Irresponsabilité à la québécoise

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L’irresponsabilité est un mal qui s’ajoute à l’érosion de nos institutions






Un ruisseau sous-terrain­­ est en train de transformer notre société en marécage social d’envergure. Aujourd’hui, on observe une tendance à ne plus vouloir être évalué en classe comme au travail­­. Car noter un élève­­, n’est-ce pas le discriminer­­?




On refuse également d’être jugé, ce qui signifie un rejet d’admission de ses torts. Finie la culpabilité. L’erreur, l’incompétence se justifient toujours par une mauvaise interprétation de la situation. Ce n’est jamais la faute de la personne. Si on blâme quelqu’un, c’est le stigmatiser­­.




Cette semaine, sept personnes ont payé de leur vie l’irresponsabilité générale­­ du Québec, ce mal destructeur qui nous afflige. Et cela explique en partie la rage, l’impuissance et le désarroi des citoyens.




Impunité




L’individualisme impose sa loi. L’impunité­­ est revendiquée et l’imputabilité est en déroute. Dans la chaîne de commandement, pour parler comme à l’armée, personne ne semble assumer­­ le pouvoir, comme cette semaine­­. Chacun s’enferme dans sa description de tâches, qui offre toujours une porte de sortie reportant la décision vers le haut.




Or, dans une hiérarchie, plus on est élevé, moins on a tendance à embêter son supérieur. Cela s’appelle l’art de l’esquive et la protection de ses propres­­ intérêts. C’est dans la nature humaine­­ de protéger ses arrières, de ne pas se mouiller, évitant ainsi de perturber la routine bureaucratique.




Dans la vision régalienne, le responsable en titre doit assumer les actes de ses subordonnés. La tradition japonaise obligeait un patron à se suicider si lui-même ou un subalterne entachait l’entreprise par son incompé­tence ou son immoralité. De nos jours, on démissionne. N’est-ce pas ce que devrait faire le ministre des Transports, Laurent Lessard? Le premier ministre Couillard s’est excusé auprès des Québécois. Demandera-t-il à son ministre de se retirer?




Combien de fonctionnaires, de cadres­­ de la Sûreté du Québec et de politiciens vont subir des sanctions, une fois tue l’indignation populaire? Très peu sans doute, car l’oubli et la lassitude sont des anesthésiants efficaces. Une vieille expression dit: «Tu t’en souviendras plus, le jour de tes noces». En l’occurrence, les noces, ce seront les élections de 2018.




Incompétence




Le gouvernement est un concept abstrait. Ceux qui l’incarnent et le servent­­, les politiciens et les fonctionnaires, doivent payer pour leur incompétence. Il y a eu mort d’hommes. Or, une partie de la population estime que le fait de désigner un coupable le transforme en victime. Hélas, nous aimons­­ les victimes, les fausses plus que les vraies, d’ailleurs.




Le relativisme a bousculé peu à peu le jugement moral des Québécois. Notre­­ société semble incapable d’aller au-delà des blâmes verbaux. L’auto­rité s’exerce de telle façon qu’elle est atomisée. Qui donc détient le vrai pouvoir? On a le droit de se le demander. Les syndicats accusent maintenant les entreprises privées, à qui le gouvernement a confié l’entretien des routes, d’être en partie responsables de ce drame. Or, les syndicats dans le secteur public défendent aussi leurs membres les plus indéfendables.




L’irresponsabilité est un mal qui s’ajoute à l’érosion de nos institutions. Personne n’est responsable, car chacun­­ possède son alibi.



 




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