Jagmeet Singh nuirait aux chances du NPD au Québec, selon certains

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Les députés québécois du NPD prendraient-ils leurs distances avec la bienpensance multiculturaliste canadienne ?






L’inquiétude gagne les rangs québécois du NPD. Plusieurs militants s’affolent que leurs collègues du reste du Canada ne les écoutent pas lorsqu’ils les mettent en garde contre les périls électoraux d’élire Jagmeet Singh chef. M. Singh, qui est sikh pratiquant, milite pour exempter ses coreligionnaires du port du casque à moto et s’est fait le porteur des objections de sa communauté lors de l’implantation d’un cours de sexualité dans les écoles ontariennes. Certains craignent qu’une telle foi active ne passe pas la rampe dans un Québec enclin à la laïcité.


 

C’est le cas de Pierre Dionne Labelle, l’ex-député de Rivière-du-Nord qui a été défait en 2015. Quand on lui demande si un NPD dirigé par Jagmeet Singh, qui porte kirpan et turban, constituerait peut-être un frein pour le parti au Québec, il répond : « Peut-être, vous dites ? C’est sûr. Après la dernière campagne électorale que nous avons vécue et la place que les signes religieux ostentatoires ont prise. […] Ça a divisé totalement la population. D’avoir un chef qui porterait des signes ostentatoires, on n’est pas prêts. » Il ajoute : « Est-ce que je serais à l’aise avec ça ? Je ne le pense pas. »


 

Jagmeet Singh est l’un des quatre candidats restants dans la course au leadership du NPD fédéral. Depuis le retrait de la course de Peter Julian, qu’appuyait une dizaine d’élus ou ex-élus du Québec, dont M. Dionne Labelle, il est présumé être en tête de la course plus ou moins à égalité avec Charlie Angus.


 

Député à Queen’s Park, M. Singh a déposé en 2013 un projet de loi modifiant le Code de la route pour exempter les motocyclistes sikhs de l’obligation de porter un casque. Malgré l’opposition de la première ministre Kathleen Wynne, il est revenu à la charge en septembre dernier. Le projet de loi dispense du port d’un casque tout sikh qui a « les cheveux, la barbe et les poils non coupés » et qui « porte habituellement un turban composé d’au moins cinq mètres carrés de tissu ». Cette exemption existe en Colombie-Britannique et au Manitoba.


 

En 2015, l’Ontario est en proie à un violent débat concernant le nouveau cours d’éducation sexuelle. Il enseigne aux enfants à nommer les parties génitales en première année, aborde l’identité de genre en troisième, la masturbation en sixième, la contraception, le sexe oral et anal en septième et huitième années. L’opposition est principalement le fait des communautés religieuses, autant les fondamentalistes chrétiennes que les musulmanes ou sikhes. Jagmeet Singh fait sourciller ses collègues néodémocrates en donnant l’impression d’être dans le camp des opposants.


 

« L’Ontario est une province diversifiée et nous devons respecter la diversité de croyances lorsqu’il s’agit d’éduquer nos enfants, déclare-t-il à l’Assemblée législative. Plusieurs personnes sont d’accord que l’éducation à la santé est importante, mais mes commettants s’interrogent sur le caractère approprié de certains contenus pour les âges proposés. Mes commettants méritent d’être entendus et le gouvernement a la responsabilité de répondre à leurs préoccupations. »


 

M. Singh s’est défendu par la suite d’avoir seulement invité le gouvernement à procéder à plus de consultations (même si le curriculum avait été concocté après avoir consulté 4000 parents). On le voit dans une vidéo devant une assemblée de « parents ontariens opposés au cours d’éducation sexuelle à partir de la première année » les invitant à bien s’informer avant de s’y opposer. Jamais ne mentionne-t-il son accord avec le cours.


 

Pour M. Dionne Labelle, ces deux exemples posent problème. « Si sa religion commence déjà à influencer ses intentions parlementaires, ça ne regarde pas bien. »


 

Une autre source néodémocrate du Québec qui refuse d’être identifiée craint l’élection de M. Singh à la tête du parti pour les mêmes raisons. « Les Québécois sont réticents à l’inclusion de la foi religieuse en politique, et quand M. Singh parle pour sa communauté à propos du port du casque, j’ai peur que les Québécois ressentent cela comme une priorité communautariste. Au même titre qu’un conservateur évangéliste créationniste imposerait sa foi sur les politiques qu’il mettrait en avant. Alors, la difficulté potentielle de M. Singh n’est pas nécessairement liée à son apparence, mais à comment sa foi influencera ce qu’il proposera comme politique. »


 

Il se désole aussi que le député n’ait pas eu le courage de défendre l’éducation sexuelle auprès de sa communauté. « Il faut consulter, ça voulait dire quoi au juste ? Que c’est la communauté qui décide ce qui sera enseigné dans les cours ? »


 

Une seconde source anonyme bien branchée au NPD soutient que « ça brasse dans les rangs. Les députés du Québec sentent qu’il n’y a pas d’écoute de la part des députés du Canada anglais par rapport à ça. Il y a un vent de panique parce qu’ils ne savent pas quoi faire ». Selon cette personne, il y aurait même des élus qui songeraient à ne pas se porter candidats à la prochaine élection « parce qu’ils pensent qu’ils perdraient avec Jagmeet Singh comme chef ».


 

Selon cette source québécoise, un mouvement ABS — « anybody but Singh » — est improbable, toute critique étant assimilée à du racisme ou à tout le moins de l’intolérance. « Les gens ne voient pas la réflexion intellectuelle plus profonde. Et ça n’aide pas que le crucifix soit encore à l’Assemblée nationale. Ça donne l’impression qu’on est contre la religion sauf quand c’est la nôtre ! »


 

M. Dionne Labelle déplore cette surdité. « J’ai un souci par rapport à la représentation du Québec au sein du NPD. On a été forts sous Jack Layton et Thomas Mulcair. Mais ça m’inquiète de voir une régression de la connaissance de la réalité québécoise de la part du chef. » Il se dit enclin à appuyer Guy Caron dans la course maintenant que Peter Julian n’en fait plus partie. Les Québécois ne forment qu’environ 4 % du membrariat total du NPD. Dans une course où le chef est choisi selon la formule « un membre, un vote », le Québec ne pèse pas lourd même si plus du tiers de sa députation en vient.


 
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