Des idées pour dompter le capitalisme

Dans un nouvel ouvrage qui vient de paraître, Jean-François Lisée propose vingt solutions aux débordements actuels

Livres 2009 - Arts - cinéma - TV - Internet

Éric Desrosiers - La crise économique est une occasion à ne pas rater pour, sinon rompre avec le capitalisme, à tout le moins mieux le dompter afin d'éviter le désastre vers lequel il nous mène tout droit, dit Jean-François Lisée dans un nouvel ouvrage qui vient de paraître.
«Il y a une crise derrière la crise», a expliqué cette semaine au Devoir l'ancien journaliste et conseiller politique, aujourd'hui directeur exécutif du Centre d'études et de recherches internationales de l'Université de Montréal (CERIUM). «On a trouvé toutes sortes de problèmes à l'origine de la crise financière, comme le manque de réglementation des banques, la dérive de la spéculation, la mauvaise répartition de la richesse et les paradis fiscaux. Mais même si on réussissait à régler tout cela, ce ne serait pas suffisant. Les défis écologiques des changements climatiques et de la surutilisation de la biodiversité font que la planète est comme un Titanic lancé non pas vers un iceberg, mais un mur de glace. On le percutera à moins que des changements importants surviennent durant les 10 ou 20 prochaines années.»
Il a dirigé, avec le professeur de sciences politiques de l'Université de Montréal Éric Montpetit, la publication d'un ouvrage sur le sujet intitulé: Imaginer l'après-crise, pistes pour un monde plus juste, équitable, durable. Rédigé à la suite d'une conférence tenue à Montréal ce printemps, le livre de 276 pages lancé cette semaine compte aussi sur les contributions de l'ancien premier ministre socialiste français Lionel Jospin, ainsi que d'une bonne demi-douzaine d'autres experts tous «ancrés à gauche».
Jean-François Lisée y passe notamment en revue les différentes solutions au capitalisme avancées ces dernières années, et en propose finalement une vingtaine. «Il ne s'agit pas d'essayer de rompre avec le capitalisme, mais plutôt de trouver des moyens de mieux le dompter, précise-t-il. C'était un sacré défi parce qu'il fallait que ces solutions soient à la fois réalistes, applicables en un temps relativement court d'une ou deux décennies et suffisant pour éviter le désastre.»
Propositions de solutions
L'une de ces solutions serait de passer des accords internationaux qui imposeraient à toutes les entreprises la triple reddition de comptes, soit non seulement en matière économique et financière comme maintenant, mais aussi en matière d'impacts environnementaux et de respect des normes internationales du travail. La performance des entreprises dans ces trois domaines pourrait amener l'imposition de sanctions et servirait de base au calcul pour la rémunération de leurs dirigeants.
Jean-François Lisée propose aussi de freiner la surconsommation en adoptant cette vieille idée d'un économiste anglais des années 1950, récemment revenue au goût du jour, et consistant à ne plus taxer les revenus des ménages, mais seulement leur consommation. On déduirait des revenus les dépenses jugées essentielles ainsi que l'épargne, et le reste serait taxé en vertu de taux marginaux croissants, comme pour l'impôt sur le revenu.
Jean-François Lisée va jusqu'à emprunter une idée à l'économiste québécois Marcel Boyer, pourtant plutôt à droite. Elle viserait à augmenter la place occupée par les coopératives, les organisations de citoyens et autres entreprises de l'économie sociale et solidaire. «Ces entreprises ne sont pas parfaites, mais elles ont le grand avantage de ne pas avoir besoin de croître et d'engranger plus de profits pour atteindre leur but», dit l'auteur.
À terme, il espère que ces entreprises, «à l'ADN différent» des compagnies capitalistes, s'imposeront de plus en plus dans l'économie, jusqu'à ne laisser aux autres qu'une partie congrue, «comme les démocraties ont lentement remplacé les monarchies».
Des changements qui se font attendre
Bien que l'émergence du G20 comme forum de gouvernance mondiale constitue une avancée importante à ces yeux, il constate que les promesses de réformes du capitalisme faites durant cette crise ont donné jusqu'à présent assez peu de résultats. Paradoxalement, les partis de gauche ne semblent pas non plus avoir su profiter de la spectaculaire déconfiture du modèle néo-libéral. Il y a bien eu l'élection du président américain Barack Obama, l'an dernier, mais la plupart des réformes qu'il a proposées à ce jour, notamment en matière de santé, s'avèrent bien plus des tentatives de simple mise à niveau avec les autres pays occidentaux que de grandes innovations.
Les partis politiques de gauche ne sont toutefois pas les seuls à pouvoir défendre la nécessité d'un virage, note Jean-François Lisée. Le mouvement écologiste a, par exemple, su montrer qu'il pouvait aussi être un puissant moteur de changement. «L'opinion publique se rend parfaitement compte qu'il y a un problème fondamental avec le capitalisme aujourd'hui. Ce qui lui manque, ce sont des solutions auxquelles elle peut se rallier.»
Le Devoir


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