La vraie histoire des paiements de péréquation

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C'est le fédéralisme le plus centralisateur qui nous a imposé la péréquation pour compenser la perte des pouvoirs de taxation provinciaux


Le 18 août, devant les membres de la relève de son parti, le premier ministre François Legault a fait la déclaration suivante : « Quand le Québec a choisi en 1867… Ou en tout cas, quand il est embarqué dans le Canada, il était prévu qu’il y aurait de la péréquation. Ça fait partie du deal original. On ne peut pas changer le deal original. »


L’exactitude de ce raccourci historique pour le moins original a été immédiatement mise en doute par des médias aussi différents que Le Journal de Québec et The Gazette. Une convergence plutôt rare, on en conviendra. Et le premier ministre de l’Alberta a dû prendre un malin plaisir à lui donner une leçon d’histoire.


Il n’y a pas une ligne, en effet, dans ce que M. Legault appelle « le deal original », sur le fait que le gouvernement fédéral avait le devoir de verser aux provinces les plus pauvres, et seulement à celles-ci, des subventions inconditionnelles leur permettant de financer des services publics de qualité équivalant à ceux offerts dans les provinces plus riches.


La Constitution de 1867 prévoyait le versement par le fédéral à toutes les provinces, et non seulement aux plus pauvres d’entre elles, d’une subvention leur permettant de faire fonctionner leur appareil législatif et gouvernemental. Ce n’était que justice, puisque celles-ci venaient de perdre au profit du fédéral bon nombre de leurs sources de financement traditionnelles, comme les droits de douane. Et surtout, ça n’avait rien à voir avec les paiements de péréquation d’aujourd’hui.


Si elle n’était pas dans « le deal original », d’où vient alors la péréquation ? Ironiquement, elle trouve sa source, et son soutien le plus sûr, dans deux documents perçus au gouvernement du Québec comme des horreurs sans nom, soit le rapport Rowell-Sirois de 1940 et la Loi constitutionnelle de 1982.


Durant les années 1930, le pays, comme l’ensemble du monde occidental, a connu le pire cataclysme économique de son histoire. Certaines provinces ont alors été frappées avec une dureté difficile à imaginer. Par exemple, la Saskatchewan, alors troisième province canadienne par sa population, a vu ses revenus chuter de moitié entre 1933 et 1937. Les disparités régionales apparaissaient en pleine lumière et se creusaient.


Il fallait faire quelque chose. La commission Rowell-Sirois a lancé l’idée des paiements de péréquation, qui s’est finalement concrétisée en 1957, par une simple loi fédérale qui n’était aucunement enchâssée, et pouvait donc être abrogée n’importe quand.


C’est seulement en 1982 que les paiements de péréquation ont fait leur entrée dans la Constitution, sans d’ailleurs faire beaucoup de bruit. Ironiquement, ce deal-là a été appuyé par des provinces qui ne reçoivent actuellement aucun paiement de péréquation et récusé par la province qui en reçoit — et de loin — le plus !


C’était une idée fixe de Pierre Elliott Trudeau, qu’on retrouvait dès la Charte de Victoria de 1971, à laquelle le Québec a donné la réponse que l’on sait. L’article 36 de la loi de 1982 a pérennisé le principe de ces versements, sans bien sûr en garantir le montant. L’opposition de quatre provinces suffirait aujourd’hui à tuer toute mesure visant à les abolir.


François Legault rêve « d’affranchir » le Québec des paiements de péréquation (on a déjà vu des servitudes bien pires…). Jason Kenney le prend au mot en brandissant le spectre d’un référendum permettant aux Albertains d’en demander l’abolition. Aussi bien le dire tout de suite, il s’agira d’un référendum bidon auquel les autres provinces, redevables à des électorats bien différents, ne seront nullement obligées de répondre favorablement. Imaginez simplement la réponse qui serait donnée au Québec et dans les Maritimes à un éventuel contre-référendum proposant de maintenir la péréquation !









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