Ex-administratrice d’une banque controversée chez Financière Power

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De UBS à Revenu Canada pour finir chez Power Corp.

Une administratrice qui devrait faire son entrée dès aujourd’hui au conseil de la Financière Power, filiale de Power Corporation, a travaillé pour la banque suisse UBS qui a dû payer de fortes amendes au gouvernement américain. Peu de temps après avoir quitté l’institution financière en 2009, elle a été nommée au conseil de direction de Revenu Canada.


Susan J. McArthur occupe depuis 2015 plusieurs postes d’administratrice au sein d’entreprises rattachées au groupe, dont la Great-West et le Groupe Investors, en plus de siéger au conseil d’autres firmes.


Les renseignements contenus dans la circulaire de sollicitations de procurations de la Financière soulèvent une question qu’aucun média n’avait réalisée jusqu’ici : Mme McArthur a agi dans le passé à la fois comme administratrice à l’Agence du revenu du Canada (ARC) et auparavant à la banque UBS.


Chez Revenu Canada


Susan McArthur a été administratrice chez UBS (Canada) de 2005 à 2009, nous a confirmé le porte-parole de la banque, en Suisse, Jean-Raphaël Fontannaz, en réponse à une question de notre Bureau d’enquête.


En août 2009, quelques mois à peine après son départ d’UBS, elle a été nommée à la tête du conseil de direction de l’ARC, l’équivalent d’un conseil d’administration pour l’Agence, selon un porte-parole. Ce conseil « est chargé de surveiller l’organisation et l’administration de l’Agence ». Il doit notamment conseiller le ministre du Revenu sur des questions de politique publique.


L’information selon laquelle Mme McArthur a été administratrice d’UBS était complètement absente du communiqué de l’ARC annonçant sa nomination.


Pourtant, quelques mois auparavant, toujours en 2009, des journaux canadiens, dont le Globe and Mail, avaient commencé à parler des ramifications canadiennes d’un énorme scandale impliquant la banque UBS.


Un lanceur d’alerte américain très connu, Brad Birkenfeld, avait envoyé des informations dès juillet 2008 indiquant que des Canadiens cachaient de l’argent chez UBS, en Suisse, a-t-il révélé en septembre 2017 à notre Bureau d’enquête. « Ni Revenu Québec ni Revenu Canada n’ont jamais cherché à me rencontrer », a-t-il dit.


Deux poids deux mesures


Birkenfeld s’est ainsi vu remettre 104 millions $ US par le fisc américain pour ses informations. En février 2009, la banque UBS a dû payer une amende de 780 M$ US aux États-Unis. Elle a dû remettre une liste de 4450 clients américains au gouvernement américain.


Contrairement aux Américains, le Canada n’a jamais accusé aucun client d’UBS d’évasion fiscale.


Les montants récupérés chez UBS, en grande partie par une procédure de divulgation volontaire, ont aussi été beaucoup plus modestes, proportionnellement, qu’aux États-Unis.


Alors que le gouvernement américain a pu récupérer 5 milliards $ US (6,4 milliards CAD) cachés, l’ARC disait en septembre 2017 avoir pu identifier 270 millions $ en « revenus non déclarés liés à la banque UBS ».


Situation aberrante


Selon la professeure de fiscalité et ex-candidate à l’investiture libérale fédérale dans St-Laurent, Marwah Rizqy, il est aberrant que l’ARC ait nommé en 2009 une ex-administratrice d’une banque alors mêlée à un scandale.


« Un conseil d’administration a des obligations de fiduciaire. Tu es censée savoir ce qui se passe dans ta cour. Si tu ne le sais pas, tu n’es pas une bonne administratrice », a-t-elle dit.


LE MINISTRE IGNORAIT SON RÔLE CHEZ UBS


Jean-Pierre Blackburn, qui était en 2009 ministre du Revenu, admet qu’il ignorait au moment de l’entrée en poste de Mme McArthur qu’elle avait travaillé à la banque UBS.


Le ministre est pourtant celui qui avait annoncé la nomination de Mme McArthur, en 2009, dans un communiqué.


« Si j’avais su, j’aurais posé des questions, je serais allé plus loin », a-t-il dit, joint par notre Bureau d’enquête. M. Blackburn nous a expliqué s’être fié à une recommandation de « la province de l’Ontario » pour cette nomination.


« Nomination politique »


L’administratrice Susan McArthur explique pour sa part avoir été placée à la tête du comité de direction de l’ARC à la suite d’une « nomination politique ».


« J’ai été une partisane de la première heure de [Stephen] Harper et son équipe cherchait des administrateurs qualifiés », a-t-elle répondu à une question de notre Bureau d’enquête, sur LinkedIn.


Mme McArthur nous a écrit que le conseil d’administration de la filiale canadienne d’UBS, où elle siégeait, n’était pas au courant « des enjeux d’impôts en Suisse de [la maison-mère] UBS ».


Au sujet de la lutte à l’évasion fiscale offshore à l’ARC, elle nous a écrit : « Je ne peux pas discuter de ce qui a été discuté au conseil de l’ARC, c’est confidentiel ».


Dans une entrevue à La Presse en août 2009, soit le même mois où Mme McArthur entrait en poste, Jean-Pierre Blackburn avait assuré « vouloir imiter les États-Unis dans l’affaire UBS ».


Il avait également dit qu’une rencontre aurait lieu « début septembre » 2009 avec la haute direction d’UBS, et que si UBS refusait de collaborer, le gouvernement canadien irait « en justice pour obtenir ces informations ».


Il n’y a finalement jamais eu de rencontre, nous a-t-il avoué au téléphone, cette semaine.