Identité nationale: le débat sur la laïcité est relancé au Québec

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« En maintenant sa position sur la laïcité, il faut bien comprendre que François Legault entend défendre la culture québécoise face au gouvernement fédéral. »

L’élection d’un gouvernement patriote au Québec relance le débat sur la laïcité. Premier geste de la nouvelle majorité, s’attaquer aux signes religieux ostentatoires. Manifestations et tribunes se succèdent, polarisant l’opinion publique. Malgré le vent d’opposition, le Premier ministre désigné semble déterminé à défendre la majorité francophone.


Le grand débat sur la laïcité est reparti de plus belle dans la Belle Province. Avec l'arrivée de la droite autonomiste au pouvoir, l'identité québécoise refait l'objet de vives discussions. Après une campagne un peu fade, durant laquelle peu de grands débats ont été soulevés, la passion politique semble de retour.


C'était une promesse électorale de la Coalition Avenir Québec (CAQ): interdire le port de signes religieux ostentatoires pour les personnes en position d'autorité. C'est-à-dire pour les juges, les policiers et les enseignants. Dès le lendemain de son élection du 1er octobre dernier, la CAQ a annoncé qu'elle en ferait un dossier prioritaire. Ce qui en a surpris plus d'un, car la campagne électorale a très peu porté sur cet enjeu.



En faisant cette annonce, le Premier ministre désigné du Québec, François Legault, a rapidement montré que son prochain gouvernement serait celui de la majorité francophone. Un geste très symbolique qui visait à marquer une rupture avec l'ère libérale: la CAQ ne gouvernera pas pour les minorités, mais pour un peuple québécois, longtemps délaissé par le Parti libéral du Québec, le grand perdant de la dernière élection.


Le Québec debout avec François Legault


Habituées à imposer les termes du débat, plusieurs organisations de gauche ont rapidement dénoncé l'orientation du prochain gouvernement Legault en matière de laïcité. Dès le lendemain de l'élection de la CAQ, certains ont crié au «racisme», associant laïcité et xénophobie. Il n'en fallait pas plus pour faire revivre certains moments de l'élection de 2014, alors que le Parti québécois (PQ) plaidait pour l'instauration d'une Charte de la laïcité.


Le projet du PQ (qui n'a jamais vu le jour) allait beaucoup plus loin que celui de la CAQ. Le PQ prônait l'interdiction des signes religieux pour tous les employés de l'État, alors que la CAQ veut seulement les interdire pour les personnes en position d'autorité. La position de la CAQ représente plutôt un équilibre entre l'ancienne proposition du PQ et le libéralisme canadien.


Malgré cela, une manifestation a récemment eu lieu à Montréal pour dénoncer ce qui est perçu comme du «racisme». Un événement auquel 3.000 personnes ont participé, selon les chiffres des Services de police de la Ville de Montréal.


«On entend de plus en plus de propos populistes et opportunistes qui renforcent les clivages. Ces propos font des immigrés des boucs émissaires», a déclaré Safa Chebbi, la porte-parole de l'événement.


Des groupes radicaux ont été aperçus durant la manifestation. En effet, plusieurs groupes «antifascistes» ont pris part à l'événement. Certains membres de ces groupes étaient cagoulés et entièrement vêtus de noir. De nombreuses femmes musulmanes qui portent le voile étaient aussi présentes dans les rangs des protestataires.


Plusieurs messages hostiles au nouveau gouvernement élu ont été aperçus. Des individus ont comparé la CAQ au Ku Kux Klan, la célèbre organisation suprématiste blanche américaine. D'autres en ont aussi appelé à «faire feu» sur le jeune parti de droite. Entouré de deux fusils d'assaut, le slogan en espagnol «Fuego a la CAQ y sus politicas racistas» a été vu sur un pavillon noir. Dans l'ensemble, la manifestation s'est toutefois déroulée dans le calme.



Des slogans violents contre le gouvernement élu


L'anthropologue et vice-président du Mouvement laïque du Québec, Daniel Baril, récuse complètement les accusations de racisme visant la CAQ. Interrogé par Sputnik, il a affirmé que le projet de la Coalition Avenir Québec demeurait encore un peu «confus», mais qu'il ne s'appuyait aucunement sur une idéologie raciste.


«Le Mouvement laïque québécois est heureux de voir que la CAQ est déterminée à agir. Pendant 15 ans, ç'aura été l'attentisme et l'immobilisme total avec le Parti libéral du Québec. Le Parti québécois avait bien tenté d'implanter la laïcité en 2014, mais sa stratégie n'avait pas fonctionné.

Ce que la CAQ propose, avec l'interdiction des signes religieux pour les personnes en position d'autorité, on voit ça d'un bon œil. D'autant plus que le projet de M. Legault fait l'objet d'un assez large consensus auprès de la population québécoise», a affirmé M. Baril en entrevue.


Daniel Baril critique toutefois l'intention de la CAQ de conserver le crucifix qui trône au-dessus du siège du président de l'Assemblée nationale du Québec. Un crucifix qui a fait couler beaucoup d'encre dans les dernières années. M. Baril y voit une profonde contradiction. En conservant ce symbole chrétien dans ce haut lieu de pouvoir, la CAQ défendrait plutôt une «catho-laïcité». Cette position conservatrice donnerait ainsi des munitions aux opposants du projet, surtout des multiculturalistes.


La CAQ, un parti «catho-laïque»?


Quoi qu'il en soit, le Premier ministre désigné semble plus déterminé que jamais à défendre son programme. Lors de sa première rencontre avec Justin Trudeau, François Legault a rappelé «qu'une grande majorité» de Québécois étaient pour l'interdiction des signes religieux pour les personnes en position d'autorité. Il a aussi dit vouloir mettre un terme à ce débat «qui traîne depuis 10 ans».


En maintenant sa position sur la laïcité, il faut bien comprendre que François Legault entend défendre la culture québécoise face au gouvernement fédéral. De cette manière, M. Legault renoue avec le nationalisme. Justin Trudeau est défavorable à la laïcité, mais François Legault estime que le Québec a «tous les droits» dans ce dossier. Bras de fer en vue entre la Belle province et le gouvernement fédéral?