Lettre à l'IREC (Institut de Recherche en Économie Contemporaine)

IREC; 4e volet VS Desjardins (automne 2022)

Tribune libre

C’est la deuxième fois que je corresponds avec votre institution : la première fois dans ce même mois d’août 2023; je n’ai pas reçu d’accusé de réception de votre part. J’ose espérer que mes communications seront reçues et considérées.



Je lis présentement votre volet 4 à la suite des trois premiers; je constate que l’IREC reconnaît la dénaturation de l’oeuvre de Dorimène et Alphonse Desjardins, mais l’IREC participe à sa suite et c’est à dénoncer.



Voulez-vous me dire pourquoi Desjardins, entreprise coopérative d’épargne et de crédit financier devrait plus que n’importe quelle autre entreprise bancaire avoir des missions sociétales (au pluriel) considérées comme une nécessité d’appui aux milieux (au pluriel encore) et des pratiques solidaires (au pluriel toujours)?



En tant que membre sociétaire exclusif de Desjardins depuis mon enfance, j’ai acquis grâce à Dorimène et Alphonse Desjardins la valeur de la vertu de l’Épargne et celle de la Simplicité volontaire enseignée par Henry-David Thoreau et soutenue grandement ici même au Québec par le Dr Serge Mongeau et sa conjointe, Mme Diane Gariépy. À ces titres (et plusieurs autres en lien avec Desjardins), je peux et je dois participer au débat que vous considérez comme «public» auquel vous nous conviez. Ce débat ne devrait cependant pas être «public», ne devrait pas être celui de tout le Québec, mais bel et bien celui des membres et sociétaires des Caisses Desjardins, les propriétaires floués par Claude Béland lui-même lors de sa restructuration des instances de ce qu’il appelait le grand mouvement. 



Il est d’ailleurs incompréhensible que ce soit un organisme extérieur à Desjardins (IREC) qui convie tout le Québec à faire le procès des orientations organisationnelles et décisionnelles de Desjardins; n’êtes-vous pas d’accord avec cette observation de base vis-à-vis une coopérative? Prenez-vous conscience comme moi qu’une coopérative appartient à ses membres et qu’il revient prioritairement à ceux-ci de dire à sa direction qu’elle dévie de sa mission et exagère dans ses prérogatives? Cette invitation aurait dû venir de la direction de Desjardins, mais depuis Claude Béland, Desjardins se dirige sans l’accord des membres sociétaires et si vous avez vraiment lu René Croteau («Un patrimoine coopératif défiguré et dénaturé; le mouvement Desjardins 1997 - 2003») comme j’ai pu le voir en référence de votre 3e volet, et si vous aviez lu l’autobiographie de Claude Béland («Claude Béland; une carrière au service du coopératisme», FIDES, 2015) vous devez reconnaître l’ambiguïté dans laquelle Desjardins patauge et fait patauger les membres sociétaires des Caisses et tous les citoyens.



Seule la haute direction de Lévis-Montréal ordonne la direction et les orientations de la fausse coopérative financière Desjardins. Les membres, dont je suis, ne se considèrent plus que comme des moyens à exploiter et non plus la fin à servir.



Les actuelles réponses de Desjardins aux attentes de l’IREC sont toutes des preuves que Desjardins a renié depuis Claude Béland sa seule et vraie mission coopérative : le versement en ristournes financières des trop-perçus, fruit de l’exploitation bancaire des membres sociétaires selon l’usage personnel fait de leur coopérative d’épargne et de crédit. La confection du «Fonds du Grand Mouvement» , la confection des fonds sociaux de toutes sortes, les dons, les commandites, les subventions sont toutes et tous des aberrations issues de l’oeuvre de Claude Béland et de la Fédération de Montréal et de l’ouest du Québec, présidé alors par Guy Bernier.



Le flou constitutionnel érigé par les gouvernements successifs du Québec par la Loi sur les coopératives de services financiers (L.R.Q., c. C -67.3) a maintenu dans l’imaginaire québécois ce mythe, ce mensonge que Desjardins était une coopérative au service non plus de ses membres sociétaires, mais de tout le Québec et ses habitants.



Desjardins est ainsi devenu une entreprise de charité qui choisit ses causes au détriment de tous ses membres exploités. Desjardins fait maintenant du favoritisme à la face même de celles et ceux qu’il exploite sans vergogne : ses membres sociétaires ordinaires! Le plus bel exemple de cela me vient de la Caisse d’économie solidaire Desjardins (présidé jusqu’en 2021 par Gérald Larose) où toutes les ristournes sont soustraites des membres ordinaires pour les verser à moins de 2 % des membres, soit environ 300 membres-entreprises que la direction choisit à sa discrétion.



Et l’IREC le confirme dans son énoncé de son 1er paragraphe du résumé du volet 4 :



«Il serait inexact et injuste de dire que le Mouvement n’a rien fait pour réduire l’impact de la déterritorialisation et de la restructuration de ses services. La création du « Fonds du Grand Mouvement » (FGM) a été, entre autres, une réponse d’envergure, du moins par sa taille. Cela demeure néanmoins une réponse qui s’est élaborée d’une manière assez laborieuse et qui reste essentiellement inscrite dans le registre du mécénat et de la commandite.»


À l’image même de Desjardins, l’IREC déraille elle aussi et suit la direction que veut inculquer Desjardins, les gouvernements successifs du Québec et l’AMF aux citoyens exploités par le système bancaire et financier du monde capitaliste : toute l’oeuvre de Dorimène et Alphonse Desjardins est devenue méconnaissable et les analystes n’arrivent plus à la comprendre avec RAISON. La vraie raison de l’oeuvre des Desjardins était l’autonomie de la gestion financière personnelle des membres sociétaires. Rien de plus et rien de moins. Si l’oeuvre des Desjardins a contribué à sortir le Québec des prêts usuraires et de son marasme économique, c’est par l’éducation à la chose économique personnelle et collective; la richesse collective est née des personnes et non des institutions financières qu’elles soient coopératives ou capitalistes. Ces dernières n’étaient que des outils imaginés par leurs fondateurs pour permettre aux citoyens de se prendre en main et établir leur indépendance financière et leur autonomie économique.



La connaissance de ces faits historiques est élémentaire pour bien situer l’actuel déraillement de la coopérative Desjardins. Quand on pense que Monique F. Leroux a implanté (2010) dans toutes les Caisses deux règlements de régie interne (4.6 et 4.7) qui exigent des membres une «saine conduite» sous la menace d’une exclusion radicale de la Caisse, quand on songe que depuis Alban D’Amours les dirigeants se payent plus de 150.00 $/l’heure (chiffre obtenu en 2015 de la Caisse Godefroy; depuis 2015, il est impossible de connaître le chiffre actuel), quand on réalise les salaires gargantuesques que la haute direction de Desjardins se paye à même l’exploitation de ses membres, peut-on continuer de considérer cette institution financière une «coopérative» au service de ses membres sociétaires? Absolument pas; ces derniers n’ont plus droit au chapitre de l’écoute dont une coopérative digne de ce concept philosophique de gestion doit rendre à ses commettants.



Merci à l’IREC de nous éveiller à tous ces déraillements et de prendre conscience que les autorités (institutionnelles et conceptuelles) font une erreur grave à laisser Desjardins continuer de s’enliser dans ses mensonges et fausse idée du coopératisme.




François Champoux, Trois-Rivières 



N. B. : À la suite de cette lettre à l’IREC (via courriel le 26 août 2023), j’ai dû demander un accusé de réception; l’IREC m’a confirmé avoir reçu mon courriel ainsi que mon analyse des volets 1 et 2. Les auteurs n’ont pas daigné entrer en communication avec moi.



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