Samedi dernier, on nous promettait une démonstration de force d’un groupuscule d’extrême droite du Québec. Loupé! La manifestation a été tuée dans l’œuf… par les Québécois eux-mêmes qui ont tout simplement boudé l’initiative.

Seuls trois manifestants se sont regroupés devant le lieu du rassemblement à l’angle du boulevard Pie-IX et de la rue Bélair vers 16h pour marcher en direction du quartier le « petit Maghreb », baptisé ainsi pour la densité de sa population maghrébine.

Par contre une autre marche s’est formée, organisée, entre autres, par des groupuscules d’extrême gauche qui brandissaient avec nostalgie le drapeau de l’ère soviétique et l’étendard anarchiste et ont dénoncé avec vigueur des « lois racistes » (Ah bon! mais lesquelles?) ainsi que les propos du président de la Fraternité des policiers de Montréal, Yves Francoeur, tenus en décembre dernier au sujet de la radicalisation dans certaines mosquées.

Si l’on ne peut que se réjouir de l’échec de la manifestation du groupe de Pegida Québec, acronyme allemand pour « Patriotes européens contre l’islamisation de l’Occident », qui démontre clairement son faible enracinement dans notre paysage social et politique, il faut surtout, tirer les leçons de ce nouveau chapitre.

1. La réponse à l’extrême droite n’est certainement pas l’extrême gauche avec sa vision rose bonbon de la diversité, sa faculté à toujours cracher sur l’État (« avec ses lois racistes ») et les services de sécurité, son incapacité à saisir les dynamiques complexes qui traversent le monde depuis la chute du mur de Berlin en 1989 et ses alliances liberticides avec des mouvements islamistes.

2. Documenter le plus possible l’existence de ce groupuscule est important. Qu’en savons-nous, d’ailleurs? Pour le moment, pas grand-chose sinon qu’un dénommé Jean-Francois Asgard anime une page Facebook et se déclare porte-parole. Et puis c’est tout.

Certains observateurs ont avancé l’idée qu’un autre groupuscule, Les Québécois de souche, soit derrière Pegida Québec. Mais rien ne nous permet de l’affirmer.

Il y a certes d’une proximité idéologique entre les deux, la xénophobie, puisqu’ils tirent dans la même direction, l’islam et les musulmans. Cependant, Québécois de souche puise ses racines dans un mouvement fondamentaliste catholique dont la principale figure de référence est l’évêque français Marcel Lefebvre, décédé en 1991, excommunié en 1988 pour son opposition au concile de Vatican II.

« Durant la Révolution tranquille, comme lors du Concile Vatican II, on jeta la tradition et le passé par la fenêtre avec violence. Une violence qui se manifeste uniquement envers nous-mêmes, puisque le plus grand respect est imposé aux peuples, confessions et cultes venus d’ailleurs. Cette rupture avec nous-mêmes crée un profond vide avec notre passé, un passé avec qui il est grand temps de renouer de manière plus sereine. La première étape est bien sûr de se rappeler les événements du passé. » Québécois de souche

3. Bien qu’en Europe l’extrême droite soit diverse, en témoigne le large spectre des parti qui la compose – dont l’« Aube Dorée » grecque ouvertement néonazie, l’Ukip anglais isolationniste et chauvin, le Front national xénophobe – cette poussée traduit une crise politique sans précédent dont la matrice idéologique est le rejet de l’Europe, c’est-à-dire d’une certaine vision de l’Europe, plutôt bureaucratique, accusée d’éroder la souveraineté des États et des nations et le refus de l’immigration notamment « extra-européenne » surtout musulmane – et celle des Roms (le plus vieux peuple européen). Pour ces mouvements, la mondialisation avec l’Europe et son corollaire, le chômage, est associée à la délocalisation des industries alors que l’immigration, surtout musulmane, est incriminée de tous les maux.

4. L’émergence de ces mouvements correspond à des phénomènes contradictoires. La crise économique n’explique pas tout. En effet, dans les pays éprouvés par la crise et la politique d’austérité, comme le Portugal, l’Espagne et l’Irlande, aucun parti d’extrême droite n’est présent significativement au Parlement et, en Italie, les divers partis populistes ont mangé toute une volée aux dernières élections européennes.

Encore plus surprenant, dans des pays en relative bonne santé financière comparativement aux pays du sud de l’Europe, comme les Pays-Bas, la Norvège, la Finlande ou encore la Suède, il y a longtemps que la droite extrême a fait son entrée dans le sillage politique. Ainsi, dans les pays scandinaves, l’érosion des partis sociaux-démocrates a propulsé ces apprentis sorciers dans des coalitions gouvernementales avec des partis conservateurs ou libéraux.

Conclusion : surtout ne pas laisser à ces groupes le monopole des questions sociétales liées à l’immigration et à l’islam, par exemple. En parler. Bien en parler. C’est leur tirer le tapis sous les pieds. Pour le moment, au Québec, continuons de les isoler politiquement.

Pensez-vous que ces groupuscules ont de l’avenir au Québec ?