Drôle de trêve!

Élections 2006

La période des Fêtes était censée être une trêve - trêve politique, interruption des hostilités électorales... Mais finalement, la semaine qui vient de s'écouler aura été marquée par trois événements qui risquent de faire déraper la campagne des libéraux: l'horrible fusillade de Toronto, les divagations semi-racistes d'un dirigeant libéral, et les rumeurs de scandale qui affectent le ministre des Finances Ralph Goodale.
Parce qu'il a toujours insisté sur le thème de la loi et de l'ordre, c'est le Parti conservateur qui pourrait bénéficier de la vague d'indignation soulevée par la fusillade qui a coûté la vie à une adolescente de 15 ans et gravement blessé six autres personnes au moment où elles faisaient tranquillement leurs emplettes du Boxing Day.
Stephen Harper n'a pas mâché ses mots: il a attribué la tragédie à " douze ans de laxisme en matière de justice criminelle ", visant directement le gouvernement libéral. Démagogie? Certainement, mais Jack Layton, qui vient pourtant d'un parti plus porté sur la prévention que sur la répression, lui a prestement emboîté le pas. M. Layton représente un comté torontois, et il se devait de se placer sur la même longueur d'ondes que les résidents traumatisés de la Ville reine, où personne ne prend au sérieux (et avec raison) l'engagement de Paul Martin d'interdire les armes de poing.
Cette promesse réveille le cauchemar financier du programme de contrôle des armes à feu institué par le gouvernement Chrétien, un programme qui a coûté dix fois plus cher que prévu sans aboutir à des résultats probants, et qui a semé la fureur dans les régions rurales de l'Ouest. Surtout, qui va croire que l'interdiction des armes de poing peut résoudre le problème des gangs de rue? Aucun des jeunes auteurs de la fusillade n'aurait pu obtenir de permis de port d'arme! Nul n'ignore que la plupart des crimes sont commis avec des armes obtenues illégalement.
L'affaire Goodale reste mystérieuse (la GRC n'a pas encore porté d'accusation) mais elle renforcera la perception déjà répandue que le PLC est un parti pourri par trop d'années de pouvoir. Après le scandale des commandites, voici des rumeurs de délits d'initiés...
Détail troublant: les intentions du ministre des Finances, concernant le régime fiscal des fiducies de revenu, auraient été transmises à des membres du personnel du bureau du premier ministre. Or, l'entourage de M. Martin est déjà réputé pour sa propension à faire couler à des interlocuteurs sélectionnés des informations confidentielles.
Tout cela n'est peut-être qu'un vulgaire procès d'intention (la preuve n'a pas encore été faite qu'il y ait eu fuite), mais il reste qu'au beau milieu d'une campagne électorale, l'événement produira des ondes de choc, car le manque d'intégrité et d'imputabilité est justement le talon d'Achille du PLC.
Alors que Stephen Harper fait une campagne impeccable axée sur le contenu, alors que- contrairement à ce qui s'est passé en 2004- les députés conservateurs s'abstiennent scrupuleusement de dévier de la ligne du parti, cette fois c'est au tour du PLC de souffrir des gaffes de ses partisans.
La dernière en date est celle de Mike Kander, le vice-président exécutif de l'aile ontarienne du parti. Dans son blog, il compare Olivia Chow, candidate néo-démocrate et épouse de Jack Layton, à un chien chow-chow. Il qualifie d'" ethnique " le député conservateur Rahim Jaffer, et appelle Jack Layton " un trou de cul ".
Cela s'ajoute aux propos méprisants de Scott Reid, le directeur des communications de M. Martin, qui a déclaré que les allocations de garde que le PC veut remettre directement aux parents serviraient à " acheter de la bière et du pop corn ". Encore un incident qui renforcit l'image d'arrogance qui colle au PLC.
Des deux seuls partis susceptibles de prendre le pouvoir, la première partie de la campagne a été à l'avantage des conservateurs- à tel point que plusieurs commentateurs du Canada anglais n'excluent plus la possibilité d'un gouvernement conservateur minoritaire.
Pendant que M. Harper dévoilait chaque jour, dignement et en détail, de pans de son programme de gouvernement, M. Martin faisait la tournée des garderies et des écoles, entouré d'auditoires non menaçants de bébés et d'enfants, se contentant de dresser des épouvantails déjà usés: " l'agenda caché " de Stephen Harper, la " menace séparatiste "... Mais les jeux sont loin d'être faits. Après cette trêve qui n'en fut pas une, la phase Deux de la campagne commence après-demain.


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