Lancé à grands sons de trompe il y a six semaines, le "grand débat sur l'identité nationale" est en train de tourner à l'aigre. Il était censé "réaffirmer les valeurs républicaines et la fierté d'être français", selon Eric Besson, ministre de l'immigration et de l'identité nationale. Dans ces colonnes, le président de la République l'écrivait encore, il y a quelques jours : "Cette sourde menace que tant de gens dans nos vieilles nations européennes sentent, à tort ou à raison, peser sur leur identité, nous devons en parler tous ensemble de peur qu'à force d'être refoulé ce sentiment ne finisse par nourrir une terrible rancoeur."
Fort bien. Mais l'affaire a été trop vite mal engagée et de manière si biaisée que chacun mesure les dégâts très sérieux qu'elle produit. Des méchantes blagues de tel ministre aux dérapages de telle autre - sans parler des bouffées de xénophobie sur le site Internet créé par le gouvernement pour l'occasion -, ce débat est devenu un "défouloir qui échappe à tout contrôle", selon Yazid Sabeg, commissaire à la diversité et à l'égalité des chances. Plus clair encore, le député et maire de Troyes, le chiraquien François Baroin, vient de fustiger ce déballage qui "flatte les bas instincts", et il appelle à suspendre ce débat.
Il a parfaitement raison. Sans même parler des arrière-pensées politiciennes du pouvoir à quelques mois des élections régionales (mettre la gauche en porte à faux et marauder sur les terres du Front national), la discussion a été engagée sur une base dangereuse et condamnable : en associant à nouveau identité nationale et immigration, elle induit inévitablement que si les Français sont en mal d'identité, c'est à cause de "celui qui arrive". De préférence venu de l'autre côté de la Méditerranée et, par hypothèse, musulman.
C'est oublier, bien commodément, ceux qui "sont là", installés en France souvent depuis plusieurs générations et qui constatent, chaque jour, les inégalités et les discriminations que la République leur réserve. C'est stigmatiser, par amalgame, tous les Français de confession musulmane, au risque de donner raison aux plus radicaux d'entre eux qui prêchent pour un communautarisme militant, voire dissident.
Le rôle et la responsabilité du président sont de faire en sorte que la République rassemble les Français plutôt que les dresser les uns contre les autres, intègre au lieu d'exclure, se nourrisse des différences plutôt que les exacerber, réduise les inégalités plutôt que les creuser. Nicolas Sarkozy s'honorerait donc d'admettre son erreur. Et de la corriger.
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