Plusieurs milliers de supporters électrisés ont scandé son nom ce mardi soir dans une manifestation de soutien à Tel Aviv, mais Benjamin Netanyahou n’a sans doute jamais été aussi seul. Les cris de « Bibi roi d’Israël », « Nous ne permettrons pas que l’on fasse couler le sang de Netanyahou », « Ce n’est pas Bibi qui est inculpé mais le peuple d’Israël », « Les procureurs en prison », « Les traîtres gauchistes haïssent le drapeau », n’ont pu masquer l’échec de la mobilisation. Le Premier ministre israélien espérait beaucoup plus : une marée humaine pour dénoncer « un coup d’Etat » ourdi, selon lui, par la justice, la police, les médias pour le déloger du pouvoir avec ses récentes inculpations de corruption, fraudes et abus de confiance dans trois affaires.
« Bibi » Netanyahou a ainsi tenté de jouer un soi-disant pays réel, pour faire pression sur le pays légal au risque de fragiliser les institutions et l’Etat de droit, voire d’encourager indirectement la violence. Certains dans l’opposition l’accusent de vouloir déclencher une « guerre civile » pour rester au pouvoir. Il vit en effet sous la menace de se retrouver derrière les barreaux comme son prédécesseur Ehud Olmert - un homme du centre-gauche -, qui a passé près de deux ans en prison pour corruption mais avait démissionné, lui, sitôt inculpé. Sur le front politique, la situation de Netanyahou n’est guère plus brillante. Le « magicien », comme on l’avait surnommé, n’a pas trouvé le tour de passe-passe qui lui aurait permis de constituer une majorité après les élections du 17 septembre. L’opposition de centre droit, emmenée par le général Benny Gantz, n’est pas non plus parvenue à présenter une alternative. Bon gré mal gré, les Israéliens vont devoir très probablement retourner aux urnes en mars 2020, pour la troisième fois en moins d’un an, sans aucune garantie que ce nouveau scrutin puisse permettre de trouver enfin une solution viable. En attendant, Benjamin Netanyahou n’est plus à la tête que d’un gouvernement de transition, devenant ainsi premier ministre par intérim.
Au sein même du Likoud, lui qui faisait la pluie et le beau temps est ouvertement contesté. Gideon Saar, un de ses anciens protégés, l’appelle à démissionner et se présentera contre lui aux primaires du parti. Autre signe manifeste de faiblesse : seuls une ministre et trois députés du Likoud sur 32 ont osé participer à la manifestation de Tel Aviv. Les autres se sont abstenus, histoire de prendre leurs distances vis-à-vis d’un leader blessé et de crainte sans doute de débordements qui planent dans l’atmosphère. Le procureur général, Avishaï Mandelbli, à l’origine des inculpations du Premier ministre, ainsi que deux de ses plus proches adjoints, ont été menacés de mort. Le fait que les trois principaux représentants du système judiciaires « aient besoin d’être protégés par des garde du corps n’est pas acceptable », a déploré Avishaï Mandelblit.
Durant la manifestation, plusieurs journalistes ont été agressés. Prudent, Benjamin Netanyahou, qui se trouvait lui aussi à Tel Aviv au quartier général du Likoud, n’est pas venu. Selon plusieurs médias, il a jugé qu’il n’y avait pas assez de monde pour qu’il vienne faire en personne ou par vidéo un discours à ses fidèles. Il s’est contenté d’un Tweet laconique : « Merci ». Le service minimum. En fait, à part des inconditionnels, il ne lui reste plus qu’un seul et véritable allié de poids : Donald Trump qui a essayé de lui sauver la mise en lui offrant un nouveau « cadeau ». Pour la première fois, les Etats-Unis viennent ainsi d’affirmer que les colonies où vivent plus de 400.000 Israéliens en Cisjordanie ne sont pas illégales au regard du droit international. Le contre-pied de la position de Barack Obama et de la communauté internationale dans son ensemble. Ce coup de pouce n’a pas suffi.
Faut-il pour autant enterrer définitivement Benjamin Netanyahou ? Difficile de l’affirmer avec certitude. La question de savoir s’il pourrait rester au pouvoir en dépit de son inculpation pour corruption après les nouvelles élections n’a pas encore été tranchée par le procureur et la Cour suprême. Jusqu’à présent, les sondages ne prévoient pas d’effondrement du Likoud, qui a plutôt tendance à bien résister, sans pour autant être en mesure d’éviter un troisième match nul avec l’opposition. Le suspense reste entier dans un pays qui risque de connaître une période de tension et de confusion.