Arrestations massives au G20

Khadir blâme Charest pour son inaction

Le député de Québec solidaire verse une partie de la caution requise pour la libération de Jaggi Singh

G-8, G-20 - juin 2010 - manifestations et dérives policières


Amélie Daoust-Boisvert - C'est en partie grâce à l'appui d'Amir Khadir que le militant montréalais Jaggi Singh a été libéré sous caution hier, à Toronto. Dans la foulée, le député de Québec solidaire a dénoncé l'inaction de Jean Charest après l'arrestation, voire le profilage, dit-il, de centaines de Québécois lors du sommet du G20.
Jaggi Singh s'était rendu à la police le 6 juillet dernier, alors qu'il était sous le coup d'un mandat d'arrestation à la suite de sa participation aux manifestations ayant entouré le sommet du G20.
Amir Khadir, député de Québec solidaire, a payé 5000 $ des 10 000 $ comptant exigés sur une caution de 85 000 $, somme atteinte avec l'aide de deux autres donateurs.
«Malheureusement, le gouvernement du Québec n'a rien fait, il ne s'est même pas intéressé au sort de centaines de Québécois arrêtés», a dénoncé M. Khadir lors d'une entrevue téléphonique. Et cela alors que, selon les témoignages, «beaucoup d'entre eux ont été arrêtés parce qu'on les entendait parler français, des conducteurs ont été abordés à cause de leur plaque d'immatriculation, a-t-il ajouté. N'importe quel chef d'État aurait posé des questions.»
Même si Québec solidaire garde ses distances par rapport à certaines des positions de M. Singh, le député a affirmé qu'il avait décidé de faire ce geste afin de protester contre le fait que les points de vue dissidents sont systématiquement l'objet de répression. «Chaque fois que Jaggi a fait face à des accusation de ce genre, il a été exonéré, rappelle M. Khadir. «Je le connais depuis 12 ans et jamais il n'a fait la promotion de la violence.»
Luc Fortin, un porte-parole de M. Charest, a accusé M. Khadir d'imaginer des complots partout. «On n'a aucune raison de croire que ces allégations de profilage sont fondées.»
Remise en liberté... contrôlée
Libre, Jaggi Singh doit respecter de sévères conditions. Il est assigné à résidence chez ses garants et ne peut se déplacer, sauf pour le travail, pour une urgence médicale ou pour des raisons judiciaires. Il ne peut pas entrer en contact avec des coaccusés ni organiser des manifestations ou y participer.
Une vingtaine de proches et de supporteurs l'attendaient à sa sortie. Parmi eux, Francis Dupuis-Déri, professeur à l'UQAM et militant, qui a qualifié de «lourdes» les conditions imposées, opinion que partage le député Amir Khadir. «Nous assistons à la criminalisation de la dissidence et des mouvements sociaux», a confié M. Dupuis-Déri, inquiet, au Devoir. La preuve, dit-il: «Sur 1090 personnes arrêtées, 85 % ont été relâchées sans accusation. C'était une stratégie pour les enlever de la rue.»
Plus de 1000 manifestants ont été arrêtés lors du sommet du G20. Certains de ceux qui ont comparu depuis doivent répondre à des accusations de complot pour entrave à la justice et de complot pour commettre des méfaits. Des vitres de commerce fracassées et quatre voitures de police incendiées figurent sur la liste des actes de vandalisme commis.
Le fait qu'il est interdit à M. Singh d'utiliser un téléphone cellulaire ou un ordinateur a empêché Le Devoir de lui parler sur la route du retour. Une situation dénoncée par Francis Dupuis-Déri: «On pourrait peut-être utiliser le morse», a-t-il ironisé.
L'avocat de M. Singh, Peter Rosenthal, envisage de demander une révision des conditions de libération. «Restrictives, M. Singh les a acceptées car il souhaitait sortir», a-t-il dit.
Avec la libération simultanée de Patrick Cadorette hier, tous les Québécois arrêtés à Toronto seraient maintenant libres. M. Cadorette a dû débourser une caution de 47 000 $ et s'engager à respecter des conditions semblables à celles imposées à M. Singh. Tous deux comparaîtront le 23 août prochain.
Le comité parlementaire se fait couper l'herbe sous le pied
À Ottawa, les partis de l'opposition sont ressortis déçus d'une séance spéciale du comité sur la sécurité publique et nationale, qui souhaitait mettre sur pied des audiences pour examiner la question de la sécurité lors du G20, une façon, selon le député néo-démocrate Don Davis, d'avoir une «sorte» d'enquête publique.
«Nous aurions pu interroger des témoins dès aujourd'hui, a indiqué par téléphone le député néo-démocrate Paul Dewer au Devoir, en sortant de la réunion, mais le Parti conservateur a préféré retarder le vote» sur la motion permettant le lancement des travaux. Don Davis avait réussi à forcer la tenue d'une réunion spéciale en plein été en recueillant les signatures de deux libéraux et d'un bloquiste.
Le député du NPD ignore pour le moment si le comité pourra se réunir à nouveau cet été, mais il assure qu'il reviendra à la charge cet automne. «Le Parti conservateur dit préférer attendre d'avoir en main les résultats des enquêtes [de la police de Toronto et de l'ombudsman de l'Ontario], mais, selon nous, le gouvernement refuse de rendre des comptes. Pourquoi ne pas examiner ce qui s'est passé?, demande-t-il. La vraie question, c'est pourquoi autant de gens ont été arrêtés, pourquoi des manifestants pacifiques ont été arrêtés, surtout, qui a donné l'ordre?»
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Avec La Presse canadienne


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