Exemption culturelle - Trouver un accord avec les Européens

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Est-il possible d'empêcher le loup de manger les moutons une fois qu'il est dans la bergerie ?

Le texte signé par Christian Rioux intitulé « Libre-échange - Les inquiétudes de Louise Beaudoin » dans l’édition du mercredi 27 mars nous donne l’occasion de présenter la position du milieu culturel dans ce débat fondamental.
La Coalition pour la diversité culturelle représente depuis plus d’une décennie les 34 principales associations de l’ensemble du milieu culturel québécois et canadien des secteurs du livre, de la musique, de la danse, de l’audiovisuel, etc. La Coalition est née de la volonté de ses membres de veiller à ce que la culture ne soit pas considérée comme un bien ou un service comme les autres et qu’on l’exempte de toute tentative de libéralisation du commerce. La culture, ce n’est pas le bois d’oeuvre ou l’automobile.
La négociation de l’accord de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne est la plus importante depuis la conclusion de l’ALENA il y a 20 ans. Pour le Canada et le Québec, c’est l’occasion de s’entendre sur une vision commune avec un partenaire commercial majeur qui comme nous comprend bien la nature spécifique des biens et services culturels.
Les négociations en vue d’un accord avec les Européens sont dans la dernière ligne droite, alors que les pressions s’exercent pour obtenir des concessions. La culture n’est pas un enjeu commercial dans la discussion entre l’Union européenne et le Canada (et le Québec). C’est un sujet politique, qui va définir comment la culture doit être abordée dans cet accord comme dans les nombreux à venir.
Bien que le Canada et l’Union européenne poursuivent tous deux l’objectif d’une exclusion de la culture, là s’arrêtent les similitudes. L’Europe inclut dans tous ses accords commerciaux une exemption limitée aux services audiovisuels et seulement pour le chapitre sur les services. L’exemption culturelle traditionnelle du Canada porte sur l’ensemble des industries culturelles et sur tous les chapitres de ses accords commerciaux. D’où la difficulté d’en arriver à une vision commune.

Ferme sur le fond, mais flexible sur la forme
La Coalition pour la diversité culturelle s’est ralliée à la proposition des négociateurs en chef du Canada et du Québec d’une nouvelle approche de l’exemption culturelle qui comprendrait trois éléments se renforçant mutuellement :
1) le préambule de l’accord ferait mention explicite de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles adoptée en 2005 à l’UNESCO et des motifs pour lesquels les deux partenaires commerciaux conviennent d’une exemption culturelle ;
2) le Canada inscrirait sa définition habituelle des industries culturelles que l’on retrouve dans tous ses accords depuis l’ALENA ;
3) l’exemption culturelle serait demandée dans chacun des chapitres pertinents de l’accord, c’est-à-dire dans chacun des chapitres où le Québec et le Canada ont des politiques culturelles et des mesures de soutien à la culture à protéger.
Évidemment, la nouvelle approche n’est pas sans risque et les associations membres de la Coalition pour la diversité culturelle attendent avec beaucoup d’intérêt le texte final afin de veiller à ce que « le diable ne soit pas dans les détails ». La Coalition est en dialogue constant avec les négociateurs et a offert la contribution de ses experts. Elle a en outre été rassurée par les déclarations de la première ministre Marois indiquant que son gouvernement se réservait le droit d’approuver le texte final.
Les avantages sont nombreux
Pour la première fois peut-être depuis son adoption, la Convention sur la diversité des expressions culturelles serait citée dans un accord sur le commerce. L’objectif important de reconnaissance du nouvel instrument juridique international est atteint, car la Convention courrait le risque de rester confinée aux discussions entre experts à l’UNESCO.
L’approche dite de « chapitre par chapitre » établit avec encore plus de précisions le périmètre de notre souveraineté culturelle. Elle nous donne l’assurance que nos partenaires commerciaux reconnaissent explicitement nos intentions puisque chacun des chapitres est nommément désigné, par exemple en matière de contrôle des investissements étrangers ou de marchés publics.
Elle nous donne aussi la flexibilité de ne pas demander l’exemption culturelle pour les chapitres non pertinents ou pour les chapitres comme celui de la propriété intellectuelle, où la protection du droit d’auteur ne devrait en aucun cas être affaiblie, ni pour les créateurs canadiens ni pour les créateurs européens.
Mais surtout, cette nouvelle approche d’exemption générale « ciblée » pourra dorénavant être demandée par le Canada et par l’Union européenne face à leurs partenaires commerciaux respectifs qui s’opposeraient à une exemption culturelle générale (pensons aux négociations de l’Accord transpacifique, de l’Accord entre l’Union européenne et les États-Unis ou de l’Accord plurilatéral sur les services à l’OMC).
Les négociateurs québécois et canadiens auront alors réussi à créer les conditions favorables à une reconnaissance encore plus large de la nature spécifique des biens et services culturels par la communauté internationale, et ce, au coeur même des accords de libéralisation des échanges commerciaux qui sont à l’origine du mouvement qui a mené à l’adoption de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité culturelle.


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