La culture de la banque d'affaires Goldman Sachs se résume en un gros mot: totalement viciée. Tel est le constat brossé par un vice-président de ce géant de la finance dans une tribune publiée hier dans le New York Times et qui a eu des retentissements dans tous les recoins de la planète. D'autant que quatre ans après l'éclatement de la crise financière, on observe que Goldman Sachs et consorts demeurent libres d'alimenter à leur guise le bazar du tout et du n'importe quoi financier. Effarant!
Jusqu'à tout récemment, Greg Smith, l'auteur de la tribune évoquée, était directeur exécutif responsable des produits dérivés en Europe, au Moyen-Orient et en Afrique. S'il n'était pas membre du cénacle animé par Lloyd Blankfein, le président de la banque, il n'en occupait pas moins un poste suffisamment stratégique pour collecter les paroles et les gestes permettant un décryptage de la culture conçue et déployée par Blankfein et ses acolytes. Bref, Smith était un initié des torsions effectuées par l'entreprise aux dépens de ses clients.
La culture en question était et demeure la suivante: refiler à ses fameux clients les véhicules financiers que la banque jugent peu rentables, les convaincre à acheter des produits qui ne servent pas nécessairement leurs intérêts, mais ceux, évidemment financiers, de Goldman. Quoi d'autre? «S'asseoir dans un fauteuil d'où vous ferez commerce de n'importe quel produit opaque et non liquide avec un acronyme en trois lettres.» Il suffit de jeter un regard sur la formule mathématique des subprimes pour réaliser combien ce mot d'ordre a berné des milliers de personnes et des... nations.
En effet, dans les jours précédant la sortie publique de Smith, on apprenait, grâce à une longue enquête menée par deux journalistes de l'agence Bloomberg, que le gouvernement grec avait été roulé dans la farine. Grâce aux entretiens réalisés par ces journalistes, on sait aujourd'hui que les hauts fonctionnaires chargés de la gestion de la dette grecque ainsi que leurs services «n'étaient pas assez équipés pour comprendre la complexité du contrat signé avec Goldman Sachs en 2001».
Pour rester poli, il y a de quoi se pincer le nez. Deux fois plutôt qu'une. Car s'il en va aujourd'hui comme il en allait hier, comme si la crise financière avait été rangée sur le rayon des légendes médiévales, c'est bel et bien parce que les gouvernements n'ont rien fait ou si peu. Ils avaient promis un examen des politiques de rémunération qui ont cours à Wall Street ou à la City de Londres? Qu'importe le recul de 26 % des revenus de Goldman lors du dernier exercice financier. On a distribué 12 milliards de primes en augmentant de 5 % la ponction réalisée sur les revenus.
On n'a rien modifié sur ce front comme on n'a pratiquement rien fait sur le flanc des établissements financiers dits «trop gros pour sombrer», ou «too big to fail». En 2012, soit quatre ans après la faillite de Lehman Brothers qui symbolisait tous les déraillements possibles et inimaginables du laisser-aller le plus fanatique qui soit, ici on suppute une possible séparation de la banque de dépôt et celle d'affaires, là on la vote, mais on en remet l'application aux calendes grecques comme c'est le cas au Royaume-Uni.
À la veille du décloisonnement des institutions financières amorcé au milieu des années 80, la capitalisation boursière de ces dernières représentait 25 % du total des entreprises publiques. Aujourd'hui, et au terme d'une concentration sans précédent, les banques ayant fait main basse sur des fiducies, assurances et valeurs mobilières, leur capitalisation avoisine les 45 %. Maintenons le laisser-aller et on accouchera d'une sacrée contradiction: le capitalisme stalinien.
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