Des jeunes accommodants

Accommodements - Commission Bouchard-Taylor

Appelés à commenter la réaction des jeunes lors du premier forum social de la Commission sur les accommodements raisonnables, les commissaires Bouchard et Taylor se disaient récemment étonnés de leur ouverture, comme si, pour les jeunes, le problème n'apparaissait pas si fondamental. Et moi de penser: je suis étonnée qu'ils soient étonnés
Les médias nous le rappellent: c'est le 30e anniversaire de la Loi 101. La loi en soi est plus vieille que moi. Mais c'est plus qu'une simple législation. Ses effets ont conditionné la façon de penser de ma génération. J'ai été formée par un système d'éducation où Laval se mêlait à Beyrouth et Port-au-Prince. Depuis mon enfance, le Québec intégré, je le vis au quotidien. Et maintenant, quand je consulte mon carnet sur Facebook, je constate que mes amis du Québec, ils proviennent de partout et sont tous Québécois.
Bref, depuis le début du fameux débat sur les accommodements raisonnables, je ne peux arrêter de penser qu'outre les clivages Montréal-régions, scolarisés-moins scolarisés, une réalité n'est pas exposée: celle du clivage générationnel.
Non seulement suis-je une enfant de la Loi 101, mais je fais également partie des enfants des artisans de la Révolution tranquille: je suis une fille de baby-boomers. J'ai vécu les conséquences directes de l'enrichissement des francophones au cours des 40 dernières années. En famille, nous avons voyagé à l'extérieur du pays. De l'école au marché du travail, les institutions que j'ai fréquentées laissaient une place marginale à la religion. Bref, j'ai grandi dans un Québec bien différent de celui de l'enfance de mes parents.
J'en suis convaincue, cette expérience m'amène à poser un regard différent sur la réalité immigrante. C'est non seulement une nécessité, mais un enrichissement. Non pas que je ne sois pas préoccupée par l'extrémisme religieux ou par la place des femmes au sein de notre société, bien au contraire. Mais ma cohabitation avec des Québécois immigrants a conditionné mon regard à l'autre. D'êtres humains en êtres humains. De là, je tente, comme tout le monde, de tracer la ligne entre société, religion et culture et je n'arrive jamais à une réponse définitive à la «oui ou non».
Ce qui m'inquiète davantage, c'est le portrait d'un Québec craintif et intolérant face à la réalité immigrante que l'on nous présente. Ce qui m'amène à me demander: combien de jeunes ont été sondés sur les accommodements raisonnables? Les moins de 30 ans ont-ils le même regard que leurs parents à cet égard? Loin de moi l'idée de questionner l'intérêt du débat, mais ne soyez pas étonnés de voir les jeunes s'interroger sur le bilan dit «négatif» de notre immigration et l'empressement de nos élus de régler la question au sein de notre paysage sociopolitique.
Plutôt que de réfléchir à la façon dont le Québec doit gérer ses immigrants, je pense qu'il faut surtout comprendre comment le Québec de demain s'identifiera. Et de là, tenter de sonder notre rapport à l'immigration. Parce que c'est nous qui cohabiterons avec les générations futures des nouveaux arrivants.
***
Mélanie Joly
L'auteure est avocate et détient une maîtrise en droit européen et comparé de la University of Oxford.

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