Duceppe: échec au roi!

759f809a8494f5817532fc9259939b77

Élection fédérale 2008 - le BQ en campagne


Gilles Duceppe (Photo André Tremblay, La Presse) - Alors qu'on utilisait rarement, ou seulement chez les spécialistes, les termes gauche-droite pour distinguer les partis politiques canadiens, ces étiquettes sont omniprésentes dans la campagne actuelle. Et pour cause: le Parti conservateur de Stephen Harper est plus à droite que le Parti progressiste-conservateur de Joe Clark ou de Brian Mulroney. Quant à Stéphane Dion, avec son Tournant vert, il est sans nul doute un peu plus à gauche que n'ont pu l'être Paul Martin ou Jean Chrétien. Le NPD, nettement de centre-gauche, et ce, depuis ses débuts, contribue aussi à accroître la tension gauche-droite dans la mesure où il recueille presque deux fois plus de votes qu'au milieu des années 90. Les verts, avec 5 ou 10 points, alimentent aussi l'éparpillement du vote.

Manifestement, l'axe gauche-droite est plus tendu que jamais compte tenu des déplacements relatifs des uns et des autres. Le bonheur de la droite, c'est qu'elle est unie; alors qu'à partir du centre, la division règne.
Qu'en est-il du Bloc québécois dans tout ça? Aussi longtemps que la cause souverainiste dominait le débat politique québécois-canadien, cette formation était essentiellement régionaliste. Les malheurs actuels du Bloc ne s'expliquent ni par son chef ni par la qualité de l'équipe, mais bien par la contraction du mouvement souverainiste. Le répondant fédéraliste du Bloc, soit le PLC, est également désemparé; ce parti a perdu un puissant cheval de bataille.
Que peut faire Gilles Duceppe? Celui qui règne depuis 10 ans sur la députation québécoise à Ottawa semble confiné maintenant à un échiquier étriqué, qui lui laisse très peu de possibilités. Revenir au programme référendaire serait peu crédible, sinon impossible: il ne peut contredire Pauline Marois, la démarche référendaire appartenant à l'Assemblée nationale. Les bloquistes ont bien tenté d'occuper le terrain de l'application de la loi 101 aux banques et aux différents secteurs d'emploi qui relèvent du fédéral; le résultat fut marginal, voire nul.
En fait, le Bloc québécois est littéralement coincé, acculé au mur - étonnamment, comme sur ses propres affiches! Ne pouvant plus maintenir la position qui le distinguait, il a dû glisser d'une case, se rapprochant ainsi du terrain des autres. Entre les cases de droite, occupées par les conservateurs, celles du centre, par les libéraux et celles de gauche, par le NPD et les verts, Gilles Duceppe a choisi cette dernière zone, puisque c'est au Québec que le NPD a le moins d'adeptes et une organisation réduite malgré la récente victoire dans Outremont.
Fédéralisme d'ouverture
Étant mis «échec au roi» par Stephen Harper, dont le fédéralisme d'ouverture qui a pu satisfaire les nationalistes modérés sans provoquer un «Quebec bashing» dans l'Ouest canadien, Gilles Duceppe a fait le choix stratégique qui s'imposait. Autrement, il abandonnait la partie. Et s'il avait suivi les idées de droite de Jacques Brassard, il aurait subi une mutinerie au sein de ses propres rangs, et la bouderie des électeurs, estomaqués par un tel renversement!
Le défi de Gilles Duceppe est donc celui de la survie ou, moins dramatiquement, de la traversée houleuse de l'actuelle contraction du mouvement souverainiste. Y parviendra-t-il? Les sondages publiés jusqu'à présent sont contradictoires. Le Bloc n'est pas encore «échec et mat». Perdra-t-il 5, 15 ou 25 sièges? Impossible de prévoir l'ampleur de la saignée; la campagne ne fait que commencer et la volatilité de l'électorat demeure importante. Mais si les quatre prochaines semaines devaient ressembler à la première, le Bloc pourrait sortir de cette élection recroquevillé, davantage victime de l'ambivalence des Québécois que des choix de son chef.
***
Jean-Herman Guay

L'auteur est professeur de sciences politiques à l'Université de Sherbrooke et directeur de l'École de politique appliquée.


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé