Élections 2008 : mobilisation exceptionnelle des artistes

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Harper et la culture




Depuis que les élections ont été déclenchées, le milieu culturel fait beaucoup de bruit. Et ce sont les coupures dans des programmes destinés à la culture qui ont créé ce mouvement de solidarité.

Photo Patrice Laroche, Le Soleil
Nathaëlle Morissette - Ils sortent dans la rue. Ils se prononcent dans les journaux. Ils signent des pétitions. Plutôt discrets au cours des deux dernières décennies, les artistes ont décidé de se mobiliser et de sauter à pieds joints dans la présente campagne électorale fédérale, mais rien ne dit qu'ils convaincront les électeurs de bouder le Parti conservateur.


Gilles Vigneault, Raymond Bouchard, Christian Bégin et bien d'autres personnalités publiques ont pris le micro pour dénoncer les politiques du gouvernement de Stephen Harper. La cinéaste Anaïs Barbeau-Lavalette (Le ring) et le comédien et cinéaste Émile Proulx-Cloutier ont même décidé de tourner des clips intitulés «30 secondes contre Harper».
Phénomène plutôt inhabituel: depuis que les élections ont été déclenchées, le milieu culturel fait beaucoup de bruit. Mais alors que dans les années 70, les artistes unissaient leurs voix pour promouvoir la souveraineté, aujourd'hui ce sont les coupes dans des programmes destinés à la culture qui ont créé ce mouvement de solidarité.
«Au fédéral, on n'a pas vu ce genre de chose souvent, souligne l'ex-ministre de la Culture et du Patrimoine, Liza Frulla, en parlant de ce vent de protestation. C'est totalement inusité.» Cette ancienne députée libérale rappelle d'ailleurs que les artistes du Canada anglais manifestent eux aussi leur colère. Plusieurs se sont en effet réunis cette semaine en marge du Festival international du film de Toronto pour demander aux partis politiques d'inclure dans leur programme des mesures à long terme pour assurer le financement des arts.
«Il est certain que les compressions (faites par le ministère canadien du Patrimoine) ont donné beaucoup d'énergie aux artistes, poursuit Jean-François Lisée, directeur exécutif du Centre d'études et de recherches internationales (CERIUM). En fait, c'est le gouvernement conservateur lui-même qui a fabriqué ce mouvement.»
Depuis le mois d'août, le ministère du Patrimoine, sous la houlette de Josée Verner, a réduit de 45 millions de dollars les budgets de 13 programmes destinés à la culture, qui servaient notamment à épauler le rayonnement des artistes canadiens à l'étranger.
Ces décisions ont soulevé l'ire des artistes. Certains, comme le comédien Raymond Bouchard, a martelé le même message sur toutes les tribunes: «Ne votez pas pour les conservateurs.»
Au lieu de défendre une cause sociale comme la question nationale ou l'environnement, les artistes sont là pour défendre leurs propres intérêts, souligne Raymond Montpetit, professeur au département d'histoire de l'art de l'UQAM. «Ils font comme tout citoyen qui se fait enlever quelque chose auquel il a droit, ajoute-t-il. En fait, je trouverais assez bizarre qu'ils ne sortent pas.»
Sujet vendeur?
Par ailleurs, bien qu'ils crient haut et fort leur indignation, les artistes peuvent-ils vraiment influencer les électeurs le jour du vote? Dans une entrevue qu'il accordait à La Presse la semaine dernière, l'acteur Raymond Bouchard en doutait, soutenant que la culture n'est pas «payante» pour les partis politiques.
«Ce n'est pas un sujet de préoccupation pour les gens», estime Jean-Paul Lafrance, politologue à l'UQAM, spécialiste en industrie culturelle. La population en général se soucie davantage de santé ou d'éducation, croit-il.
L'ex-ministre Liza Frulla abonde dans son sens. «On ne gagne pas et on ne perd pas une élection sur la culture, dit-elle. La culture ça ne touche pas tout le monde de la même façon. Sauf que, si ceux qui prennent le micro le font de façon très réaliste, ça va attirer l'attention.» Les artistes pourraient rallier les gens à leur cause s'ils trouvent des arguments qui les touchent, ajoute Jean-François Lisée. «Par exemple, illustre-t-il, s'il est question de couper le budget de Patrick Huard pour la réalisation de Bon cop, Bad cop 2, par exemple, ça c'est gagnant.»


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