Finie la prière pour le maire Tremblay

Chronique de Djemila Benhabib

Finies les folies au conseil municipal de ‎Saguenay‬. La prière n’y a pas sa place. Ainsi en a décidé le plus haut tribunal du pays dans un jugement unanime. Sans surprise, les questions de la liberté de conscience, de l’égalité entre les croyants et les non-croyants ainsi que de la neutralité de l’État sont au cœur de cette décision historique.

Même la mention de la suprématie de Dieu dans le préambule de la Charte canadienne qui peut laisser entrevoir une mollesse vis-à-vis du religieux est recadrée.

En ce sens que la Cour suprême l’interprète d’une façon large et libérale et « estime qu’elle ne saurait entraîner une interprétation de la liberté de conscience et de religion qui autoriserait l’État à professer sciemment une foi théiste. »

« L’obligation de neutralité religieuse de l’État résulte de l’interprétation évolutive de la liberté de conscience et de religion. L’évolution de la société canadienne a engendré une conception de cette neutralité suivant laquelle l’État ne doit pas s’ingérer dans le domaine de la religion et des croyances. L’État doit plutôt demeurer neutre à cet égard, ce qui exige qu’il ne favorise ni ne défavorise aucune croyance, pas plus que l’incroyance. La poursuite de l’idéal d’une société libre et démocratique requiert de l’État qu’il encourage la libre participation de tous à la vie publique, quelle que soit leur croyance. » Jugement de la Cour suprême

Voilà qui est clairement affirmé et nous en sommes fort soulagés. Heureux même. Dithyrambique? Certainement pas. Car en matière de laïcité, les victoires sont toujours modestes. Tant il persiste encore dans les croyances populaires des histoires un peu abracadabrantes.

« Allez-vous enlevez le crucifix sur le Mont-Royal ou exiger qu’on change le drapeau du Québec? », me suggère un animateur d’une radio de Saguenay à l’heure du midi.

Aïe ! Et toc.

La laïcité n’a de sens que lorsqu’elle se cantonne aux institutions de l’État et à ses représentants. En dehors de ce cadre, elle ne peut être évoquée. Mais c’est déjà un gros morceau, vous vous en doutez.

Le militant laïque Simoneau s’engage

Le combat pour la laïcité est long, éreintant, épuisant financièrement et se fait souvent dans des conditions désespérées où l’on s’attend toujours au pire. Car trop souvent l’interprétation que font les tribunaux de la liberté de religion est trop large.

Vous le devinez, ce combat c’est David contre Goliath. Il faut y croire par-dessus tout.

Dans ce cas-si, la victoire, revient principalement à l’exceptionnel courage et détermination du citoyen Alain Simoneau, soutenu par le Mouvement laïque québécois et leur avocat Me Luc Alarie. On doit à ce trio une fière chandelle.

L’histoire remonte à 2006. Luc Simoneau s’intéresse à la politique de sa ville et assiste régulièrement aux séances publiques du conseil municipal. Au début de chaque séance, les conseillers ainsi que le maire de Saguenay sont debout et ce dernier récite la prière au micro qu’il précède d’un signe de croix. Malaise. Le 4 décembre 2006, Simoneau demande au maire de cesser cette pratique. S’ouvre alors une saga judiciaire qui durera neuf ans. Luc Simoneau invoque la violation de sa liberté de conscience et souhaite que la prière soit abolie. Il saisit la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Puis, en 2011, le Tribunal des droits de la personne lui donne raison, ordonne aux intimés de cesser la récitation de la prière et leur enjoint de retirer « tout symbole religieux » des enceintes où se tiennent les séances du conseil. Revirement de situation en mai 2013, la Cour d’appel renverse cette décision.

Le maire Jean Tremblay: drôle de bibitte

De l’autre côté, on retrouve le maire de Saguenay si proche de dieu qu’il en fait sa cause.

Quand je vais arriver de l’autre bord, je vais pouvoir être un peu orgueilleux. Je vais pouvoir lui dire : « Je me suis battu pour vous; je suis même allé en procès pour vous. Il n’y a pas de plus bel argument. C’est extraordinaire. Ce combat-là, je le fais parce que j’adore le Christ, je veux aller au ciel et c’est le plus noble combat de toute ma vie. », déclare-t-il.

C’est à croire que dieu lui a envoyé un télégramme le priant de protéger ses intérêts, ici-bas. Encore un peu, il demandait au pape de débarquer au Saguenay. Comme l’avait fait Napoléon au sommet de sa gloire avec le pape Pie VII. Le pape courut à Paris pour sacrer et couronner l’empereur – un peu contre son gré il est vrai – qu’il excommunia trois ans plus tard.

Le très catholique maire de Saguenay était épaulé par la très catholique théologienne Solange Lefebvre de l’université de Montréal, partisane de la laïcité dite ouverte. Cette dernière explique à la Cour d’appel que la prière n’est pas vraiment une prière. Ah bon, ben quoi alors? Tiens, ce sont les mêmes qui nous disent que les voile ne sont pas vraiment des voiles.

Qui ne connaît pas, au Québec, le volubile maire Jean Tremblay? Je soupçonne même certains d’entre vous de cultiver à son endroit une forme de tendresse presque coupable. N’ayez crainte, je ne vous en veux pas. Pas même pour un kopeck.

Avouons que le personnage est unique. Certes, il nous fait beaucoup rire. On rit souvent jaune. Si bien qu’on se demande à chacune de ses intempestives sorties médiatiques tantôt lyriques et tantôt brutales s’il le fait exprès? Le premier fonctionnaire de la ville de Saguenay cherche-t-il à faire le clown ou est-il vraiment taillé ainsi?

Bref, ce personnage est une drôle de bibitte. C’est plus qu’un intégriste catholique.

Constantin se serait fait chrétien pour piller les temples païens afin de construire une magnifique ville qu’il nomme Constantinople devenue Istanbul. Le maire Tremblay, lui, que nous léguera-t-il?


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5 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    29 avril 2015

    @M. Yvan Parent

    Peut-être serez-vous surpris d'apprendre que je suis en accord avec vous lorsque vous parlez du respect de l'autre. Au même moment, et en principe vous serez d'accord avec moi, sur le fait que j'ai répondu à M. Gélinas avec son modèle de langage.
    Cela dit, que vous soyez choqué, par la manque de respect dans un choix de langage, ne sous entend pas qu'il faille accabler l'un plus que l'autre, mais au contraire revisiter ce qui a bien pu provoquer la situation, sinon questionner les deux parties également, sinon votre intervention se dévoile comme hypocrite et partisane. ;-)

  • Archives de Vigile Répondre

    29 avril 2015

    @Bernard Leblanc,
    quand l'aveuglement condamne l'aveuglement. Votre intervention M. Leblanc n'a aucune crédibilité. Vous utilisez insultes pardessus insultes et faussetés pour étayer vos arguments ce qui leur enlève toute valeur. Vous traitez M. Claude Gélinas d'aveugle. Êtes-vous parfaitement voyant vous-même? L'insulte est l'arme des faibles, incapables d'exprimer des valeurs en respectant les autres. Vous traitez d'hurluberlu celui qui avait parfaitement le droit de demander l'élimination de cette pratique votive avant chaque réunion du conseil. Vous aviez fait précéder votre très aimable "hurluberlu" par une définition de l'athéisme démontrant hors de tout doute votre ignorance du sujet: '' « religion athée » (un militantisme saugrenue contre tout ce qui a une apparence spirituelle).''
    Avant de tenter de donner des leçons par l'absurde et l'insulte, vous feriez peut-être mieux de réfléchir avant de dire des âneries blessantes. Vous devriez pourtant aussi savoir que la spiritualité est une démarche toute personnelle et qu'elle n'a rien à voir avec les religions organisées même si, quelquefois, et malheureusement, celles-ci détournent le sens profond de cette spiritualité à leur profit. L'intégrisme est un ennemi sournois, qu'il soit catholique ou autre. Il tente d'enlever l'intelligence des choses à ses fidèles et tente de les faire agir béatement, jusqu'à la criminalité parfois. L'Histoire est remplie d'exemples. Les catholiques n'ont, à ce sujet, aucune leçon à faire aux autres.

  • Archives de Vigile Répondre

    28 avril 2015

    @Claude Gélinas
    De toute évidence, votre aveuglement vous empêches de comprendre le dossier. La Ville de Saguenay faisait face à une poursuite de 100,000$ exigé par Simoneau / MLQ. Nonobstant l'attitude du Maire, il ne faut pas oublier que l'enjeu était important non pas pour l'idée de la prière avant une séance du conseil, mais pour ce qui concerne le patrimoine Catholique. Que cet enjeu n'intéresse pas ceux et celles qui se prétendent de la «religion athée» (un militantisme saugrenue contre tout ce qui a une apparence spirituelle), n'enlève rien à la cause. Bref, le choix était de payer un hurluberlu qui prétendait se sentir offensé par une prière et ce à la hauteur du montant précité, ou de vérifier auprès des tribunaux, la pertinence de ce genre de poursuite. Au final, le patrimoine Catholique est préservé. De plus la Cour Suprême a finalement remplie le vide juridique concernant le préambule de la Charte canadienne qui officiellement maintenant n'a aucune valeur autre que symbolique et ne peut-être invoquée. (explication concernant ce vide juridique) http://www.ledevoir.com/societe/ethique-et-religion/279814/laicite-et-suprematie-de-dieu

  • Archives de Vigile Répondre

    21 avril 2015

    Le Notre Père est une prière qui fait partie du trésor spirituel de l'humanité. Sa récitation ne fait que favoriser un humanisme universel.
    150 millions de chrétiens persécutés dans le monde par les musulmans.
    http://gloria.tv/media/QD6kRsSs4bh

  • Gélinas Claude Répondre

    18 avril 2015

    Après plus d'un demi-millions de dépenses aux frais des contribuables le roitelet du Saguenay a eu sa réponse. Il aurait pourtant été si simple de réserver une période de recueillement en début de séance accessible aux pratiquants comme aux athées.
    Mais non, il fallait être plus catholique que le Pape. Mon Dieu protégez-nous de tous les intégristes y compris du maire de Saguenay.