Il y a 50 ans naissait le Front de libération des femmes du Québec

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L'époque du féminisme souverainiste


Micheline Toupin fait partie du groupe organisateur de la manifestation des 200 femmes du 28 novembre 1969 contre le règlement 3926 de Montréal qui interdisait les manifestations, l’ancêtre du P-6.


C’est en leur nom et au nom de toutes les autres manifestantes — notamment Lise Landry et Suzanne Plamondon qui ont préféré la prison au paiement de l’amende – que nous commémorons cet événement historique resté à jamais gravé dans nos mémoires féministes. Et pour cause.


Avant 1969, il y a eu peu de manifestations « de femmes » au Québec. Le 28 novembre 1969 est l’un des rares moments où des Québécoises prennent massivement et illégalement la rue à la défense d’un autre droit essentiel : la liberté.


Liberté d’expression et de rassemblement à l’encontre d’un pouvoir despotique qui gouvernait Montréal. Filles d’un peuple « locataire et chômeur dans son propre pays », nous appartenions à une nouvelle génération de femmes : plus nombreuses à être instruites, politisées et engagées.


Non seulement ce sont des femmes qui les premières ont défié le pouvoir abusif de l’administration Drapeau-Saulnier à l’automne 1969, mais il faut savoir qu’elles répondaient à l’appel de nouvelles féministes. En effet, dans les mois précédant cette manif, un groupe de conscientisation féministe s’était formé autour de Naomi Brickman et de Nicole Thérien dans les locaux de la CSN, où cette dernière travaillait.


Deuxième vague


C’est dans ce groupe que naîtra le projet d’organiser une manifestation de femmes contre l’inique règlement. Et c’est dans ce groupe que germera l’idée de créer un front de libération des femmes. Pour s’en convaincre, il suffit de voir le bandeau identifié du sigle « FLF » porté par certaines manifestantes le soir du 28 novembre 1969.


Bref, plusieurs des instigatrices de cette manifestation — que rejoindront ensuite diverses militantes de gauche — sont celles-là mêmes qui fonderont le Front de libération des femmes du Québec peu de temps après. C’est pourquoi le 50e anniversaire de l’action mémorable du 28 novembre 1969 représente pour nous, anciennes militantes du FLF, le 50e anniversaire de naissance de notre mouvement. C’est donc un double anniversaire que nous célébrons aujourd’hui.


Avec le FLF, émerge sur la place publique un nouveau type de féminisme qualifié de féminisme de la deuxième vague ou de féminisme radical, celui qui s’attaque à la racine de l’oppression des femmes. Les féministes qui nous ont précédées rêvaient d’égalité et d’intégrer les femmes à la société sans en bouleverser les fondements.


Au FLF, nous rêvons d’une société tout à fait autre. Nous démasquons les enjeux politiques et économiques du domaine privé : dans la sexualité, la reproduction, le travail domestique et l’éducation des enfants. Nous remettons en question la socialisation des femmes et les assises traditionnelles de la famille et du mariage.


Pour nous, l’ennemi principal est le système patriarcal. Nous contestons une vision du monde construite par et pour les hommes, une forme de domination subtile et aliénante, intimement liée au colonialisme des capitalistes britanniques, anglo-canadiens et américains qui contrôlent et exploitent le Québec depuis 200 ans.


Car si la lutte des femmes contre le patriarcat est prioritaire pour nous, elle s’interconnecte aux luttes indépendantistes et socialistes comme en témoigne notre mot d’ordre : « Pas de Québec libre sans libération des femmes et pas de femmes libres sans libération du Québec. » En raison de notre triple objectif, nous nous sentons aussi très proches des femmes des mouvements de décolonisation ailleurs dans le monde.


Pionnier francophone du néo-féminisme québécois, le FLF a joué un rôle précurseur et fondateur. De jeunes Québécoises « debouttes » en prennent maintenant acte. C’est un 50e anniversaire vibrant de jeunesse que nous fêtons aujourd’hui !









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