Extrême droite: Québec craint les loups solitaires

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Mais pas la violence systémique des Antifas !

Faut-il avoir peur de l'extrême droite ? Oui, selon deux récents rapports internes du ministère de la Sécurité publique du Québec que La Presse a obtenus, dans lesquels le gouvernement prévient que des loups solitaires pourraient commettre des « actes xénophobes violents » dans la province.


On y apprend aussi que la Sécurité publique surveille de près certains groupes et individus dits « d'intérêt » associés à l'« extrémisme de droite ».


Québec montre du doigt les attentats terroristes perpétrés en Europe en 2015 et en 2016 et « la politique d'ouverture du gouvernement fédéral au sujet de l'accueil de réfugiés syriens » pour expliquer le « regain de popularité » du mouvement dans la province.


L'un des documents sur lesquels nous avons mis la main est un état de la situation commandé en décembre 2015 dans la foulée de l'accueil de réfugiés syriens au Québec. Le deuxième, intitulé Extrémisme de droite au Québec : principaux constats, a été rédigé quelques jours à peine après l'attentat qui a coûté la vie à six personnes à la grande mosquée de Québec, le 29 janvier 2017.



Bien que largement caviardés, les deux rapports donnent une bonne idée des craintes que suscitent « les sympathisants de ce courant idéologique » auprès du gouvernement et de toute l'attention que leur porte le ministère de la Sécurité publique depuis quelques années.


«Actes xénophobes violents»


Si le rapport de 2017 précise que « la principale menace pour le Canada actuellement demeure celle que représentent les extrémistes violents qui adhèrent à l'idéologie extrémiste véhiculée par des organisations terroristes comme Al-Qaïda et le groupe armé État islamique », Québec reconnaît que les loups solitaires de l'extrême droite posent eux aussi un risque.


« On ne peut exclure la possibilité que des actes xénophobes violents soient commis par des individus adhérant aux idées d'extrême droite et agissant seuls », lit-on.


« En général, on constate que ceux qui adhèrent aux idéaux véhiculés par l'extrême droite sont principalement actifs sur internet, soit les médias sociaux ou encore à l'intérieur de forums de discussion, poursuit le texte. Ils protestent principalement contre la place grandissante que prendrait la religion musulmane dans notre société et l'insécurité culturelle qu'elle engendrerait. »


Des groupes et des individus «d'intérêts»


On découvre d'ailleurs que divers groupes et personnes précis sont dans la ligne de mire de Québec.


Dans le document de 2015, la Sécurité publique répertorie ce qu'elle décrit comme des « groupes d'intérêt qui ont réagi négativement à l'arrivée de réfugiés syriens au Québec et qui suscitent une préoccupation ». Elle dresse aussi une liste d'« individus d'intérêt qui ont tenu des propos désobligeants ou posé des actions répréhensibles à l'égard des réfugiés syriens ou de la communauté musulmane ».


Le contenu complet de ces deux listes, qui font en tout plus d'une page et demie, a été caviardé.


Cela dit, les noms de PEGIDA Québec et du Front national du Québec sont mentionnés ailleurs dans le document dans un recensement d'incidents à caractère haineux.


Un risque réel


Pour Maryse Potvin, sociologue et experte des questions de racisme et de rapports ethniques à l'UQAM, le risque qu'un adepte de l'extrême droite passe à l'acte est bien réel.


« Le loup solitaire, ça peut être une personne plus fragile qu'une autre qui va ressentir davantage l'exclusion ou la victimisation de soi et qui a besoin de confirmer son rapport de pouvoir à l'autre », explique-t-elle.


Et au Québec, « le contexte est particulièrement favorable à rendre les gens plus fragiles. Il y a un sentiment un peu plus généralisé de vivre un peu à l'aube d'une catastrophe », croit la professeure, qui souligne autant le contexte social d'ici que la série d'attentats survenus en Europe.


Mme Potvin pense notamment au débat sur les accommodements raisonnables et celui plus récent sur la charte des valeurs. « Le contexte favorise des niveaux d'intolérance parce que ça fait longtemps que ça perdure dans l'espace public et les gens ne comprennent pas toujours les enjeux et vont donc transformer [les membres d'une] minorité religieuse en boucs émissaires parce qu'ils sont le centre du débat. »


Pour la professeure, il faut agir, et vite. « C'est quand même assez urgent parce qu'on ne peut pas laisser plus d'espace aux groupes organisés. Le passage au politique [de l'extrême droite] va être encore plus dangereux. On va être pris avec un parti politique qui va légitimer encore plus ce type de discours là et qui va vouloir encore plus adopter des pratiques politiques violentes. »


- Avec la collaboration de William Leclerc, La Presse



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