue
Mieux vaut en rire que d'en pleurer !
Chapitre 1
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Chapitre 2
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Chapitre 3
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1 commentaire
Jean-François-le-Québécois Répondre
8 septembre 2010Merci beaucoup, Mme Moreno.
À qui est capable de comprendre, ce texte sera une bonne illustration de la situation actuelle de la nation québécoise, qui se fend en quatre pour accommoder un peu tout le monde, alors qu'elle-même et sa culture, sont menacés de lente disparition. Le tout, sous le regard amusé, de l'ennemi Canadien.