Des énormités

Par Elie Benchetrit

Géopolitique — Proche-Orient

Libre opinion: Décidément, le professeur Omar Aktouf n'y va pas de main morte quand il s'agit de victimiser les uns -- les Libanais -- et de démoniser les autres -- les Israéliens ([«Barbarie au Moyen-Orient et Arabes tétanisés»->1634], Le Devoir, 21 août 2006). C'est son droit le plus absolu, et ce serait une perte de temps pour ceux qui, comme moi, ne partagent pas son analyse que d'argumenter avec lui à ce sujet.
Ses théories du «complot» et du «pillage des richesses» (comme si les pays consommateurs de pétrole ne payaient pas les pays producteurs au prix du baril défini par le marché) ont été largement exposées et reprises chaque fois que la presse écrite lui ouvre ses colonnes.
Ce qui est grave, par contre, c'est quand il écrit des énormités du genre «les antédiluviennes katiouchas». Ici encore, M. Aktouf reprend cette comptabilité macabre qui consiste à dire qu'Israël ayant eu moins de civils tués que le Liban, l'État hébreu s'est donc rendu coupable de crimes de guerre, pire, de crimes contre l'humanité ! Qu'on aille s'enquérir auprès du million de personnes qui ont dû évacuer les villes et les villages du nord d'Israël comment elles vivaient lorsque ces gentilles «katiouchas antédiluviennes» tombaient sur leurs maisons. Sans compter les autres roquettes à moyenne portée qui s'abattaient également sur Haïfa.
À propos encore une fois de l'armement «antédiluvien» du Hezbollah, M. Aktouf devrait prendre connaissances d'autres sources que celles où il puise d'habitude ses informations. Qu'il lise par exemple l'article de Charles Enderlin, correspondant en Israël de France 2 et journaliste peu suspect de sympathies particulières pour le gouvernement d'Israël, qui écrivait dans Le Monde du 16 août dernier : «Le Hezbollah avait construit un véritable réseau de fortifications, les renseignements israéliens l'ignoraient. Certains bunkers se trouvaient à 30 mètres sous terre, équipés d'ordinateurs et de systèmes vidéo permettant une surveillance des environs. L'armée de l'air ne parviendra pas à les détruire. Autre surprise : l'armement ultramoderne dont dispose la milice chiite. Des missiles antitanks qui percent le blindage du char israélien Merkava, pourtant considéré comme un des plus modernes au monde. Des Saggers de fabrication iranienne, des Métis et des Kornet russes, des Tows américains. Pendant six années, le Hezbollah s'est donc armé et préparé à la guerre sans que l'alarme sonne en Israël.»
Ce n'est donc pas à une bande d'enfants de choeur qu'Israël a eu affaire lors de cette guerre mais bel et bien à une armée organisée et financée par l'Iran, malgré le scepticisme à ce sujet de M. Aktouf, et qui constituait, on ne le répétera jamais assez, un État dans l'État au pays du Cèdre. À ne voir que ce qu'on souhaite voir, on risque à la longue de devenir aveugle.

Le drame que vivent les populations du Liban comme celles du nord d'Israël me touche et m'interpelle comme être humain attaché au respect de la vie. Il ne saurait cependant y avoir de hiérarchie ni dans la souffrance ni dans la mort, surtout quand il s'agit d'innocents.
Et j'aurais tellement souhaité que le très progressiste Omar Aktouf prenne sa plume, ne serait-ce qu'une seule fois, pour condamner dans le même élan les propos du président iranien Mahmoud Ahmadinejad appelant à «rayer Israël de la carte» ou ses déclarations négationnistes à propos de l'Holocauste.
Elie Benchetrit
_ Directeur des relations publiques, communauté sépharade unifiée du Québec


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