Un des discours les plus mémorables de Pierre Elliott Trudeau est celui qu'il a prononcé devant plus de 4000 militants libéraux réunis à l'hôtel Reine-Elizabeth le 19 octobre 1969. «Finies les folies», avait-il lancé, dénonçant aussi bien la «détérioration récente du climat politique et social» au Québec que les sympathies séparatistes des journalistes de Radio-Canada.
Au train où vont les choses, Jean Charest pourra bientôt reprendre la formule à son compte. Depuis quelques jours, l'ADQ et le PQ semblent vouloir rivaliser d'ineptie pour lui fournir l'argument qu'il cherchait pour réclamer un mandat majoritaire.
Il est évident que Jean-Claude Saint-André représente un courant très minoritaire au PQ, mais les incidents survenus en fin de semaine à l'assemblée d'investiture dans l'Assomption ont donné une très fâcheuse impression de désordre.
Remarquez, aucun des deux autres chefs n'aurait toléré la présence d'un pareil trublion dans son équipe. Les statuts de leur parti permettent de régler les cas problèmes de façon expéditive, mais le PQ n'a jamais été capable de s'autodiscipliner.
Gouvernance bien ordonnée commence par soi-même, pourrait-on dire. Si les péquistes veulent continuer à se chicaner sur le degré de pureté souverainiste des uns et des autres, comme il le font depuis quarante ans, c'est leur affaire, mais cela peut constituer une excellente raison de les laisser dans l'opposition.
Certains ne manqueront pas d'accuser les médias d'avoir monté cette histoire en épingle, mais une règle élémentaire pour un parti politique est de meubler l'espace médiatique qui lui revient. Autrement, les journalistes vont s'en charger.
Normalement, le dévoilement de la plate-forme électorale aurait du être un temps fort, mais elle était si insipide qu'elle ne présentait aucun intérêt. Adopter un tel document à huis clos et le rendre public à la sauvette en début de soirée, sans même tenir de point de presse, donnait la mesure du peu d'importance que l'on y accordait au PQ même. Manifestement, les péquistes ont manqué de temps, mais il est bien difficile de se poser en solution de rechange au gouvernement quand l'on ne semble pas savoir où l'on va.
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C'est toutefois le comportement de l'ADQ qui est le plus désolant, même s'il ne surprend guère. Le choix des thèmes adoptés et le ton général de campagne, qui visent une clientèle bien spécifique, confirment que l'objectif n'est plus de former le prochain gouvernement, mais de sauver ce qui peut encore l'être.
Hier après-midi, l'ADQ a finalement retiré de son site Internet les vidéos d'une rare mesquinerie qui présentaient Pauline Marois comme une Castafiore hautaine et narcissique, couverte de bijoux hors de prix dans son château de Moulinsart-en-l'Île-Bizard.
Mario Dumont a désavoué l'utilisation de ces vidéos, mais le directeur de la campagne adéquiste, Vital Adam, avait déjà eu le temps d'expliquer avec une rare mauvaise foi qu'ils n'avaient rien de négatif, qu'ils étaient même «rafraîchissants» et visaient à «alléger le débat».
La façon dont M. Dumont cherche à ranimer la flamme identitaire n'est pas plus édifiante. Ce n'est pas la première fois qu'il dénonce le nouveau cours d'éthique et de culture religieuse. Il y a un an, il avait tenté de ridiculiser la légende autochtone de Glouskap, que le nouveau cours propose aux élèves du primaire en guise d'initiation à la spiritualité.
Dimanche, à Granby, le chef de l'ADQ est revenu sur cette espèce de complot contre l'identité québécoise, qui viserait notamment à priver nos enfants de leur arbre de Noël et du lapin de Pâques. Devant autant de bêtise, on hésite entre l'indignation et la pitié.
L'honnêteté intellectuelle commanderait à M. Dumont de proposer franchement l'élimination du nouveau cours et le retour à l'enseignement confessionnel, comme le souhaitent de nombreux parents. Sa solution, tout à fait typique, est plutôt de proposer un moratoire. En attendant, les élèves auraient droit à un cours de français supplémentaire.
Cela ressemble à sa promesse d'abolir les commissions scolaires. Il a fallu deux ans avant de trouver une solution de remplacement. Si l'ADQ existe toujours lors de la prochaine campagne électorale, on saura peut-être comment elle propose de sauver l'arbre de Noël et le lapin de Pâques.
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La défense de l'identité québécoise a pris une forme inattendue hier, quand M. Charest s'est découvert un attachement pour la «formule québécoise» de débat télévisé entre les chefs de parti, qui privilégie le face-à-face, par opposition à la «formule canadienne» plus «conviviale» qui a prévalu durant la dernière campagne fédérale.
On peut facilement comprendre que M. Charest ne veut pas être pris dans les tirs croisés de ses adversaires, comme l'a été Stephen Harper. Le chef libéral a la réputation d'être un bon debater, mais l'expérience de 2007 a démontré qu'il n'est pas invincible.
La question est de savoir s'il préfère porter la responsabilité de l'avortement du débat ou prendre le risque qu'il tourne mal. En 1985, dans une situation assez semblable, Robert Bourassa avait réussi à manoeuvrer pour éviter un face-à-face télévisé avec Pierre Marc Johnson, qui avait dû se contenter d'un débat radiophonique sans grande conséquence, mais les débats télévisés n'étaient pas encore entrés dans les moeurs électorales québécoises. Le dernier remontait à 1962.
La partie ne fait cependant que commencer. Il est de bonne guerre pour les partis d'opposition de dénoncer l'«arrogance» de M. Charest, mais si les prochains sondages confirment la tendance favorable aux libéraux, Pauline Marois et Mario Dumont pourraient bien surmonter leur aversion pour la «formule québécoise».
mdavid@ledevoir.com
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