Octroi de contrats par le ministère de la Sécurité publique

Il y a des failles, reconnaît le ministre

Corruption politique



Chouinard, Tommy - Le ministre de la Justice et de la Sécurité publique, Jacques Dupuis, fait volte-face et reconnaît des failles dans l'octroi des contrats de surveillance de détenus aux agences de sécurité. Il a décidé en catastrophe, hier, de resserrer les enquêtes auxquelles sont soumises ces entreprises privées.
Vingt-quatre heures plus tôt, M. Dupuis défendait les règles actuelles et ne voyait aucun problème dans l'octroi en 2006 d'un contrat à l'agence D.R.P. Cette société était dirigée par un policier à la retraite, mais le véritable patron était son fils, Robert Pépin, qui avait un dossier criminel et fréquentait le milieu interlope. Le ministre qualifiait même cette affaire de "pétard mouillé". Il veut maintenant éviter qu'une telle histoire se reproduise.
Mais un nouveau rebondissement plonge M. Dupuis encore une fois dans l'embarras.
Robert Pépin, ex-conjoint de Julie Couillard, aurait rencontré le ministre dans un restaurant de Québec à l'été 2006, soutiennent deux anciens employés de D.R.P., Jean-Pierre et Nancy Alarie.
Pépin aurait alors parlé à M. Dupuis des projets futurs de D.R.P. "Robert se vantait à tout le monde d'avoir rencontré le ministre", a affirmé Mme Alarie, qui n'a pas assisté à la rencontre. Son frère, Jean-Pierre, n'y était pas non plus, mais il avait accompagné Robert Pépin jusqu'à Québec. "Je l'attendais dans l'auto. Moi, je n'étais pas invité", a-t-il expliqué. Selon M. Alarie, cette rencontre n'aurait pas permis à Robert Pépin et D.R.P. de décrocher un autre contrat du gouvernement.
MM. Pépin et Dupuis se seraient déjà croisés par hasard dans un restaurant de Laval. Jean-Pierre Alarie était présent, cette fois. Robert Pépin aurait profité de l'occasion pour vanter les activités de son agence et aurait sollicité une rencontre avec M. Dupuis. "Le ministre a expliqué par quel processus il faut passer pour le rencontrer", a dit M. Alarie. C'est ainsi que M. Pépin aurait joint le personnel de cabinet du ministre et planifié la rencontre de l'été 2006.
Jacques Dupuis n'a aucun souvenir d'un tête-à-tête avec Robert Pépin. "Ça ne me dit rien du tout", a-t-il soutenu. Plus tard hier, un membre de son cabinet a joint La Presse pour affirmer de façon plus catégorique que, selon le ministre, cette rencontre n'a jamais eu lieu. Denis Pépin, le père de Robert, a dit de son côté qu'il n'a "jamais entendu parler de ça".
Nouvelles mesures
En vertu de la décision prise par M. Dupuis, la Sûreté du Québec fera désormais des vérifications de sécurité sur tous les administrateurs et employés d'une agence, en plus des membres de leur famille immédiate, avant de leur accorder un contrat de surveillance de détenus lors de leur séjour à l'hôpital. Les contrats en vigueur à l'heure actuelle seront également revus. Auparavant, seul le dirigeant de l'entreprise qui répondait à un appel d'offres faisait l'objet d'une enquête de sécurité.
"Ce que je veux, c'est que lorsque des gens sont appelés à exercer des fonctions à l'égard des détenus, on s'assure le plus possible qu'ils soient au-dessus de tout soupçon", a expliqué M. Dupuis.
Les nouvelles mesures sont plus sévères que celles prévues à la Loi sur la sécurité privée, qui doit entrer en vigueur en 2009, presque trois ans après son adoption à l'Assemblée nationale. Cette loi prévoit que "la personne qui est propriétaire de l'entreprise, tout associé ou actionnaire qui a un intérêt important dans l'entreprise ainsi que tout administrateur doit avoir de bonnes moeurs et ne jamais avoir été reconnu coupable d'une infraction" au Code criminel. Outre les antécédents criminels, la SQ vérifie les relations des demandeurs et leur dossier de crédit.
Serrer la vis
Jacques Dupuis a décidé de serrer la vis aux agences de sécurité privées à la suite des révélations sur le contrat d'un an attribué à D.R.P. (pour Denis et Robert Pépin) en mars 2006. Le contrat consistait à surveiller des détenus de la prison de Saint-Jérôme qui devaient faire un séjour dans un hôpital de la région.
Policier à la retraite, Denis Pépin, était et est toujours l'unique actionnaire de D.R.P. Mais c'est son fils, Robert Pépin, qui était le véritable patron de l'entreprise, selon plusieurs sources. Il a plaidé coupable en juillet 2006 à une accusation de recel, déposée en 2004, dans une affaire de vol d'une cargaison de marchandises.
Robert Pépin et une autre de ses entreprises, Location d'Auto Inter-Finance, ont fait l'objet dès 2005 d'une enquête de l'Office de la protection du consommateur qui s'est soldée par des accusations de prêt usuraire en mars 2006. L'Autorité des marchés financiers a commencé sa propre enquête sur D.R.P. en novembre 2006. Au moment de s'enlever la vie, en mai 2007, dans les bureaux de son agence à Laval, Robert Pépin devait environ 1 million à divers entrepreneurs et créanciers, dont au moins un important shylock lié aux Hells Angels.
Avant d'attribuer le contrat de surveillance des détenus à D.R.P., la SQ n'avait fait enquête que sur son propriétaire officiel, Denis Pépin, comme le voulaient les règles alors en vigueur; elle n'avait rien trouvé à lui reprocher.
Le député péquiste Sylvain Simard, qui avait soulevé cette histoire mercredi à l'Assemblée nationale, s'est dit "satisfait pour l'instant" de la réaction du ministre. "On verra comment ça se passera dans la réalité", a-t-il ajouté.
Mais, selon M. Simard, Québec doit "mettre fin à cette pratique de gardiennage des prisonniers par des agences privées". Les agents des services correctionnels devraient avoir cette responsabilité. C'est pourtant un gouvernement du PQ qui, en 1997, a commencé à confier au privé la surveillance de détenus lors de leur séjour à l'hôpital.
Avec André Cédilot, André Noël et Hugo Meunier.


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