Hélène Pedneault, Porteuse d’eau

Hélène Pedneault

[->16542]L’écrivaine dit : « Tout mon corps est tendu vers un seul but : dire. Je mange mes mots, je les respire un par un pour leur prendre leurs parfums de laine mouillée, de lavande et de sueur mêlés… La nuit, ils se métamorphosent en rêves… ils se souviennent de tout. Ce sont des saumons qui remontent le courant à l’envers … Tout mon corps est tendu vers un seul but : dire. »
Extrait du poème Péché mortel paru dans La douleur des volcans publié aux Éditions VLB en 1992.
Parole vive de toutes les causes permettant l’évolution de la société, véritable volcan verbal toujours spontanément en éruption devant toute forme d’injustice sociale et toujours indignée par le silence des moutons devant l’avidité des capitalistes déshumanisants, Hélène Pedneault est d’abord et avant tout une femme de parole, une citoyenne responsable, qui prend la parole sur la place publique et la tient.
Figure incontournable de la démocratie québécoise, convaincue et convaincante, cerbère de toutes les formes de liberté, elle est faite de la même étoffe patriotique que celle de Gaston Miron, le haut parleur de la libération du KébèK. Pour des gens de cette envergure, c’est la culture, et la langue qui l’exprime, qui soulève et maintient l’identité et l’énergie d’un peuple, car l’existence de l’écriture et de la parole n’est justifiée que si le citoyen et le pays ne font qu’un dans la manifestation de la liberté, dans la proclamation d’une même identité. C’est pour cette raison qu’elle cofonde Le Conseil de la Souveraineté du Québec.
Elle-même souveraine en ses dires, Hélène Pedneault est une citoyenne engagée dans le sens le plus pur et le plus actif du terme. Elle est, et demeure l’exemple exceptionnel d’une femme qui s’est toujours tenue debout devant la bêtise humaine, devant les inégalités entre hommes et femmes et qui s’est toujours portée à la défense des droits humains.
Mon admiration pour cette parolière date d’abord du temps de Récolte de rêves où ses poèmes lumineux, chantés par Marie-Claire et Richard Séguin dans l’un des disques les plus inspirants de l’histoire de la chanson québécoise, ont marqué toute une génération.
J’ai rencontré cette femme vibrante dans un petit café lors d’une lecture de poèmes. J’admirais déjà sa perspicacité et la justesse de son propos en ce qui a trait à la nécessité, voire l’urgence, de protéger la biodiversité et plus particulièrement l’essence de la vie : l’eau. D’ailleurs elle parle de son peuple comme d’un « peuple d’eau ». Comment un peuple peut-il devenir souverain s’il n’est pas maître des eaux sur son territoire ? La Porteuse d’eau dit : «L’eau est indissociable de la chair même de notre culture… L’eau, c’est le sang dans les veines du pays.». C’est pour cela qu’elle s’insurge devant les profiteurs qui veulent « détruire le pays réel autant que le pays rêvé.» La souverainiste leur dit clairement : « Sachez que le pays des écrivains et des écologistes n’est pas moins réel que celui des financiers. » 
Le 25 février 1997, indignée devant l’intention qu’a le maire Bourque de privatiser la gestion de l’eau à Montréal, elle participe à une soirée d’information agrémentée d’un spectacle et organisée par la Coalition montréalaise pour un débat public sur l’eau à l’UQAM en compagnie de quelque 1 500 personnes. Après le spectacle auquel assistait également la sociologue Louise Vandelac, les deux femmes ont l’idée d’étendre la coalition à un ensemble de groupes unis dans la cause de l’eau. Le lendemain de cette manifestation, le maire Bourque annonce la fin des discussions sur la privatisation de l’eau à Montréal. On se rend compte alors que la solidarité des citoyennes et des citoyens dans leur rêve d’une économie écologique et équitable, a un impact politique réel sur la gestion de l’eau. Quelques semaines plus tard, Hélène Pedneault, écrivaine, Louise Vandelac, sociologue, André Bouthillier, syndicaliste et Lavallée, politicien, fondent la Coalition Eau Secours ! pour une gestion responsable de l’eau qui aujourd’hui peut rejoindre près d’un million et demi de Québécoises et de Québécois pour les informer des enjeux majeurs concernant l’eau et pour appuyer les comités de citoyens en lutte pour la protection de l’eau.
Ces enjeux ont été clairement discutés à la Commission Beauchamp, au Bureau d’Audiences Publiques sur l’Environnement (BAPE) en 1999, Eau Secours ! y avait mandaté une douzaine de Porteuses et Porteurs d’eau, dont Hélène Pedneault. On sait que les recommandations d’Eau Secours ! ont été retenues par la Commission Beauchamp qui proposa au gouvernement d’adopter le principe d’une gestion intégrée de l’eau selon une approche écosystémique. Et pourtant, gouvernement après gouvernement, nous attendons toujours la Loi de l’eau et ses réglementations.
Femme de parole mais aussi femme d’action, Hélène Pedneault, travaillant bénévolement pour la cause de l’eau mobilise des artistes, des philosophes, des scientifiques, des communicateurs, et signe la mise en scène de plusieurs spectacles dont elle est souvent l’animatrice. Sur le premier disque de chansons d’Eau Secours, Anne Sylvestre chante Le Lac Saint-Sébastien inspiré des Carnets du lac d’Hélène Pedneault.
C’est elle qui a ennobli le terme « Porteur d’eau » en sortant de l’ombre cette fonction artisanale des temps anciens. Car, il y a de cela bien longtemps, l’eau du Saint-Laurent était pure et les habitants pouvaient la boire. C’est elle qui m’a fait comprendre l’importance de défendre moi aussi la cause de l’eau en insistant sur la noblesse et le courage de ces premiers Porteurs d’eau qui, en 1850, à moins trente sous zéro, père et son fils, gelés jusqu’aux os, marchaient sur les eaux du fleuve. À grands coups de hache, ils perçaient un trou dans la glace. Puis, seau par seau, ils versaient l’eau dans un grand tonneau, vissé à un traîneau tiré par un cheval. Du fleuve au hameau, le cheval tirait le traîneau avec son tonneau d’eau. Et de porte en porte, le père et le fils, allaient porter l’eau aux gens du fleuve qui les bénissaient de porter ainsi la vie.
Eau Secours ! est donc très fière que la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal décerne à Hélène Pedneault, Porteuse d’eau, le titre de Patriote de l’année. Femme merveilleuse qui demeure dans nos cœurs et nos esprits, l’effigie lumineuse de la liberté, chère Hélène, au nom des 80 Porteuses et Porteurs d’eau, de tous les membres et organismes soutenant la Coalition Eau Secours !, nous conjuguons ton nom au présent. Nous te disons : bravo et merci. Et nous t’écoutons nous dire :
« Comme la langue, l’eau est un symbole fondamental, qui fait partie non seulement de notre patrimoine, mais aussi de notre inconscient collectif. L’eau nourrit les corps, les imaginaires, la littérature, le cinéma, les chansons. S’y attaquer, c’est blesser ce que nous avons de plus précieux, c’est voler notre identité. Vouloir toucher l’eau au Québec, c’est comme vouloir toucher à la langue française, comme si l’eau était notre langue maternelle »

Raôul Duguay
Représentant des Porteuses et Porteurs d’eau à Eau Secours
15 novembre 2009


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