JUSTICE

Deux ans moins un jour de prison pour André Boisclair

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L'ex-chef du Parti québécois déshonoré pour des histoires de moeurs


L’ex-politicien André Boisclair purgera une peine de deux ans moins un jour de prison pour avoir agressé sexuellement deux hommes, à deux moments différents.


« Les gestes posés par le délinquant sont hautement répréhensibles. S’attaquer ainsi à des personnes blesse au plus profond de leur intégrité et de leur dignité. Il n’est pas étonnant dans les circonstances d’avoir entendu les deux victimes relater les conséquences avec lesquelles elles doivent encore composer aujourd’hui », a déclaré le juge Pierre Labelle à la lecture de sa sentence.


André Boisclair, vêtu d’un costume bleu, s’est ensuite dirigé vers le box des accusés, où il a été menotté par des constables spéciaux. Un proche lui a remis un sac d’épicerie rouge contenant des effets personnels, dont une paire d’espadrilles. À son arrivée au palais de justice de Montréal, l’homme de 56 ans avait rapidement marché devant les journalistes sans répondre à leurs questions.


L’ancien chef du Parti québécois a plaidé coupable, en juin dernier, à un chef d’accusation d’agression sexuelle à l’aide d’un tiers sur une première victime et à un chef d’agression sexuelle sur une deuxième victime. Un arrêt conditionnel des procédures a été prononcé quant à un troisième chef d’accusation d’agression sexuelle armée.





 




Le procureur de la Couronne, MJérôme Laflamme, et l’avocat de la défense, MMichel Massicotte, ont fait une suggestion commune d’une peine de deux ans moins un jour d’emprisonnement. Le juge Pierre Labelle a entériné cette suggestion qu’il a qualifiée de « juste, proportionnée et personnalisée ».


Le magistrat a aussi imposé à André Boisclair une probation de deux ans pendant laquelle il lui sera interdit de contacter les deux victimes et de consommer des drogues, dont du cannabis.


L’ancien chef du Parti québécois sera également inscrit au registre des délinquants sexuels.


Parmi les facteurs atténuants, le juge a souligné qu’André Boisclair a plaidé coupable aux accusations, ce qui a permis d’éviter aux victimes de témoigner dans deux éventuels procès. L’ex-politicien n’a aucun antécédent judiciaire, il a entrepris une thérapie pour sa consommation de stupéfiants et un suivi psychologique, a-t-il aussi noté. En revanche, le juge a relevé qu’il y a eu deux agressions et que celles-ci ont entraîné de lourdes conséquences sur les victimes. « Même s’il ne s’agit pas d’un abus de confiance qui est défini au Code criminel, le statut de M. Boisclair est un facteur qui lui a permis de faire la rencontre des deux victimes », a estimé le magistrat.





PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE


Le procureur de la Couronne MJérôme Laflamme perçoit la peine comme étant à la hauteur de la gravité des gestes d’André Boisclair.





À sa sortie de la salle de cour, le procureur de la Couronne a souligné que le juge a effectué une analyse indépendante malgré la suggestion commune des avocats. « Une peine de deux ans moins un jour reste une peine importante, a déclaré MJérôme Laflamme. Ça envoie le message que ce sont des gestes graves qui sont punis à la hauteur de leur gravité. » L’avocat de la défense n’a quant à lui formulé aucun commentaire.


André Boisclair a été chef du Parti québécois de novembre 2005 à mai 2007 et délégué général du Québec à New York de novembre 2012 à septembre 2013.


Des témoignages troublants


Lors de sa comparution en juin, les deux victimes d’André Boisclair ont livré des témoignages troublants à la Cour. Leur identité est protégée par une ordonnance de non-publication.


La première victime a raconté avoir rencontré André Boisclair sur les réseaux sociaux un peu avant l’agression sexuelle alors qu’elle était dans la vingtaine. En janvier 2014, Boisclair l’a invitée chez lui alors que d’autres personnes s’y trouvaient. Le jeune homme a accepté, mais il a prévenu qu’il ne voulait pas de relations anales. Une fois chez l’ex-politicien, des gestes sexuels ont été faits et consentis, mais Boisclair a soudainement ordonné à deux hommes de saisir la victime et de la pénétrer. Cette dernière ne voulait pas et s’est débattue. Elle a fini par être relâchée par les deux hommes qui n’ont jamais été identifiés.


La deuxième victime, aussi dans la vingtaine à l’époque des faits, a rencontré André Boisclair sur une application de rencontres. En novembre 2015, les deux hommes se sont vus en personne chez l’ex-politicien pour bavarder et boire de la bière. À un moment, Boisclair a imposé des gestes sexuels non consentis à sa victime, dont une pénétration avec les doigts. Le jeune homme a dû lui demander à trois reprises d’arrêter pour qu’André Boisclair recule enfin.


Les deux jeunes hommes ont raconté les effets négatifs qu’ont eus ses agressions sexuelles sur leur vie. La première victime a notamment raconté avoir souffert d’une perte de confiance, de crises de panique et de dépression, entre autres.


Une peine « significative »


Karine Gagnon, coordonnatrice au soutien organisationnel et au développement pour le réseau des Centres d’aide aux victimes d’actes criminels (CAVAC), rappelle qu’il n’y aura jamais une peine suffisante aux yeux des victimes. « Mais cette sentence est significative. Elle est prononcée malgré le statut de cette personne, malgré le rôle qu’elle a joué dans la société », a-t-elle affirmé.


Mme Gagnon s’est d’ailleurs dite rassurée que cette sentence tombe deux semaines après la décision du juge Matthieu Poliquin qui a accordé une absolution conditionnelle à l’ingénieur Simon Houle. Ce dernier a pourtant admis à la Cour avoir agressé sexuellement une femme.




J’espère que cette sentence va aider à rétablir la confiance des personnes victimes envers le système.



Karine Gagnon, du réseau des Centres d’aide aux victimes d’actes criminels



L’organisme Soutien aux hommes agressés sexuellement en Estrie (SHASE) a également affirmé que cette sentence envoie un « bon message » aux victimes. « Ça envoie le message que ça peut fonctionner et que ça peut donner quelque chose de porter plainte », a soutenu Alexandre Tremblay-Roy, directeur général du SHASE. L’organisme reçoit une centaine de nouvelles victimes par année, mais seulement une ou deux portent plainte à la police, a-t-il ajouté.


Lors de la lecture de sa sentence, le juge a d’ailleurs salué le courage des deux victimes. « Il n’y a rien que je puisse dire qui pourra changer quoi que ce soit pour apaiser leurs souffrances. Je leur souhaite que celles-ci diminuent et qu’elles puissent croiser dans le futur des personnes bienveillantes. »




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