Espace voilé

Défendre la laïcité ne signifie pas que l'on s'oppose à la liberté de religion et que l'on est raciste

Laïcité — débat québécois





La Commission Bouchard-Taylor se drape dans le voile de la liberté religieuse et prétend qu'on ne peut interdire le port du voile musulman sous prétexte que certaines femmes le portent librement. Quel manque de considération pour les femmes obligées de se voiler sous la contrainte! Ce sont des fillettes, déguisées en êtres inférieurs, qui intériorisent leur condition de servantes, confrontées à leurs frères du même âge qui, eux, intériorisent leur condition d'êtres supérieurs; ce sont des adolescentes qu'on isole des groupes des jeunes filles, à qui on refuse les plaisirs de la baignade, le droit de passer inaperçues si elles le souhaitent; ce sont toutes ces femmes à qui on interdit le droit de ne pas porter le drapeau de la religion, celui de s'intégrer comme elles le veulent et de fréquenter qui bon leur semble.
Les immigrantes ne sont pas libres quand elles ont une famille dans des pays appliquant la charia: elles craignent des représailles envers leurs proches restés à l'étranger. Le port du voile n'est pas un choix délibéré, mais le résultat d'une pression sociale. En fait, il ne représente que la pointe d'un iceberg et expose l'absence de droits dont sont privées les femmes. Si une loi n'interdit pas cette pratique, alors la pression sociale la rendra obligatoire. Les acquis des femmes ne sont pas coulés dans le béton! Rappelons que le port du voile dans les écoles et administrations publiques est interdit dans plusieurs pays à majorité musulmane, dont l'Indonésie et la Tunisie. Permettre le port du voile à l'école risque d'ouvrir la porte à d'autres pratiques existant dans le monde musulman, qui sont encore plus handicapantes pour les femmes.
On entend, ces derniers temps, dire que la liberté religieuse s'avère aussi importante que les droits des femmes. Mais la liberté pour une femme de ne pas suivre la religion de son mari, existe-t-elle? Comme cette liberté de religion qui permet à des femmes originaires du Moyen-Orient d'être mariées par leur famille à des inconnus: un petit voyage au pays et tu reviens, ma belle, épouse du meilleur homme qui soit que papa connaisse. Cette liberté de religion qui tolère la polygamie, même avec des mineures ou qui fait que des femmes se présentent infibulées ou clitoridectomisées chez le gynécologue, des femmes qui n'ont pas le choix d'avoir ou non des enfants. Toujours au profit des hommes, la supposée liberté de religion! Se fermer les yeux revient à autoriser l'exploitation de ces femmes.
Nous tenons donc à nous prononcer publiquement pour la laïcité complète de l'État, non que nous pensions que tous les problèmes en seront réglés, mais parce qu'au moins les abuseurs ne pourront pas se reposer sur l'État. Nous parlons ici d'une séparation réciproque où les institutions religieuses ne peuvent avoir d'influence sur l'État, et l'État ne peut avoir d'influence sur les Églises ou leurs croyants, sauf en tant que citoyens. La séparation des Églises, des religions et de l'État est une exigence essentielle au bon fonctionnement de la démocratie. Elle est garante du respect des principes de l'égalité et de la justice sociale. La laïcité des institutions civiles, telles que la justice et l'éducation, est nécessaire car elle rend possible la diversité sans le repli des communautés sur elles-mêmes.
Défendre la laïcité ne signifie pas que l'on s'oppose à la liberté de religion et que l'on est raciste. Soyons claires, d'abord la religion et la race sont des réalités différentes, ce que ne semblent pas comprendre des intervenants prétendument éclairés qui parlent des Musulmans comme s'il s'agissait d'une race. Cette confusion des termes alimente la controverse qui oppose le respect de la culture pour les uns et l'absence de droits pour les femmes migrantes que l'on prive de soutien. Or la laïcité ne veut pas interdire la religion mais la restreindre au domaine du privé.
Un autre message pervers circule à l'effet que l'on resterait, ici au Québec, immigrant sur plusieurs générations. Or, on n'est immigrant que durant la période d'attente de la citoyenneté. Lorsqu'on l'obtient, on devient Québécois au même titre que les autres Québécois. Ce vocabulaire, tendant à isoler, toute une vie, les immigrants et leurs descendants, relève d'une tentative de morceler le tissu social et non de le renforcer. Ainsi, le voile qui constitue un symbole d'appartenance religieuse et communautaire, nuit à la fois à la femme qui le porte, qui affiche une double séparation, et à l'unité et à la laïcité du pays. En fait, quelle place veut-on réserver aux femmes migrantes issues d'autres religions?
Le Parti Indépendantiste refuse les conclusions du Rapport Bouchard-Taylor et propose de donner au Québec une constitution de pays indépendant garantissant la liberté de culte, assurant la séparation de l'Église et de l'État, la laïcité de nos institutions et de l'espace public de même que l'abolition de tous les accommodements religieux. L'égalité homme-femme constitue un principe de base inébranlable de la société québécoise.
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Luce Cloutier, responsable du comité Programme du Parti Indépendantiste
Caroline Moreno, responsable des Communications du Parti Indépendantiste
Colette Provost, secrétaire générale du Parti Indépendantiste


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