En attendant le jugement Grenier sur Option Canada...

17. Actualité archives 2007

Texte également publié dans Le Devoir du 25 janvier 2007
Le juge à la retraite Bernard Grenier déposera son rapport d’enquête sur Option Canada le 31 mars prochain. Dans l’attente, il serait utile de rappeler ce que nous avons découvert dans la boîte de documents comptables de cet organisme, dont copie a été remise au Directeur général des élections du Québec, et dans notre propre enquête publiée en janvier 2006 sous le titre Les secrets d’Option Canada (Les Intouchables).
En voici un aperçu :
• Option Canada était un organisme occulte créé le 7 septembre 1995, à 53 jours du référendum. Cet organisme avait une caisse 5,2 millions $, soit l’équivalent du montant maximum permis aux camps du Oui et du Non pour l’ensemble de la campagne référendaire. Occulte, car le Directeur général des élections à l’époque, Me Pierre-F. Côté, ignorait son existence jusqu’à ce que The Gazette en révèle certains aspects le 20 mars 1997. Les principaux dirigeants d’Option Canada étaient Claude Dauphin, Jocelyn Beaudoin et René Lemaire.
• Selon la lettre d’envoi de la subvention adressée à Claude Dauphin, président d’Option Canada, le ministre du Patrimoine canadien, Michel Dupuy, enjoignait M. Dauphin à soumettre un rapport à Lyette Doré (précédemment responsable de la section «Études Spéciales» au Service canadien du renseignement de sécurité) sur les activités de l’organisme dans les mois suivant la fin du projet. Ce rapport n’a jamais été rendu public.
• On apprend des procureurs de la Commission Gomery et du rapport des juricomptables Kroll, Linquist Avey annexé au rapport Gomery (Qui est responsable? Vérification juricomptable) que l’argent venait de la Réserve pour l’unité canadienne. Il a transité par le ministère du Patrimoine canadien dans le cadre son Programme d’appui à la dualité linguistique dirigé par Lyette Doré. (Le rapport Kroll indique, par ailleurs, que, outre ces 5 millions $, Lyette Doré a géré, avant et durant le référendum, 8 millions $ au poste «Identité canadienne», 3 millions $ au poste «Unité – Communications» et 3,5 millions $ au poste «Identité canadienne Phase II», pour un total de 19,5 millions $.)
• La volonté des dirigeants d’Option Canada de violer la Loi québécoise sur les consultations populaires est clairement manifestée, notamment dans plus de 50 contrats signés avec des militants du Comité pour le Non portant sur la période assujettie à la Loi sur les consultations populaires, soit du 1er au 30 octobre 1995. Nos vérifications téléphoniques jumelées aux talons de chèque trouvés dans la boîte confirment qu’il y a eu violation flagrante de la loi. Ironiquement, le programme concerné s’appelait «Programme des valeurs canadiennes».
• Le Comité des Québécois pour le Non a pu faire doubler la visibilité de sa campagne pendant le mois référendaire grâce aux fonds d’Option Canada. Environ 3,5 millions des 5,2 millions $ ont été consacrés à la publicité, aux panneaux réclames, aux sondages et même à l’achat de tous les tie-wraps utilisés par le Comité pour le Non. La comparaison des factures envoyées à Option Canada pour ces postes budgétaires avec celles déposées officiellement au DGÉ par le Comité pour le Non démontre une coordination aux plus hauts niveaux. Certaines factures ont même été scindées afin, semble-t-il, de cacher le rôle d’Option Canada des éventuels vérificateurs du DGÉ.
• Des dirigeants du Comité pour le Non ne pouvaient ignorer l’existence d’Option Canada ni son rôle financier illégal pendant la campagne. Même la fête de la courte victoire du Non, le soir du 30 octobre, au Métropolis, a été entièrement payée par Option Canada. Lors de la sortie de notre livre, deux députés libéraux, Pierre Paradis et Norm MacMillan, ont reconnu que beaucoup de monde connaissaient l’existence d’Option Canada. Norm MacMillan a dit à The Gazette : «People were talking about Option Canada all over the place.»
Certains prétendent que le rapport Grenier ne concerne que les souverainistes. Rien n’est moins vrai. Il interpelle toute personne, au Québec ou au Canada, qui tient à vivre dans un État de droit où prime le respect de la démocratie et du droit des peuples de disposer librement d’eux-mêmes.
En entrevue, l’ancien Directeur général des élections du Québec, Me Pierre-F. Côté a déclaré : «J’arrive à la conclusion que nous sommes dans un État de demi-droit au Canada, parce qu’on n’a pas la capacité de faire observer notre législation référendaire qui est dûment adoptée, qui a une existence légale que personne ne peut attaquer…. Jusqu’où va-t-on aller pour bafouer la liberté des individus et d’un peuple finalement?»
La décision d’un peuple sur son avenir politique est sacrée. René Lévesque a dit en juin 1980 : «Ce droit de contrôler soi-même son destin national est le droit le plus fondamental que possède la collectivité québécoise.» Robert Bourassa a renchéri en juin 1990 : «Le Québec est aujourd’hui et pour toujours, une société distincte, libre et capable d’assumer son destin et son développement.»
Les magouilles d’Option Canada ainsi que la très possible complicité de dirigeants du Comité du Non, dont certains sont encore actifs en politique, jettent une ombre terrible sur les déclarations solennelles de ces deux anciens premiers ministres du Québec.
Espérons que le juge-enquêteur, M. Bernard Grenier, qui est investi du pouvoir d’aller au fond de cette histoire, permettra de rétablir la confiance de la population à l’égard du processus démocratique et de créer les conditions qui empêcheront la répétition des événements disgracieux et illégaux de 1995.
Normand Lester et Robin Philpot
Journalistes*
*Auteurs du livre «Les secrets d’Option Canada» (Les Intouchables, 2006) à l’origine de l’enquête du juge Grenier


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