Le ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs, Pierre Arcand, s'est montré plus ferme hier en ce qui concerne l'industrie du gaz de schiste. Mais il a été plus prudent que ce que bien des médias ont rapporté: il n'a pas parlé de moratoire, pas plus que ne l'a fait le premier ministre Jean Charest qui a pris la parole par la suite. Questionné à ce sujet, le ministre s'est contenté de dire qu'il attendait le rapport du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE), fin février. M. Charest, lui, a fait valoir que le gouvernement sera conséquent: c'est lui qui a commandé un rapport au BAPE, il va donc tenir compte de ses recommandations.
La précision est importante, car le mandat que le gouvernement a confié au BAPE ne porte en rien sur la pertinence d'exploiter ou non les gaz de schiste! L'organisme doit plutôt «proposer un cadre de développement de l'exploration et de l'exploitation des gaz de schiste» afin que ces activités cohabitent «harmonieusement» avec les populations et l'environnement. Il doit aussi proposer «un encadrement légal et réglementaire qui assure [...] le développement sécuritaire de cette industrie dans le respect du développement durable».
Ce mandat-là n'a pas changé: il ne faut pas confondre changement de ton et changement de cap.
Jusqu'à maintenant, le gouvernement avait donné carte blanche à l'industrie. Le rôle de porte-voix de l'enthousiasme gouvernemental avait été confié à la ministre des Ressources naturelles et de la Faune, Nathalie Normandeau, qui a multiplié les déclarations d'appui à l'exploration, n'hésitant pas à frôler le ridicule (combien faut-il de pets de vaches pour équivaloir aux émissions d'un puits de gaz de schiste?...).
Hélas pour elle, jour après jour les faits ont révélé que tout n'est pas sous contrôle dans l'univers des gaz de schiste. Le manque d'informations est flagrant, notait encore la semaine dernière l'Institut national de la santé publique du Québec. Quant aux fuites dans les puits, on sait maintenant que l'industrie peine parfois à les colmater et que surtout, le ministère des Ressources naturelles n'en informe pas la population (les journalistes font le travail!) et s'en ouvre avec réticence au BAPE. A-t-on même assez d'inspecteurs sur le terrain pour mener un travail soutenu de vérification?
Le gouvernement, hier, a donc décidé de délaisser son ton jovialiste, ce qui est le minimum. Tout comme se montrer plus strict en matière de sécurité relève de l'évidence: la chose aurait dû être faite depuis des mois.
Mais le débat préalable à ces considérations sécuritaires est toujours esquivé: le Québec doit-il exploiter le gaz de schiste? Doit-il le faire dans les zones habitées? Et si exploitation il y a, pourquoi seules certaines entreprises en tireront-elles le gros des profits? Qui a décidé de leur choix? Et pourquoi, pourquoi, les Québécois ont-ils su après-coup que leur sous-sol était déjà vendu?... Ces réponses-là, ce n'est pas le BAPE qui nous les donnera...
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