Élections générales au Québec! Fédéralistes contre indépendantistes, conservateurs contre multiculturalistes, la Belle Province vivra au rythme des débats jusqu’au scrutin du 1er octobre prochain. Enjeux du scrutin, forces en présence, Sputnik brosse le portrait d’une province qui entre en ébullition.
Le Québec n'est pas à la croisée des chemins, mais à la fin d'un chemin…
Le 1er octobre prochain, les Québécois se rendront dans les bureaux de vote pour élire un nouveau gouvernement et pour la première fois dans l'histoire récente, l'indépendance de la Belle province ne sera pas un enjeu électoral.
Certes, quelques candidats et chroniqueurs évoqueront la question, mais elle ne sera pas réellement prise au sérieux par la population, qui s'intéresse plutôt à l'éventualité pour le Parti libéral du Québec (PLQ) de perdre le pouvoir.
Cette réalité s'explique surtout par le long déclin du mouvement souverainiste québécois, amorcé il y a plus de 10 ans. Les Québécois, dans leur ensemble, se montrent de moins en moins favorables à l'idée de séparer leur État de la fédération canadienne, un grand rêve d'autonomie qui est né à la fin des années 1960.
Ce déclin se traduit par des chiffres. En 1995, lors du deuxième référendum sur la souveraineté, les indépendantistes avaient récolté 49,5% des suffrages, une défaite que plusieurs n'ont jamais digérée tellement la victoire était proche. Aujourd'hui, l'idée d'indépendance oscille entre 30 et 35% dans les sondages.
Les souverainistes hors-jeu
Le manque d'intérêt pour le projet souverainiste se manifeste aussi par le nombre toujours plus bas d'appuis que récolte son principal vecteur politique, le Parti québécois. Pour certains analystes, ce phénomène est d'abord générationnel: les jeunes seraient moins favorables à l'indépendance que leurs aînés.
C'est en tout cas une autre première dans l'histoire du Québec moderne: le Parti québécois ne sera pas considéré comme une grande force politique lors de cette campagne… à moins d'un revirement majeur.
C'est pourquoi la prochaine élection devrait principalement opposer deux partis fédéralistes: le Parti libéral du Québec (PLQ) et la Coalition Avenir Québec (CAQ). Cette dernière est favorite remplacer le Parti libéral le 1er octobre. Si la tendance se maintient, la CAQ devrait former un gouvernement majoritaire, ce qui signifie qu'elle devrait faire élire assez de députés pour diriger seule la province.
Une bataille politique qui ressemble un peu pour les Québécois à la querelle des Anciens et des Modernes, puisque la CAQ a été fondée en 2011 alors que le Parti libéral est le plus vieux parti politique au Québec. Fondé le jour même de la fondation du Canada, le 1er juillet 1867, le PLQ fait partie du paysage politique depuis environ 150 ans. Ses adversaires rappelleront probablement son âge pour convaincre les Québécois de sa désuétude.
Pour de nombreux observateurs, le PLQ est usé par le pouvoir, il aurait fait son temps. De plus, cette formation politique a été impliquée dans plusieurs scandales de corruption ces dernières années, ce qui n'a pas amélioré son image.
De son côté, la CAQ ne peut se prévaloir d'aucune expérience de gouvernement, n'ayant jamais gouverné la Belle Province, à l'inverse du PLQ.
Mais ce qui distingue surtout les deux partis, c'est évidemment leur vision même du Québec. Contrairement au parti au pouvoir qui prône le multiculturalisme, la Coalition Avenir Québec s'inscrit dans un courant plus conservateur. Le PLQ prône un multiculturalisme décomplexé, alors que la Coalition se veut plus nationaliste, au sens québécois du terme. La CAQ ne prône pas l'indépendance du Québec, mais elle dit vouloir protéger la culture et les valeurs des Québécois.
Fédéralistes multiculturalistes contre fédéralistes conservateurs
Les Libéraux comptent sur l'immigration pour développer économiquement le Québec, alors que la CAQ veut baisser les seuils d'immigration. Le chef de la Coalition, François Legault, s'est engagé à faire baisser le nombre d'immigrés reçus annuellement au Québec: ils seraient censés passer d'environ 52.000 à 40.000 si la CAQ remportait l'élection.
Il est très probable que la question de l'immigration sera soulevée durant cette campagne, même si les chefs des partis disent vouloir se concentrer sur l'économie, la santé publique et l'éducation. Il faut dire que le contexte y est favorable partout en Occident.
L'immigration, thème non officiel de la campagne
Les chances que cet enjeu émerge sont très bonnes, d'autant plus que le Québec accueille depuis quelques mois des migrants illégaux sur son territoire. Selon les plus récentes données du gouvernement fédéral, 12.378 migrants ont été interceptés par les autorités de janvier à juillet 2018. La grande majorité des migrants arrivent en territoire québécois.
Autre preuve que cet enjeu pourrait être déterminant: quelques jours avant le début de la campagne, la CAQ a annoncé qu'elle défendrait la laïcité si elle était portée au pouvoir. M. Legault veut bannir le port de signes religieux pour les personnes en position d'autorité comme les juges et les enseignants, une position qui va à l'encontre du multiculturalisme. Certains y ont vu le déclenchement des hostilités…
En raison des positions plus nationalistes de son adversaire, le Premier ministre actuel, Philippe Couillard, l'a souvent accusé de xénophobie, ce qui n'est pas passé inaperçu. En 2016, le Premier ministre avait directement associé la CAQ aux mouvements dits d'extrême droite en Europe.
Après des décennies de bataille politique autour de l'indépendance du Québec, les enjeux se sont donc déplacés et les lignes de fracture traversent maintenant la famille fédéraliste. À ce titre, le Québec est à la fin d'un cycle historique, ce qui donne à cette élection une saveur particulière.
Cependant, il ne faudrait pas sous-estimer le rôle des deux autres partis dans la course, le Parti québécois et Québec solidaire. Le premier est le grand parti historique de l'indépendance du Québec, comme nous l'avons dit, alors que le deuxième représente essentiellement la gauche multiculturaliste.
Même si leurs poids électoral est moins important, des rebondissements sont toujours possibles. L'électorat se montre de plus en plus imprévisible.