Fini, le Québec au service des médecins !

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Défaire la république des médecins

Corriger un système injuste n’est pas un projet positif, mais une extrême nécessité.


À l’hiver dernier, nos compatriotes ont été pris de colère lors de l’entente inique conclue par le gouvernement et les médecins spécialistes. Cet accord n’est, cependant, que l’arbre qui cache la forêt. Dans un même ordre d’idées, si l’incorporation des médecins – un privilège fiscal injustifiable ici – est hautement problématique, ce n’est que la pointe de l’iceberg.


L’État pour les médecins


Le problème, structurel et profond, est que les fédérations médicales se demandent ce que le Québec peut faire pour eux, et pas l’inverse. L’État québécois est aujourd’hui réduit au statut de bar ouvert pour elles. Les médecins ont le statut d’entrepreneurs et ils ne sont pas – outre quelques exceptions – payés à l’heure, mais bien à l’acte, lequel est facturé à la Régie d’assurance maladie du Québec. Le mieux payé parmi les spécialistes, le radiologue, gagne 700 000 $ par année.


Ce système ne tient pas compte des changements technologiques. Une radiographie nécessite aujourd’hui beaucoup moins de temps et d’efforts que dans les années 1980, sans que la rémunération n’ait été revue à la baisse. Pourquoi ne prend-on pas en considération cette évolution ? Qui plus est, sur les milliers d’actes médicaux reconnus, plusieurs sont similaires, mais mènent à des payes très différentes. Les médecins laissent souvent leur facturation entre les mains de firmes spécialisées dans l’« optimisation » de la rémunération. Il y a ainsi eu plusieurs scandales de surfacturation par le passé. La vérificatrice générale révélait en 2015 que seulement 2 pour cent (!) d’entre eux ont été véritablement contrôlés par la RAMQ au cours de l’année précédente.


Les fameuses promesses d’augmentation des investissements en santé ont surtout bénéficié aux médecins, qui obtenaient 15,6% des 30,8 milliards $ dépensés en 2011, et qui jouissent maintenant de 22% des 34,4 milliards dépensés en 2018. Et rappelons que près de 40% du budget du Québec est consacré à la santé. Faites le calcul...


Nationaliser la médecine


Maintenant, que faire ? En finir avec ce système de socialisation des pertes et de privatisation des profits qui sert directement à remplir les poches de la classe la plus riche. Cette donne est tout simplement indigne d’une société moderne et développée.


Il faut que les médecins deviennent des salariés de l’État, payés à l’heure, et non plus des contractuels de celui-ci. L’un des pères de l’assurance maladie au Québec, Claude Castonguay, a lui-même reconnu que c’était l’angle mort de sa réforme de 1970. Un service public est un service public, pas une occasion d’affaires.


Ce sera évidemment un combat de tous les instants. Les fédérations médicales sont des lobbys costauds qui se battront pour conserver leurs privilèges. La Révolution tranquille d’antan était un moment charnière notamment parce que nous avons pu renverser les puissances privées qui avaient fait main basse sur le Québec. Aujourd’hui, le pouvoir des fédérations est comparable à celui des trusts hydroélectriques dans le Québec de 1962, qui pouvaient faire la pluie et le beau temps dans la province. Pourtant, René Lévesque, alors ministre des Richesses naturelles, a fini par les nationaliser.


Qui sera notre nouveau René Lévesque?


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Simon-Pierre Savard-Tremblay179 articles

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Simon-Pierre Savard-Tremblay est sociologue de formation et enseigne dans cette discipline à l'Université Laval. Blogueur au Journal de Montréal et chroniqueur au journal La Vie agricole, à Radio VM et à CIBL, il est aussi président de Génération nationale, un organisme de réflexion sur l'État-nation. Il est l'auteur de Le souverainisme de province (Boréal, 2014) et de L'État succursale. La démission politique du Québec (VLB Éditeur, 2016).