Élections provinciales?

Risqué de déclencher des élections provinciales?

Élection Québec - 8 décembre 2008


La campagne électorale fédérale n'était pas encore terminée que les observateurs s'interrogeaient déjà sur la possibilité que Jean Charest déclenche des élections provinciales pour tirer profit du regain de popularité de son parti et de sa personne depuis le revers qui l'a réduit à un statut minoritaire l'an dernier.
S'il n'y avait pas eu d'élections fédérales, il aurait été très tentant pour lui d'aller aux urnes dès cet automne. Son gouvernement est populaire, il mène dans les sondages et les perspectives économiques seront probablement moins bonnes avec le temps. Mais Stephen Harper a pris tout le monde de court et plongé le pays en campagne électorale. Le créneau temporel pour la tenue d'élections provinciales a été réduit, mais non éliminé. Il reste possible de tenir des élections provinciales au début de décembre. Plusieurs gestes récents du premier ministre laissent penser que cette option le tente.
À l'encontre de ce scénario, une objection majeure : n'est-il pas risqué, après cinq semaines d'une campagne fédérale passablement hargneuse et négative, d'inviter les Québécois à retourner aux urnes? Et si l'électorat, souffrant d'une surdose de publicité politique et de débats électoraux, en voulait à Jean Charest de prolonger le supplice pour le restant de l'automne, au point de lui infliger un revers?
Précédents historiques
Cette question figurera sans doute parmi les considérations que soupèseront le premier ministre et son entourage au cours des prochains jours. Mais à en juger par les précédents historiques, le risque d'une rebuffade basée sur ce seul motif paraît plutôt mineur.
Quatre premiers ministres québécois ont cédé à cette tentation par le passé. En 1900 et en 1904, S.-N. Parent déclencha des élections dans la foulée d'élections fédérales, dans l'espoir évident de tirer profit des succès de Laurier au Québec. Son parti remporta d'énormes majorités.
Alexandre Taschereau tint des élections six semaines après les élections fédérales de 1935 et fut également réélu. On objectera que sa majorité fut fortement réduite mais, en contexte de dépression économique, ce recul n'avait rien d'étonnant.
Enfin, Jean Lesage convoqua les électeurs aux urnes pour une date (14 novembre 1962) postérieure de cinq mois au scrutin fédéral du 18 juin, et fut également réélu avec une majorité accrue.
Quid des autres provinces? Depuis la Confédération, on peut repérer hors Québec 20 élections provinciales tenues moins de six mois après des élections fédérales. Dans tous les cas sauf un, le gouvernement sortant fut réélu.
Si l'on ne veut retenir que les cas les plus pertinents, soit les huit scrutins tenus moins de trois mois après des élections fédérales, donc durant la même saison que celles-ci, on ne trouve toujours qu'une seule défaite : celle des libéraux-progressistes au Manitoba en 1958, après un règne de 36 ans qui commençait à paraître bien long.
Rien n'indique d'ailleurs que les électeurs en aient voulu au gouvernement sortant pour les avoir plongés en élections : les précédentes avaient eu lieu cinq ans auparavant et il n'était pas possible de faire autrement.
Conclusion : pas mal de premiers ministres provinciaux par le passé ont pris le risque d'aller aux urnes dans la foulée immédiate d'élections fédérales, et ce choix n'a pas fait boomerang. Le moins que l'on puisse dire, c'est que l'électorat adopterait une attitude tout à fait inédite en châtiant le gouvernement Charest pour le simple motif d'avoir déclenché des élections si tôt après une campagne fédérale.
Cette considération ne mérite probablement pas de retenir l'attention trop longtemps dans les calculs des stratèges du gouvernement.
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Louis Massicotte, titulaire de la Chaire de recherche sur la démocratie, Université Laval


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