Gaz de schiste: zéro assurance contre l'eau polluée

Gaz de schiste


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Marc Beaulé
Résidant de Saint-Jean-Baptiste, l'auteur réagit à la [lettre de Gaëtan Lafrance->31974], intitulée «Comprendre sans saboter», qui a été publiée jeudi dernier.

Je vais faire comme le PDG de Talisman Energy qui, dans une audience du BAPE à laquelle j'assistais, mettait de l'avant son expérience pour prouver que son industrie était sans danger puisqu'il n'y avait eu aucune preuve de quoi que ce soit qui aurait pu démontrer le contraire...
Les camions de Talisman Energy sont venus faire vibrer mon rang en août dernier. Personne n'avait été prévenu, pas même le maire. M. Lafrance, j'ai tenté de faire ce que vous prétendez que l'on devrait faire: s'informer et ainsi comprendre avant de saboter. Contrairement à ce que vous pouvez laisser sous-entendre, les gens que j'ai croisés au travers ma quête du Saint-Graal de la vérité gazière ne sont, pour la grande majorité, que des citoyens ordinaires, nullement payés ou motivés par les groupes écologistes. Bien certainement que les groupes écolos viennent scander aussi leur colère, mais cette colère et la demande de retenue et de moratoire peuvent se comprendre un peu, pour autant que l'on garde l'esprit ouvert.
J'habite un secteur agricole de la Montérégie. Je puise mon eau potable dans la nappe phréatique. Cherchant à comprendre les tenants et aboutissants de ce dossier, j'ai contacté ma compagnie d'assurances habitation (Desjardins) afin de savoir ce qui pourrait advenir en cas d'un sinistre sur ma propriété ou encore si mon puits s'en trouvait pollué. Vous savez ce que l'on m'a répondu? Que je n'étais nullement couvert par ces assurances.
Toujours cherchant à comprendre, j'ai demandé à ce que l'on ajoute une telle couverture à ma police actuelle. Vous savez ce que l'on m'a répondu, M. Lafrance? Qu'aucune compagnie d'assurances au Canada ne couvrait ce type de dommage... Toujours en poursuivant ma quête du savoir, comme vous nous encouragez à le faire, j'ai questionné le BAC (Bureau d'assurances du Canada). Vous savez ce que l'on m'a répondu? La même chose, mais plus encore, que si un tel dommage arrivait à ma maison ou à mon puits, je devrais donc poursuivre personnellement la compagnie qui exploite le puits «fautif».
Le président de Junex a bien mentionné que chacun de ses puits avait une couverture de 10 millions de dollars pour de tels cas... Mais le hic dans tout ça, c'est que je devrai embaucher des avocats et des experts pour venir témoigner hors de tout doute que c'est bien la compagnie gazière qui a causé un tel dommage... Qui va m'aider à payer de tels frais? Mes assurances? Eh oui, j'ai posé la question, comme nous vous invitez à le faire afin de bien comprendre... Eh bien non, mes assurances ne m'aideront pas.Je serai seul contre une multinationale... Et le plus ironique dans tout ça, c'est que la compagnie gazière pourra embaucher les meilleurs experts et avocats pour discréditer les miens (si j'ai le moyen de les payer) et déduire ses dépenses de ses redevances puisque ça devient des «frais reliés à l'exploitation».
Lorsque j'ai soulevé cette question devant le BAPE, le premier soir des audiences publiques, le représentant des ressources naturelles de notre bon gouvernement a mentionné qu'il n'avait jamais entendu parler de ça, qu'il disait que c'était impossible que les compagnies d'assurances puissent se défiler ainsi. Tiens, tiens, un autre qui n'est pas si bien informé. Il aurait pu téléphoner au 1-888-desjardins avant la rencontre et il aurait eu sa réponse. Mais non, il se cachait derrière un titre, une fonction dans un ministère.
Et dans tout ça, cher M. Lafrance, ce que je trouve dommage, c'est que dans ce débat, il y a des gens comme vous qui ne verront jamais un puits apparaître à 100 mètres de leur demeure ou de leur chalet, avec un va-et-vient incessant de camions pendant le forage, vous n'aurez pas un bassin de décantation d'où s'évaporent des produits toxiques... Vous serez bien au chaud avec votre gaz naturel dans vos luxueuses demeures alors que nous, on subira tout le dommage et le désagrément.
Les arguments de gens comme vous qui nous demandent de tout accepter sans plier l'échine pour le bien commun alors que dans le fond, la très grande majorité des dollars engendrés par l'exploitation de nos ressources ne viendront pas enrichir la collectivité québécoise, mais les actionnaires.Lorsque vous êtes devant un miroir, êtes-vous réellement capable de vous dire que vous laisseriez forer un puits derrière votre maison ou que vous achèteriez une maison qui a comme voisin un puits de gaz de schiste avec des camions qui viennent sans arrêt pendant un mois? Vraiment? Si c'est le cas, je vous mets au défi d'échanger ma maison contre la vôtre et, comme on dit en région, «vos babines pourront suivre vos bottines»!
Je veux bien continuer de m'informer et chercher à comprendre tout ce qui se passe dans ce dossier. Je vois bien le travail de puissants lobbys qui grenouillent dans cette marre toxique, mais c'est curieux, ils semblent être bien plus du même côté que celui de l'industrie gazière. Tout comme vous d'ailleurs.


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