Semaine 2

Élection québécoise 2012 (10)

Tribune libre

Enfin, la semaine 2, avec du retard. Je pensais que ça irait plus vite que ça. Mais, comme je le disais, il faut surtout lire ces textes dans une perspective historique. Dans la mesure, cependant, où nous nous dirigeons vraisemblablement vers une autre élection au cours de la prochaine année, un peu plus-un peu moins, les travailleurs d'élections pourront y trouver une source d'information d'utilité immédiate fort utile.
* Revue de la semaine
Après une semaine de campagne, aucun des trois partis dominants ne s'était détaché des deux autres dans les sondages. Les résultats d'une enquête CROP-Le Soleil-La Presse donnaient le PQ en tête à 32 %, suivi du PLQ à 29 %, de la CAQ à 21 %, de QS à 8 %, des Verts à 3 % et d'ON à 2 % (S-10-8-12, p., 2). Grosso modo, donc, le PQ et le PLQ se retrouvaient plus ou moins à égalité statistique. Mais, pour Jean Charest, c'était la précarité statistique. Un sondage Segma-La Tribune-NRJ/Rouge, qui donnait l'impression d'avoir été réalisé sur le campus de l'Université de Sherbrooke, plaçait en effet le premier ministre deuxième dans son comté, à 31 %, derrière le péquiste Serge Cardin qui, lui, réunissait apparemment 46 % des intentions de vote. Les autres candidats, eux, trottinaient à des lieux statistiques des meneurs. Le seul bloc d'électeurs solidement derrière M. Charest était celui des 65 ans et plus, selon les données du sondage toujours (S-10-8-12, p., 3). Pis encore pour le chef libéral, l'enquête CROP voulait que l'intégrité fût la qualité première que viserait l'électorat dans l'exercice de son droit de vote, à 37 %. Dans une proportion moindre, à 23 %, on espérait un gouvernement responsable. L'habilité à maintenir la stabilité économique suivait à 20 %. Enfin, on était à peu près aussi nombreux à souhaiter un gouvernement capable d'apporter le changement, à 19 % (S-8-12, p., 2). Mais, tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir. D'abord, le fameux sondage Segma qui mettait le premier ministre en difficulté dans son comté reposait sur une enquête effectuée auprès de 501 répondants seulement. On pouvait donc penser qu'il n'avait pas nécessairement été commande par l'Amicale des inconditionnels de Jean Charest. Ensuite, l'étude CROP, mieux appuyée, indiquait que 26 % de l'électorat voyait toujours en M. Charest le meilleur candidat au poste de premier ministre, devant Pauline Marois à 25 % et François Legault à 22 % (S-10-8-12, p., 3). La grande question était de savoir si la CAQ continuerait de progresser et, dans l'affirmative, au dépens de qui.
En fait, tout était encore susceptible de se produire. À l'échelle nationale, 55 % de l'électorat affirmait avoir fait un choix définitif, ce qui laissait un taux d'incertitude de 45 %. D'ailleurs, aucun parti n'était vraiment assuré de ses propres appuis. Au PQ comme au PLQ, le vote était sûr à 60 %. Du Côté de la CAQ, cependant, seulement 38 % des répondants affirmaient que leur décision était arrêtée de façon définitive, selon l'enquête CROP toujours (S-10-8-12, p., 2).
L'effet Duchesneau n'était donc pas nécessairement blindé. À tout événement, pour ajouter à la volatilité de la situation, une enquête Léger Marketing voulait que 87 % de l'électorat était insensible aux sondages lorsque venait le temps de glisser son bulletin de vote dans la boîte (J10-8-12, p., 2). Manifestement, l'élection était toujours en jeu. Et, un coup de théâtre pouvait toujours faire basculer la tendance qui se développait. La Société Radio-Canada s'acharnerait-elle, par exemple, à scruter le placard des vieilles connaissances de M. charest? M. Duchesneau s'entêterait-il à vouloir nommer des ministres? Un pur et dur allait-il donner un os aux éditorialistes de La Presse? Les trois chefs étaient sur la corde raide. Et, pour deux d'entre eux, il n'y avait pas de lendemain.
Alors, il était à prévoir que tous essaieraient d'y aller avec la prudence que commandaient les circonstances. Autrement dit, personne n'était susceptible de tenter une échappée spectaculaire à moins d'une ouverture exceptionnelle en ce sens. Jean-Martin Aussant, par contre, n'avait rien à perdre à prendre un risque significatif. En fait, il avait tout à gagner à se tailler une place à la table des débats qui n'étaient alors plus que quelques jours en avant. Le chef d'ON envisageait donc de s'adresser aux tribunaux pour forcer les grands réseaux à l'inviter aux hostilités (D-9-8-12, p., A-4). Les gros joueurs, eux, s'en tiennent aux exercices de réchauffement. On verra donc le PQ abattre des cartes sûres comme le rapatriement de l'assurance-emploi et la suggestion d'un droit de veto sur la nomination des juges à la Cour suprême, truffée de juges ignorants de la réalité québécoise et peu attentifs aux intérêts de la province.(J-9-8-12, p., 6; D-10-8-12, p., A-2). Mais, pour le parti, il s'agit-là d'un passage obligé. À peu près tout le monde s'attend à ce qu'il tienne ce langage-là. Jean Charest, lui, est toujours d'avis que l'on ne perd jamais à distribuer des crédits d'impôt. Le contribuable aura donc droit à un crédit de 10 % sur un placement maximal de 5 000 $ dans un fonds Plan Nord détenant des participations dans des sociétés du secteurs des ressources naturelles exploitant dans le cadre de la mise en oeuvre du Plan. Évidemment, cela aurait vraisemblablement pour effet d'entamer les redevances déjà maigres que tirera le Québec des ressources du Nord, sauf resserrement éventuel du régime du régime fiscal applicable à ces sociétés. Mais, pourquoi s'empêtrer dans les détails en campagne électorale? Quelques contribuables au moins bénéficieront du plan Nord.
Pauline Marois, elle, préfère laisser la distribution de crédits d'impôt aux plombiers de la politique. Comment, en effet, peut-on manquer d'envergure au point de ne pas voir l'opportunité que représente le dossier Astral? Un gouvernement péquiste s'appliquerait donc à constituer un fonds de défense des «fleurons inc.» québécois, à même l'actif de la Caisse de dépôt. Et, l'arsenal mis à sa disposition ferait dix milliards $. À première vue, donc, l'idée semble avoir du chien. Et, François Legault croyait qu'elle lui appartenit en exclusivité. Alors, le voilà qui «tweet» une accusation voulant que la chef péquiste ait plagié son programme(D-8-12-A-3). Il faut espérer que quelqu'un quelque part aura un jour l'idée de protéger la Caisse contre ceux qui veulent l'utiliser pour «protéger« les «fleurons inc.» québécois. À tout événement, réflexion faite, M. Legault n'insiste pas. Il y voit probablement du réchauffé. Il risque donc une échappée du côté de l'éducation. Il est grandement temps, donc, que quelqu'un s'intéresse à la réussite des jeunes et pour cela, il y a une recette: rendre l'école «le fun». Un gouvernement caquiste allongerait donc de cinq heures la semaine des élèves de niveau secondaire. Mais, ce serait pour leur permettre de participer à des activités sportives et culturelles. Et, le génie de l'idée est qu'elle permettrait également de faciliter la difficile conciliation entre la vie de famille et le travail (D-10-8-12, p., A-5). Dans les cours de récréation de la Nation, on ne la trouve cependant pas «le fun». «Pas le vendredi» répondra une élève irritée à un journaliste qui lui demandait son opinion sur la mesure envisagée...
Mais, il faut se garder de mettre tous les étudiants dans le même sac. Au cégep André Laurendeau, par exemple, on vote sagement le retour en classe (D-10-8-12, p., A-4). Le «Printemps» québécois glisse dans l'oubli. Heureusement, Gabriel Nadeau-Dubois sort de l'expérience sans s'être fait trop d'ennemis en hauts lieux. Jean Charest l'assure du fait qu'il n y avait rien de personnel aux coups durs qu'il a pu lui servir au cours de la crise étudiante. Bon prince lui aussi, François Legault lui souhaite bonne chance dans la poursuite de ses ambitions professionnelles (D-10-8-12, p., A-4). Et, il faut probablement les croire, Gabriel. Mais, ne t'avise pas de recommencer lorsque tu seras dans la trentaine. On te pardonneras alors beaucoup moins spontanément de t'être mis en délicatesse avec le système.
Françoise David, elle, a dépassé la trentaine et elle s'est mise en délicatesse avec le PQ. Mais, elle est toujours prête à donner une chance à la diplomatie. Alors, oui, elle entrevoit une victoire péquiste...minoritaire. Mais, elle appuiera toute mesure progressiste, souverainiste et écologique que voudra bien proposer un tel gouvernement. Il en va «du gros bon sens», explique-t-elle. Au PQ, cependant, on aurait préféré que Mme David montre le «gros bons sens» de ne pas se présenter dans Gouin. Allez Françoise, allonge quelques dollars et fais l'acquisition de How to Win Friends and Influence People (Dale Carnegie)...
À tout événement, l'aventure aura au moins valu aux gens du comté de faire plus ample connaissance avec Mme Marois. La chef péquiste se fera en effet un devoir de visiter la circonscription de Mme David aussi régulièrement que s'il s'agissait de la sienne.
En fait, la campagne commençait à prendre son élan. Et, s'il est une indication du fait que les choses devenaient sérieuses, c'est bien l'apparition des premières publicités télévisées. Après un peu plus d'une semaine de campagne, donc, la politique entrait dans les chaumières de la Nation. Au PLQ, on choisira d'envoyer Jean Charest seul à l'écran. Dans un contexte neutre, le chef libéral y déballe les trois grandes priorités de son parti: l'emploi, le Plan Nord et l'équilibre budgétaire. On notera que les stratèges libéraux ont laissé M. charest seul à l'écran, malgré son impopularité notoire. Il faut bien admettre qu'il n'y aurait pas eu grand avantage à le montrer entouré de son...équipe, autrement que pour le cacher. Au PLQ, Jean Charest est seul au volant. Les stratèges péquistes, eux, choisiront de...cacher Mme Marois. Il est difficile de voir-là autre chose qu'une manifestation plus ou moins discrète du facteur M. Quoiqu'il en soit, dans un des deux messages péquistes, le téléspectateur regarde un travailleur minier qui, à la la vue d'un camion déversant quelques cailloux seulement, se demande: «C'est-tu juste ça qui nous reste?», en lien avec les redevances minières anorexiques exigées par le gouvernement québécois sur les richesses naturelles de la province. Dans l'autre message, on aperçoit une infirmière en visite chez une aînée. À la CAQ, enfin, le chef François Legault occupe l'écran entouré de son équipe, avec Jacques Duchesneau et Gaétan Barrette à l'avant-scène. Il rappelle l'urgence de «faire le ménage». Et, non, M. Duchesneau n'essaie pas de pousser M. Legault hors champ...(S-11-8-12, p., 20)
Sur le terrain, les choses commencent à bouger. La rumeur veut que la clientèle francophone du PLQ ait amorcé un mouvement de migration vers la CAQ. Mais, étant donné les assises squelettiques du PLQ au sein de cet électorat, il ne peut de toute évidence s'agir d'un mouvement diluvien. Qu'importe, les libéraux ne sont pas vraiment dans une situation leur permettant de donner dans la prodigalité; le PQ non plus, d'ailleurs (D-11-8-12, p., B-1). François Legault deviendra donc la cible des attaques de ses deux adversaires. Et, pour Pauline Marois, l'heure n'est pas à la tergiversation. Alors, la voilà qui puise au vocabulaire électoral de Stephen Harper. François Legault fait donc des promesses «broche à foin» ( On se rappellera la coalition «broche à foin» de l'élection fédérale de mai 2011). Au PLQ, on se montre plus jaloux de l'autonomie provinciale. François Legault devient donc un comptable «qui ne sait pas compter» (D-11-8-12, p., A-3). Mais, toutes ces insultes glissent inexorablement vers le néant sur le rail de la confiante indifférence du chef caquiste. Ces vaines calomnies ne sont en fait que la preuve indiscutable du fait que nos affaires vont bien, expliquera M. Legault.
Mais, Pauline Marois est une politicienne d'expérience. Alors, elle est capable de regarder les faits en face. Ses appuis stagnent. Ceux des libéraux donnent l'impression d'être en fonte accélérée. Et, la CAQ a apparemment le vent dans les voiles. La chef péquiste tente donc une échappée du côté de l'électorat anglophone. Mais, y-a-t-il suffisamment de miel sur la tartine qu'elle leur tend? Oui, elle est «intéressée» au vote des Anglo-Québécois. D'ailleurs, pourquoi ne lui feraient-ils pas confiance? Le PQ n'a-t-il pas toujours eu une attitude «exemplaire» à l'égard de la communauté anglophone? Mieux encore, elle entend bien «continuer dans la même direction». Malheureusement,il y a cette histoire de référendum que l'on juge peu...exemplaire, dans l'ouest de Montréal. Mais, non, vous n'y êtes pas. Le référendum, c'est une toute autre histoire. Vous n'aurez qu'à voter non en temps et lieu, explique la chef péquiste. Pour l'instant, il importe surtout de remplacer le gouvernement usé et corrompu de Jean Charest par un bon gouvernement (D-11-8-12, p., A-3). La tartine péquiste ouvrira-t-elle l'appétit des Anglo-québécois? On peut en douter. Le problème de Mme Marois, c'est que le PLQ et la CAQ sont beaucoup plus exemplaires que le PQ avec les anglophones. Et, avec eux, il n'est pas question du fiel référendaire; il n'y a que du miel. Malgré les efforts de la chef péquiste, donc, la communauté anglophone risquait bien de...«continuer dans la même direction» (D-11-8-12, p., B-3).
Si la campagne péquiste devait éventuellement décoller, elle allait devoir trouver un autre tremplin. En réalité, la caravane du PQ donnait l'impression de piétiner. Cela s'expliquait en partie du fait que Mme Marois avait entrepris la course en Gaspésie, loin des projecteurs de la presse nationale. Mais, cela était également dû au fait que le PQ faisait campagne sous le signe de la prudence, tout come le PLQ, d'ailleurs. À l'opposé, François Legault dirigeait la sienne tambours battants. Et, il commençait à accumuler les annonces flamboyantes. Il proposera donc d'abolir les crédits d'impôt aux entreprises, ce qui permettrait d'augmenter de deux milliards $ la force de frappe d'Investissement Québec. Il faut cesser de créer des emplois à 10 $ l'heure et multiplier les emplois à 20 $, 30 % et 40 $ l'heure, s'emportera-t-il en faisant son annonce. Le problème, M. Legault, c'est que nos «créateurs de richesse» ont passé les trente dernières années à expédier nos emplois à 20 $, 30 $ et 40 $ l'heure en Chine afin, justement, de les remplacer par des emplois à 10 $ l'heure. Mais, le chef caquiste ne vit pas dans le passé. Il y aura donc un «compteur» sur son bureau afin de mesurer les résultats obtenus par IQ. Si M. Legault n'arrête pas l'exode des entreprises vers les États à main-d'oeuvre esclavagiste, son compteur risque de scintiller au rouge. Et, les outils pour le faire sont à peu près tous à Ottawa (D-11-8-12, pp., A-3).
À tout événement, Pauline Marois est au coude à coude avec François Legault sur le sentier des promesses, en nombre du moins. Mais, il lui arrive de donner dans le recyclage. La taxe santé de 200 $ sera donc abolie dans la première année d'un guvernement péquiste. Et, la facture, évaluée à un milliard $, sera en principe réglée par les contribuables gagnant plus de 130 000 $ annuellement. Le Le reste viendra d'une augmentation de l'impôt sur les gains en capital et les dividendes. (D11-8-12, p., A-5).
Jean Charest observe cette débauche de prodigalité dans la consternation. Il évalue les promesses de la CAQ à 4,5 milliards $ depuis le début de la campagne. Heureusement, celles du PLQ ne font que 412 millions $, s'il faut en croire le PLQ. Le PQ, lui, chiffre les siennes à 382 millions $ (D-11-8-12, p., A-3).
Selon les calculs avancés par le Journal de Québec, le montant total des promesses des trois partis dominants après un peu plus d'une semaine de campagne s'élevait à 23,7 milliards $, dont 6,2 milliards $ en dépenses nouvelles (J-11-8-12, p., 41). Si la tendance devait se maintenir, on imagine la consternation après 35 jours de campagne. (Le lecteur trouvera une liste détaillées des promessesde tous les partis aux pages 22-23 du Journal de Québec du 12-8-12).
Malheureusement, il pourrait éventuellement y avoir de la consternation à la Caisse de dépôt. La campagne a démarré en pleine chasse aux «fleurons inc.» québécois par des acquéreurs étrangers ou hors-Québec. Suite à un désaccord au sein de la famille Greenberg au sujet de l'avenir d'Astral, on a plus ou moins mis l'entreprise en vente. Bell offre donc 3,8 milliards $ pour rétablir la paix chez les Greenberg. Le PQ, lui, promet de tout faire pour bloquer la transaction (J-13-8-12, p., 17). Après seulement 12 jours de campagne, les offres d'achat malvenues visant des «fleurons inc.» québécois faisaient environ 5,6 milliards $. Et, au PQ comme à la CAQ, on était pas réfractaire à l'idée de faire intervenir la Caisse. À lancer ainsi cette dernière dans des guerres d'évaluation avec des géants étrangers, on risque de tuer...la caisse aux oeufs d'or.
Les événements s'acharnaient à vouloir éperonner la campagne péquiste. Après les affaires RONA et Astral, voilà que la FTQ annonce qu'elle pourrait bien donner un appui stratégique au parti. La centrale envisage en effet de recommander à ses membres de voter pour le candidat progressiste montrant les meilleures chances de battre le candidat libéral ou caquiste auquel il dispute son élection. Mme Marois accueillera cependant ce «coup de chance» avec réserve. Elle n'a pas demandé l'appui de la centrale et n'envisage pas de la faire dans un avenir prévisible. Contrairement à l'argent, donc, il semble bien que les votes aient une odeur. On est apparemment mal à l'aise, au PQ, avec le nuage de corruption qui flotte au-dessus de la FTQ depuis plusieurs mois D-13-8-12, p., A-1).
François Legault, lui, n'a rien à craindre d'un éventuel appui syndical. Mais, comme le PQ, il ne déteste pas pêcher dans les eaux nationalistes. Alors, il demandera au gouvernement fédéral de lui transférer un certain nombre de pouvoirs, notamment dans le secteur de l'environnement. Bien! Et, que fera-t-il en cas de refus? Rien. Alors, pourquoi réussirait-il là où tous les autres se sont cassé les dents avant lui? Parce qu'il est de bonne foi et qu'il partage plusieurs valeurs avec Stephen Harper (D-13-8-12, p., A-1). On dira ensuite qu'il n'y a pas de place pour les ingénus en politique. M. Charest n'allait certainement pas s'engager dans cette voie. D'abord, il n'est plus un ingénu. Et ensuite, il attend toujours une réponse aux quatorze demandes qu'il a formulées en ce sens il y a quelques années déjà. Mais, il y a malgré tout un rayon de lumière à l'horizon pour le chef libéral. Réunie en congrès, la CLASSE recommande à ses associations membres de poursuivre la grève. On encourage même la formation de lignes de piquetage. Avec un peu de chance, donc, le premier ministre pourrait avoir une chance d'abattre encore une fois la carte de la loi et l'ordre avant la fin de la campagne. Du côté de la FEUQ et de la FECQ, cependant, on est pas d'humeur à relancer la caravane du PLQ. On laisse donc les associations membres libres de leurs décisions (D-13-8-12, p., A-3). M. Charest préférera par contre ne pas trop miser sur une reprise des manifestations étudiantes sous l'impulsion de la CLASSE. On est jamais mieux servi que par soi-même. Le premier ministre réalise que sa campagne piétine. Et le temps passe. Alors, à quelques jours des débats, il décide de frapper un grand coup. Le PLQ s'engagera lui aussi sur l'autoroute de la vertu. Mais, pour les libéraux, il s'agit pratiquement d'un saut dans l'inconnu. Leurs premiers pas seront donc maladroits. M. Charest propose en effet d'enlever à tous ceux qui font l'objet d'accusations pénales graves, comme la fraude, la possibilité de faire affaires avec l'État québécois. Aussitôt annoncée, la mesure est attaquée de toutes parts au motif qu'elle met à mal la présomption d'innocence. M. Charest demeure cependant inflexible. Après tout, une promesse est une promesse. Reste à savoir, maintenant, si une telle mesure résisterait à un examen judiciaire.
Le chef libéral connaît manifestement un début de campagne difficile. Et, son désarroi fait mal à regarder. Dans un geste d'une empathie rare en politique, Pauline Marois lui lance une bouée de sauvetage. Élu, donc, le PQ n'hésiterait pas à financer à même les fonds publics son comité d'étude sur la souveraineté. Grosso modo, le comité serait chargé de peaufiner la stratégie référendaire du gouvernement et de mettre à jour une série d'études existantes sur la souveraineté (D-13-8-12, p., A-4; D-13-8-12, p., A-5). Dans la communauté anglophone, c'est la consternation. Comment pouvait-on lui demander son appui et se montrer si peu...exemplaire? En fait, Mme Marois multiplie les promesses d'exemplarité douteuse pour l'ouest de la métopole. Du même souffle, en effet, elle s'engage à renforcer la Loi 101, ainsi qu'à se prévaloir de la clause nonobstant pour abolir les écoles passerelles. Décidément, l'aspirant Legault semble beaucoup exemplaire...
Peut-être, mais les élus de Montréal, eux, se demandent s'ils peuvent se fier sur lui. Le chef caquiste trouve qu'ils sont trop nombreux et il veut réduire leur nombre de façon significative. Faudra que Mme David lui prête How to Win Friends. Mais, entre-temps, M. Legault fait flèche de tout bois. Après avoir chassé sur les terres libérales, le voilà qui s'attaque à l'électorat col rouge. Alors, oui, le Québec roule vers le précipice. Et, cela est dû à son désoeuvrant déficit de productivité, lequel ne pourra qu'empirer du fait que les jeunes ne pensent qu'à «faire la belle vie». Il y a donc urgence à ce qu'ils apprennent à s'inspirer des Asiatiques, qui, eux, n'en ont que pour le travail (D-14-8-12, p., A-1). Et, c'est là le prix à payer, selon M. Legault, pour que le Québec s'empare de la pole position dans la répartition par province du revenu personnel disponible au Canada et enfin se libérer de son statut de bénéficiaire du programme de péréquation (D-14-8-12, p., A-1). Il faut malheureusement se demander si les théories de M. Legault font bon ménage avec les faits. En Chine, par exemple, il y a beaucoup...d'Asiatiques qui triment 12 heures par jour, sept jours par semaine pour 100 $ par mois, à faire ce que nos travailleurs faisaient jadis pour 20 $, 30 $ et 40 $ l'heure dans des conditions beaucoup moins pénibles. Parlez-moi de ça, la productivité asiatique. Et, au Québec, on en retrouve beaucoup dans les dépanneurs à 8,50 $ l'heure, des Asiatiques. Quant à la péréquation, il faudrait peut-être commencer à se demander quelle est la place du Québec dans la politique économique fédérale (Pacte automobile, politique des transports, infrastructures de l'ALÉNA, recherche nationale, contrats fédéraux -Davie- etc.) Le Québec a ses fautes, nombreuses, mais il y a des limites à l'accuser injustement des coûts du racisme anglo-canadien).
À tout événement, l'électorat col rouge n'avait jamais été courtisé avec autant d'empressement. Et, pour la CAQ, il fallait espérer que la pêche soit bonne parce que parmi les élus de Montréal, M. legault ne s'était pas fait beaucoup d'amis, à commencer par le maire Tremblay qui lui laissera savoir qu'il n'y avait pas trop d'élus municipaux dans la région métropolitaine (D-14-8-12, p., A-4). Évidemment, les jeunes n'avaient pas beaucoup plus de raisons de vibrer au diapason de la CAQ non plus.
La vie fait parfois les choses étrangement. C'est M. Legault qui donnait du bâton aux jeunes et c'était M. Charest qui écopait. Les uns après les autres, les cégeps de la province votaient calmement pour le retour en classe. On en comptait désormais six à avoir pris les rangs. Alors, au PLQ, la situation devenait désespérée. Elle était en fait devenue tellement grave que l'on commençait à se demander là-bas s'il ne faudrait pas, après tout, remettre en question le dogme de l'infaillibilité des crédits d'impôt. Les stratèges libéraux ont manifestement le dos au mur. Ils décideront donc de jouer le tout pour le tout. M. Charest jouera lui aussi la carte nationaliste, tout en fonçant droit devant sur l'autoroute de la vertu. Reporté au pouvoir, donc, le PLQ modifierait la Loi sur le sociétés afin de rendre plus difficile l'acquisition des «fleurons inc.» québécois par des acheteurs hors-Québec. Du même souffle, le chef libéral s'engage à renforcer la Loi sur le lobbyisme (D-14-8-12, p., A-3).
Mais, chassez le naturel...Monsieur Legault abandonne la vieille promesse adéquiste de verser 100 $ aux familles pour chaque enfant gardé à la maison? Voilà le chef libéral qui l'accuse de «flusher» l'ADQ. Mme Marois lui lance la bouée du référendum? Voilà M. Charest qui s'y agrippe férocement accusant sa bienfaitrice d'avoir plié les genoux devant les extrémistes de son parti qui la forcent à dépenser des fonds public dans la préparation d'un référendum qui divisera les Québécois (D14-8-12, p., A-5; J-14-8-12, p., 7). Le chef libéral joue pour gagner.
Mais, il y a peut-être après tout une justice immanente. Mme Marois n'a pas, en effet, eu droit à beaucoup de reconnaissance de la part de son adversaire. Ce dernier a préféré s'en tenir aux lois de la politique. Les astres se chargeront donc de compenser la chef péquiste pour l'indélicatesse du chef libéral. Réflexion faite, la FTQ demeurera neutre. Sachant que la fédération avait appuyé son parti en 2007 et le Bloc en 2011, Mme Marois échappera donc un soupir de soulagement qu'elle s'efforcera de dissimuler le mieux possible (D-14-8-12, p., A-5).
Marc Bellemare, lui, n'est pas d'humeur à la sollicitude. Il a entendu dire que M. Charest était en difficulté dans son comté et il se demande s'il ne devrait pas y poser sa propre candidature afin d'en finir une fois pour toutes avec son vieil ennemi (D-14-8-12, p., A-1). Ce que l'on ne ferait pas pour l'attention des caméras...
François Legault, lui, n'a pas de temps pour ces petites querelles politiciennes. Il continue en effet d'égrener les promesses avec la régularité de l'horloge. Sous un gouvernement caquiste, donc, le Québec prendrait le virage des soins à domicile plutôt qu'en institution. À l'heure actuelle, 80 % des soins sont dispensés en institution et cette façon de faire n'est pas soutenable. Les aînés auront en outre droit à un ombudsman qui enquêtera sur les cas de maltraitance, plus fréquents qu'on veut bien le croire au Québec. Côté identitaire, le chef caquiste fait le choix de l'exemplarité. La Loi 101 ne sera pas renforcée, mais elle sera appliquée avec plus de rigueur. Le nombre d'inspecteurs chargés de son application sera donc augmenté. Quant aux écoles passerelles, il n'est plus question d'invoquer la clause nonobstant. Il serait en effet beaucoup plus de mise d'agir aux termes d'un amendement constitutionnel (D14-8-12, p., A-4; D-14-8-12, p., A-6). Il semble donc que l'élection d'un gouvernement caquiste ferait souffler un vent de bienveillance sans précédent au Canadfa anglais.
Au PQ, on parie sur le poupons plutôt que sur les aînés. Empruntant au style Barrette, Mme Marois prend l'engagement personnel d'assurer une place en garderie à 7 $ à toute famille qui en aura besoin au cours des quatre prochaines années. En outre, jusqu'à ce que le nombre de place atteigne 250 000, le coût demeurera à 7 $. Au-delà de cette cible, il pourrait vraisemblement y avoir augmentation des frais.(D-14-8-12,p., A-5).
Au PLQ, M. Charest a presque retrouvé tous ses moyens, mais il préfère ne pas trop parler de...garderies. Alors, M. Bellemare veut se présenter dans Sherbrooke? Libre à lui. Nous sommes en démocratie (D-15-8-12,p., A-4). M. Charest sait qu'en politique, il n'y en a pas de facile. Même les étudiants s'entêtent à lui compliquer la vie. Les deux seuls cégeps qui avaient voté pour une reconduction de la grève, le Vieux-Montréal et Saint-Laurent, songent à réévaluer la situation (D-15-8-12, p., A-3).
Enfait, les étudiants montrent tellement de bonne foi que François Legault en vient à regretter de les avoir accusés de ne rechercher que la belle vie:
«Ce n'est pas un blâme à l'égard des jeunes. C'est un blâme à l'égard des valeurs que nous, comme parents, on transmet à nos jeunes. Faut davantage transmettre à nos jeunes des valeurs d'effort et de dépassement de soi.» (S-15-8-12, p., 5)
Oubliant son appui passé au Manifeste des lucides et son acquiescement aux propos de Lucien Bouchard à l'effet que les Québécois n'étaient pas vraiment des bourreaux du travail, M. Charest remet les pendules à l'heure:«Le Québec, c'est un peuple travaillant. On fait de très belles choses. Et les jeunes le sont également.» (D-15-8-12, p., A-1). Pas fiable...
La chef péquiste, elle, goûte discrètement le plaisir de regarder François Legault dire et se dédire:
«Quand je vois les jeunes dans toutes les sphères d'activité, qui réussissent par leur talent et leur intelligence, ça ne m'inquiète pas pour la suite des choses.» (D-15-8-12, p., A-1).
Malheureusement, la suite immédiate des choses allait être moins sereine que ne l'aurait probablement souhaité Mme Marois. Se faisant à la fois exégète et incarnation de la volonté du peuple, la candidate péquiste Djémila Benhabib (Trois-rivières) réclame au plus vite une charte de la laïcité et la disparition du crucifix de l'Assemblée nationale:
«En tant qu'intellectuelle, je suis soucieuse de la neutralité des institutions de l'État. Je pense que l'Asssemblée nationale doit représenter la volonté du peuple et que le peuple n'a pas à être assujetti à une quelconque religion.» (S-15-8-12, p., 4).
Évidemment, les propos de la candidate ne font pas l'unanimité. En fait, ils la font presque contre leur auteure. S'il n'en tient qu'à Mme Marois, donc, le crucifix restera à l'Assemblée nationale. Et, François Legault est d'accord:«On ne peut pas tout foutre ça par-dessus bord», objectera-t-il. Par contre, la chef péquiste tient à l'adoption d'une charte de la laïcité et elle irait jusqu'à utiliser la clause nonobstant pour en assurer la constitutionnalité (S-15-8-12, p., 4). Combien de votes la sortie de Mme Benhabib apportera-t-elle au PQ le 4 septembre? Ce qui fait vibrer le Plateau ne fait pas nécessairement l'affaire en province...À tout événement, au Canada anglais, on observe la situation, l'oeil réprobateur...
M. Charest, lui, n'excelle pas dans ce genre de débat plus ou moins abstrait qui échappe au commun des mortels. Comme le maire Labeaume, à Québec, le premier ministre est à son meilleur dans les dossiers concrets d'intérêt immédiat. Alors, foi de Jean Charest, le PLQ brisera le quasi monopole de la CAQ sur la région de la capitale nationale. Pour le maire Labeaume, ce sera le pactole. Reporté au pouvoir, le PLQ financerait donc la Phase IV de la Promenade Samuel-de-Champlain à la hauteur de 200 millions $. Il y aura également 50 millions$ pour les infrastructures de proximité destinées aux familles. Monsieur le maire veut un anneau de glace? Voilà 45 millions $ pour l'anneau de monsieur le maire. Monsieur le maire veut les Olympiques à Québec? Voilà que le premier ministre lui promet son appui. Tout le monde dorlote le maire Labeaume parce qu'il en mène large et il en mène large parce que tout le monde le dorlote. Au total, les promesses consenties à M. Labeaume par le chef libéral feront plus de 300 millions $. Depuis 2008, la Ville de Québec a touché plus de 4 milliards $ du gouvernement provincial en dépenses d'investissements. Mais, l'homme fort de Québec n'obtiendra pas le lockout qu'il convoitait pour son arsenal de négociation avec les employés de la municipalité. Le premier ministre refusera également de répartir la responsabilité du déficit du régime de pension des employés de la ville dans le sens voulu par le maire (D-15-8-12, p., A-4; S-15-8-12, p., 3). Évidemment, la bonne fortune du maire Labeaume ne passera pas inaperçue dans les autres villes, à Montréal, par exemple (S-15-8-12, p., 2).
Dans les bureaux de CIRANO, toute cette avalanche de promesses commence à peser lourd sur la patience du chercheur Claude Montmarquette. Après 15 jours de campagne, on en comptait pour plus de 20 milliards $. Alors, non, les Québécois n'ont pas les moyens de cette prodigalité débridée. Déjà, sans les largesses électorales, on prévoit des déficits de 875 millions en 2014, 2015 et 2016. En fait, sachant que le service de la dette fait à l'heure actuelle plus de 10,3 milliards $ annuellement, les promesses passées, présentes et à venir pèseront probablement éventuellement assez lourd sur la patience du contribuable (S-15-8-12, p., 26).
Alors, le prochain ministre des Finances pourrait avoir des arbitrages difficiles à négocier. Malgré cela, on lutte férocement pour le pouvoir. Au PLQ, donc, on y va pour une autre ronde de messages publicitaires télévisés. Et, cette fois, on juge François Legault suffisamment menaçant pour lui servir une solide correction. Le téléspectateur a donc droit à l'étalage des contradictions du chef caquiste à propos de la souveraineté, de la Loi 12, du privé en santé et du contrôle des dépenses. Au final, le jugement est lapidaire:«Pas fiable.» (D-15-8-12, p., A-5).
À suivre...


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