Hélène Pedneault, <i>une battante devant l’imperfection du monde</i>

Ce matin, je pleure et je souris dans un même mouvement du coeur

Hélène Pedneault



Tumulte d’une peine trop forte pour entendre les bruits de l’effarant dernier épisode de l’invraisemblable histoire du Canada, pour entendre autre chose que l’annonce bouleversante du décès d’Hélène Pedneault.
Le premier décembre nous a quittés, ajoutant à notre désarroi, une combattante droite et lumineuse, aussi aimante qu’intrépide, aussi sensible qu’intelligente, ardemment investie dans toutes les luttes menées par les femmes et les hommes du Québec qui aspirent à vivre dans un État souverain, cadre nécessaire à la construction libre, à jamais incertaine mais possible, d’une société équitable.

Car cette femme était toute entière dans son amour. Comment dire autrement qu’elle guerroyait uniquement pour, jamais contre, même quand elle fustigeait les malveillants, leur bassesse et leur violence.
Aussi puissante et fougueuse que celle de Bourgault, aussi profonde et vraie que celle de Miron, sa parole, comme la leur et celle de nombreuses autres aussi engagées, aura nourri notre désir de maitrise de notre destin national. Nous mettrons longtemps à estimer à sa juste mesure la contribution d’Hélène Pedneault à l’évolution de notre société, parce qu’elle a mené ses combats sur tous les fronts à la fois, vivement et constamment consciente que la liberté est une et indivise. Ainsi, sa parole atteignait personnellement dans leur être unique, celles et ceux qui ont eu la chance de l’entendre parce qu’elle était simple et directe, née de la compréhension intuitive et entière de toutes choses, saisies et expliquées immédiatement dans ce qu’elles ont d’essentiel. D’où les formes qu’elles privilégiaient pour l’exprimer : l’art et la littérature.
Je n’ai pas à rendre compte de cela, les journaux, la radio, la télévision et, magistralement [Ariane Émond dans le Devoir de ce matin->16630], ayant déjà transmis et loué les faits saillants de son activité publique, ayant souligné l’aspect tragique de son départ à un âge qui la prive et nous prive des nombreux ouvrages de l’œuvre restés en chantier.
Sa mort me cause une peine qui me dépasse, si vive que je ne saurais l’expliquer par mon seul sentiment d’une perte personnelle, ma relation avec Hélène Pedneault n’ayant pas été dans l’ordre de l’intimité, pas plus celle des confidences que celle de l’action menée ensemble, œuvrant certes pour les mêmes causes, mais sur des scènes différentes, séparée en plus par une différence de près de 20 ans d’âge. C’est l’amie absolue que je perds, l’amitié en elle-même.
C’est de ce sens de l’amitié dont j’aimerais témoigner ici, trouver les mots justes qui illustreraient la puissance d’aimer d’Hélène Pedneault, fondée sur son incommensurable faculté d’admiration, sur l’inépuisable générosité du regard qu’elle portait sur les autres, sur sa soif et sa capacité d’écoute. Et par-dessus tout, sur son aptitude à donner discrètement, sans rien attendre en retour que la joie qu’elle en éprouvait. Et pour cela, précisément, nous avions le désir irrépressible de tout lui rendre au centuple. Elle a ainsi suscité le plus beau geste de solidarité et le plus authentique qu’il m’a été donné de connaître dans ma longue vie qui en est pourtant remplie.
Cela se passait en juin dernier, à Montréal, dans les grands salons de l’édifice de la SSJBM. Nous étions plus de deux cents proches, dans le vrai sens du terme, c’est-à-dire unis par un même sentiment d’appartenance à son monde, celui de ses combats et indissociablement de ses espoirs et de sa confiance, à nous être rendus à l’invitation de quelques-unes d’entre nous tous, à participer à la fête qu’elles avaient organisée pour lui remettre la « Bourse de l’amitié. » amassée dans les semaines précédentes pour aider Hélène à passer sans souci financier le temps long de sa maladie. Plus de deux cents proches qui, un jour ou l’autre, d’une manière ou d’une autre avaient bénéficié de ses largesses, étaient venus fêter avec Hélène la beauté du don.
Manifestation parfaite de solidarité dans l’harmonie instantanée des multiples voix témoignant chacune à sa façon la reconnaissance personnelle de toutes et de tous. Chef-d’œuvre d’expression de l’amitié. Unique comme tout chef-d’œuvre. Hélène Pedneault en était la créatrice.
Ce matin, je pleure et je souris dans un même mouvement du coeur, à la pensée qu’elle m’a accueillie dans l’espace grandiose de son être, que j’ai envie d’appeler l’âme, cette instance où brillait la flamme de son intelligence, d’où se déployait sa pensée, où elle vivait en silence ses joies et ses peines, où elle puisait le désir et la force de lutter, c’est-à-dire de vivre dignement la condition humaine.
Elle m’a reconnue et exprimé cette reconnaissance en parlant de mes écrits littéraires et de mon action politique avec la rigueur et l’enthousiasme qui la caractérisaient, sans oublier qu’elle me gratifiait de ses conseils et encouragements dans mes moments de doute.
Car son amitié pour moi comme celle qui la liait profondément à tous ses autres amies et amis lui était inspirée par les manifestations uniques de notre propre âme. Elle nous aimait pour notre contribution à la recréation permanente de la culture québécoise, fer de lance de nos entreprises spécifiques pour l’enrichissement de la culture humaine universelle.
Je lui en suis infiniment reconnaissante et le lui témoignerai en chassant ma tristesse. Je rassemblerai mon énergie et tenterai, à son exemple, d’être jusqu’à la mienne fin « une battante devant l’imperfection du monde ».

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Andrée Ferretti124 articles

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"Rien de plus farouche en moi que le désir du pays perdu, rien de plus déterminé que ma vocation à le reconquérir. "

Andrée Ferretti née Bertrand (Montréal, 1935 - ) est une femme politique et
une écrivaine québécoise. Née à Montréal dans une famille modeste, elle fut
l'une des premières femmes à adhérer au mouvement souverainiste québécois
en 1958.Vice-présidente du Rassemblement pour l'indépendance nationale, elle
représente la tendance la plus radicale du parti, privilégiant l'agitation sociale
au-dessus de la voie électorale. Démissionnaire du parti suite à une crise
interne, elle fonde le Front de libération populaire (FLP) en mars 1968.Pendant
les années 1970, elle publie plusieurs textes en faveur de l'indépendance dans
Le Devoir et Parti pris tout en poursuivant des études philosophiques. En 1979,
la Société Saint-Jean-Baptiste la désigne patriote de l'année.
Avec Gaston Miron, elle a notamment a écrit un recueil de textes sur
l'indépendance. Elle a aussi publié plusieurs romans chez VLB éditeur et la
maison d'édition Typo.





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