L'art de banaliser le voile et l'héritage de la Révolution tranquille

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La rectitude politique vient de la gauche islamo-collaborationniste

Vous avez vu la vidéo de la députée Catherine Dorion sur LE VOILE? Sinon, c’est pas si grave, ce n’est vraiment pas son meilleur coup. Loin de là.  


Le titre de la vidéo est le suivant : « LE VOILE vs les nouveaux curés », Le voile étant en caractères augmenté pour bien susciter l’attention.  


D’entrée de jeu la députée s’indigne que « ça va recommencer », que l’on va « se remettre à discuter du voile, des femmes musulmanes », que ce sera « super tendu », etc. On connaît la chanson. Vu d’une certaine partie de la gauche (car oui, cette question divise pas mal plus qu’on pense les QSistes), il faudrait éviter de débattre de laïcité, car ce n’est pas assez rassembleur, car ça «divise».  


Tout en pestant contre les plus de 60-70% de Québécoises et de Québécois qui appuient une forme ou l’autre de laïcité institutionnelle, Bouchard-Taylor en étant la manifestation minimale.  


En passant, c’est assez difficile au Québec de rassembler pareil consensus de l’ordre de 60-70%. Faudrait cesser de dire que « ça divise » et commencer à accorder de l’importance à ceux qui appuient cette proposition. Comme je l’ai écrit il y a quelques semaines, François Legault a toute la légitimité pour légiférer. Qu’on en finisse!  


Ce qui est le plus décevant de cette vidéo de la députée Dorion c’est la faiblesse argumentaire du propos, un ramassis de raccourcis qui sonnent faux, qui ratent la marque. Loin d’aider, ce type de discours ne fait qu’ajouter encore plus de « tension » pour reprendre ses mots.  


Avancer que le malaise que ressentent certains devant le voile s’apparente à celui que suscite le punk « plein de pinnes dans le nez, les jeans pleins de trous », « le petit vieux à Caisse, dépêche-toi donc câline avance! », ou encore « est bin laitte c’te femme-là, est habillée comme un homme »... voilà qui relève d’amalgames douteux, sinon de la mauvaise foi.  


Cela ne surprend pas toutefois; la fascination de cette partie de la gauche pour le voile n’est plus à démontrer; ici on s’émeut et on s’assure d’être de tous les combats « intersectionnels » du monde, mais on se fait discret sur les lignes de piquetage de Postes Canada...   


Et surtout, chez cette gauche-là, on est prompt à banaliser le port du voile. À en évacuer toute portée symbolique, à en faire une étoffe que l’on porte au même titre que toute autre pièce de vêtement. C’est très important.   


Les « curés » selon Catherine Dorion  


Là où ça devient franchement ahurissant ce discours c’est quand la députée opère cette traversion de la lutte de ceux qui ont décléricalisé le Québec. Ce qu’elle nomme « la bigoterie des curés ». Et ce que l’on serait en train de « ramener » apparemment quand on appuie la laïcité de nos institutions.   


Dorion qui poursuit en appelant tout un chacun à « créer des contacts », à discuter et non pas à se chicaner, etc. Là j’avais vraiment le gout de rire. Ne sait-elle pas que de son camp à elle, trop de gens ont recours, de façon systémique, à l’accusation de racisme et de xénophobie afin de tout faire pour empêcher que ce débat se tienne? Ne se souvient-elle pas que, lors d’un congrès du parti qu’elle représente (elle n’y était pas encore députée en mai 2017 toutefois) il n’y a pas si longtemps, on n’a pas hésité à déverser un fiel inqualifiable sur l’ensemble des militants d’une autre formation politique indépendantiste pour en faire des « mécréants » selon l’analyse de Michel David dans Le Devoir...  


Et en ce moment même, si Catherine Dorion se donne la peine de regarder un peu comment on discute on sein même de la base militante de son propre parti, sur les réseaux sociaux, cet amalgame « laïcité = racisme - = PQ (ou extrême droite) » est encore bien vivant... Désolé, mais ce cordial appel à plus d’ouverture, bien qu’il soit en effet nécessaire, c’est aussi au sein du parti de la députée Dorion qu’on devrait l’appliquer. Et ça presse.   


De l’école de rang à l’école de quartier  


La lutte de femmes comme Cécile Noury, sur qui j’ai souvent écrit en la nommant affectueusement « Maman Cécile », ne devrait pas être banalisée de telle sorte que le fait ici Catherine Dorion en la qualifiant de façon simpliste de « libération de la bigoterie des curés ».   


Ça vient de faire un an que Cécile Noury est décédée subitement à plus de 80 ans. Lucide et intéressée par l’actualité jusqu’à la fin de ses jours, nous avons beaucoup, et longuement, discuté de ces sujets; de religion, de laïcité, de « déconfessionnalisation » de l’école. Elle qui avait débuté sa carrière de « maitresse d’école de rang » dans les années 40 et qui ensuite a fait plus de trente ans en première année dans l’école « publique », laïque, si quelqu’un pouvait m’aider à saisir l’ampleur de ce combat, c’était bien elle.   


Quand Dorion ironise en disant « comme si on avait chassé l’irrationalité lors de la Révolution tranquille », elle banalise le combat et le long cheminement de femmes comme Cécile Noury. Des femmes parfois croyantes, pratiquantes, mais qui ont lutté pour que l’école soit un lieu où le fait religieux n’exerce que le moins d’influence possible. Ce ne fut pas parfait, mais exit les cols romains (ce que j’ai connu –et pas du tout apprécié – moi-même), le catéchisme, la confesse, etc.  


Ces femmes-là se sont battues contre l'indignité de se voir refuser d'exister socialement. Cette honte de n'avoir pas le droit d'avoir un compte de banque ou un chèque de paye à son nom; ou celui de ne pouvoir travailler qu'à la condition d'être encadré par un homme, en plus d'un religieux. Lors de son décès, quand on m'a remis un paquet qui contenait de la documentation qu'elle voulait me destiner, j'ai compris beaucoup en lisant la correspondance d'une « maitresse d'école de rang » et son supérieur religieux masculin.   


À l'époque, on jugeait des « bonnes mœurs » des institutrices, manière de contrôler leurs allées, venues, leurs vies. Un enfermement social qui n’est pas unique à la religion catholique quand il est question de religion.  


Correspondance que je garde précieusement et qui aide à comprendre pourquoi Cécile Noury était si attachée à la laïcité.   


S’il est une chose qui n’a pas changé depuis l’époque des écoles de rang jusqu’à aujourd’hui, c’est bien le fait que chaque fois que le « religieux » a réussi à gagner en influence, à s’incruster dans l’espace sociétal, les premières à en faire les frais ont toujours été les femmes.   


Les Curés de la rectitude  


Il me semble que Catherine Dorion, artiste dans l’âme, ferait œuvre plus utile si elle nous causait des curés de la rectitude qui ont réussi à imposer leur censure et à nous priver du génie de Lepage et Mnouchkine. Ce qui est absolument abominable.  


De l’influence de ces curés-la, l’artiste Catherine Dorion devrait s’inquiéter plutôt que de faire la morale en fonction de cette nauséabonde fascination de la gauche pour le voile...