XIIIe Sommet de la Francophonie

Et maintenant? «Il faut penser français», dit Raffarin

Le Québec repart de Montreux avec une certaine reconnaissance du rôle des États fédérés

XIIIe Sommet de la Francophonie 2010 à Montreux



Le premier ministre québécois Jean Charest accueilli à Montreux samedi.

Photo : Agence Reuters Valentin Flauraud
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Le Devoir en Suisse (Montreux) — Jamais un sommet de la Francophonie n'avait affirmé avec une telle force que «la langue française constitue le creuset originel de la coopération et de la solidarité entre nos États» ni que «sa promotion est au cœur des missions de la Francophonie». Cela se transcrira-t-il en actions concrètes? C'est sur cette question que les centaines de participants et la quarantaine de chefs d'État et de gouvernement réunis depuis trois jours à Montreux se sont quittés hier.
Aussi étrange que cela puisse paraître, le XIIIe Sommet de la Francophonie qui s'est achevé hier à Montreux, en Suisse, n'était que le second de l'histoire (après celui de Québec en 2008) à traiter de l'avenir de la langue française. Il a notamment entériné la proposition québécoise d'un forum mondial de la langue française. Le premier de ces forums, qui se répéteront tous les trois ou quatre ans, se tiendra à Québec au printemps 2012.
Lors de la conférence de presse finale, le secrétaire général de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF), Abdou Diouf, qui a été réélu samedi, a souligné l'importance de ces forums qui seront «quelque chose de vivant, de vibrant, qui exprimera toutes les facettes du génie de notre langue». La proposition québécoise a aussi été soutenue par le représentant du président français, l'ancien premier ministre Jean-Pierre Raffarin, qui y voit «le souci de bien montrer qu'il faut penser français également en matière de recherche et dans le domaine scientifique». À ceux qui s'inquiètent de la mollesse de la France en matière de défense de la langue française, ce vieil ami du Québec rappelle qu'à son initiative, la France a créé des comités de vigilance afin de s'assurer que ses représentants parlent français dans les forums internationaux. «J'ai eu l'occasion de dire à MM. Trichet de la Banque centrale européenne, Lamy de l'OMC et Srauss-Kahn du FMI qu'ils ont été élus en grande partie par des responsables francophones qui attendent d'eux une expression en français.»
Après avoir créé à Bucarest (2006) un observatoire de la langue française et produit cette année un rapport sur l'état du français dans le monde, l'OIF affirme dans sa déclaration définitive son intention de se donner une véritable politique de promotion du français dès son prochain sommet, à Kinshasa, en 2012.
Les États fédérés
Le premier ministre québécois repartait hier de Montreux particulièrement fier d'avoir fait inscrire dans la déclaration définitive le rôle des États fédérés. La déclaration reconnaît en effet «le rôle des entités fédérées, des régions et des collectivités territoriales dans la mise en oeuvre des engagements internationaux touchant leurs secteurs de compétences».
Selon Jean Charest, il ne s'agit ni plus ni moins que de la «reconnaissance de la doctrine Gérin-Lajoie». Cette politique appliquée depuis les années 60, mais jamais acceptée par Ottawa, affirme que le Québec est libre d'agir à l'étranger dans tous ses domaines de compétences. Au sommet de Copenhague, en décembre dernier, le Québec avait tenté d'inclure un tel amendement dans la déclaration. Celle-ci est finalement tombée à l'eau. Selon un proche de Jean Charest, le texte adopté par l'OIF représente un précédent. «C'est une des premières fois qu'une déclaration internationale reconnaît aussi clairement le rôle des États fédérés», dit-il.
Jean Charest a aussi annoncé que, d'ici à 2012, le Québec présiderait un comité destiné à définir les critères d'adhésion des futurs membres de l'OIF. Ces critères pourraient inclure, par exemple, la nécessité de ratifier la convention de l'UNESCO sur la diversité culturelle ou de signer un pacte linguistique afin d'améliorer le statut du français. Six nouveaux observateurs ont été admis hier à l'OIF, dont les Émirats arabes unis.
Un siège pour l'Afrique
Le sommet a par ailleurs manifesté son soutien au président Nicolas Sarkozy, qui souhaite utiliser sa prochaine présidence du G8 et du G20 afin de réformer le Conseil de sécurité de l'ONU. Le président a exprimé sa volonté que les pays émergents, et tout particulièrement l'Afrique, y obtiennent une place. «En dehors de toute réforme de l'ONU, il faut donner un siège à l'Afrique», a d'ailleurs déclaré le président sénégalais, Abdoulaye Wade. Ni le premier ministre canadien ni le premier ministre québécois n'ont voulu dire si ce siège était prioritaire par rapport à celui qu'a récemment sollicité, en vain, le Canada.
En collaboration avec Haïti, le Québec a aussi présenté une résolution déclarant qu'Haïti était le «pays prioritaire de la Francophonie». «Nous voulons aider Haïti à se refonder, a déclaré Abdou Diouf. Nous allons mettre tous nos oeufs dans le même panier.» Cette résolution n'a rien d'un voeu pieux, selon Jean Charest. «Nous reconnaissons à quel point il faut mettre un effort extraordinaire dans la reconstruction d'Haïti. À mes yeux, l'élection qui vient sera un passage important pour que nous puissions donner à l'État haïtien des moyens de s'organiser.» Le Québec s'apprête à dépêcher à Haïti une équipe technique pour explorer la possibilité de créer une école de formation professionnelle. Il désignera aussi un représentant commercial sur place afin d'aider les entreprises québécoises à participer à la reconstruction.
Particulièrement effacé pendant ce sommet, le premier ministre canadien, Stephen Harper, a tout de même annoncé une aide d'un million de dollars afin de combattre le choléra en Haïti. Le Canada consacrera aussi 20 millions de dollars à des cantines scolaires. Le premier ministre canadien s'est ensuite envolé en catastrophe pour l'Ukraine, oubliant même de prévenir de ses points de presse les journalistes qui n'étaient pas dans sa suite.
Plusieurs observateurs se sont étonnés que l'OIF décide de tenir son prochain sommet en République démocratique du Congo au moment où il célèbre les dix ans de la déclaration de Bamako destinée à assurer l'État de droit et la démocratie parmi les pays membres. Le président Joseph Kabila, qui participait au sommet, a soutenu que son pays était «sur la voie de la consolidation de la paix et de la sécurité».
Ce sommet aura été marqué par l'absence notable de José Manuel Barroso, président de la Commission européenne, dont la responsable aux Affaires internationales, Catherine Ashton ne parle pas français. Pourtant, 15 des 27 pays membres de l'Union européenne sont membres de l'OIF. «Parfois, je me demande si nous sommes conscients de la force que nous représentons», s'était d'ailleurs demandé samedi le président Sarkozy.


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